Co-auteur, avec Léonce Gamaï, du livre « Hôtel Plm Alédjo, Gloire et déclin du berceau du Renouveau démocratique béninois » paru en février dernier, Romaric Tankpinou Banon, dans un entretien accordé à Tanguy Agoï dans l’émission Actu Matin de Canal 3 Bénin ce mercredi 4 mars 2015, est revenu sur les motifs du choix du qualificatif ‘’déclin’’ et insister qu’il y a urgence de ce que dans le contexte global du problème de l’hôtel Plm, priorité soit accordée à l’auditorium afin que ce local où s’est jouée, il y a 25 la vie de tout le peuple béninois, soit sauvé et sauvegardé pour l’histoire.
Hôtel Plm Alédjo, Gloire et déclin du berceau du Renouveau démocratique béninois. Pourquoi déclin ?
Déclin parce que ce lieu n’est plus à la hauteur de ce qu’il représente pour notre histoire, pour notre peuple et pour la place qu’il devrait occuper dans la vie du citoyen béninois et des dirigeants béninois.
Mais l’infrastructure est toujours en place !
L’infrastructure est en place mais est suffisamment diminuée. C’est déjà peu dire que de parler d’une infrastructure diminuée parce que déjà beaucoup de traces relatives à la Conférence des forces vives qui a été un des événements importants abrités par ce centre sont déjà parties et il en reste quelques-unes qui peuvent être encore sauvegardées. Donc on peut parler bien évidemment de déclin avec l’espoir qu’un jour il y ait un réveil aussi bien des dirigeants qu’au niveau des citoyens pour que ce qui peut encore être sauvé puisse l’être.
Dans le livre, vous peignez une infrastructure complètement en décrépitude. Dans l’avant- propos, vous disiez que on ne devrait pas sortir cet état de chose du contexte global béninois qui est que on a tendance à oublier ou à négliger les archives. Quand on sait que nous sommes issus d’un contexte socio culturel qui est attaché au culte par exemple des anciens, qui par exemple est attaché aux histoires, aux contes et autres, comment comprendre qu’il y ait cette antinomie où on adore les anciens mais on laisse tomber les archives ?
Je crois que cette approche de la question doit être suffisamment relativisée en ce sens que si nous considérons que nous sommes issus d’une culture où il y a le culte des anciens, il ne faut pas occulter que quand nous intervenons dans le champ politique, dans la gouvernance publique, il devient systématiquement important pour toute personnes qui accède au pouvoir d’Etat de chercher malheureusement à effacer les traces du passé pour mieux affiner son image. Ne perdons pas de vue qu’ en passant de la période révolutionnaire au Renouveau démocratique en 1990, tout a été fait comme si nous n’avions plus rien à tirer de la période révolutionnaire, comme s’il n’y avait pas des initiatives positives à tirer. Et même quand on prend d’un président à un autre, la tentative a été toujours d’un dénie de soi, d’une remise en cause permanente au point où on peut se dire, est-ce que ce n’est pas une sorte d’hypocrisie sociale que de dire que nous avons un système socioculturel qui valorise les anciens. Je crois que, on fait simplement appel à l’histoire ou à des éléments positifs de l’histoire quand ça arrange. Mais dans les faits, il n’y a pas des initiatives structurelles, il n’y a pas des initiatives durables qui parviennent ou qui contribuent vraiment à sauvegarder notre patrimoine historique politique.
J’ai envie de conclure que c’est un acte plutôt politique qui nous met dans cette situation ?
Oh non ! Je crois que le dirigeant n’est qu’à l’image de l’ensemble des citoyens parce que si nous prenons spécifiquement le cas de l’hôtel Plm Alédjo, on peut se rendre à l’évidence qu’à aucun moment il n’y a eu de levée de bouclier d’organisation citoyenne, d’association ou d’Ong. Il n’y a eu à aucun moment non plus de levée de bouclier au niveau de ceux qui animent la vie politique encore moins au niveau des dirigeants actuels ou passés. On ne peut pas se dire que c’est juste un fait politique mais c’est dans l’inconscient populaire du Béninois qu’il faut aller chercher le problème et se rendre à l’évidence que le Béninois lambda, qu’il soit intellectuel ou non, a vraisemblablement un lien très faible à la mémoire et au passé.
On va rapidement faire une historique, vous l’avez faite d’ailleurs dans le bouquin, de cette infrastructure. Comment elle est née, construite ? Dans l’inconscient collective on a l’impression que c’est sur un coup de tête que l’Etat a décidé de construire l’hôtel. On ne comprend même pas le sigle Plm.
Il faut dire que le Bénin a été membre d’une organisation qui n’existe plus aujourd’hui. C’est l’Ocam (Organisation commune africaine et malgache) qui a d’ailleurs donné naissance à Fagace (Fonds africain de garantie). Déjà en 1979, le Bénin a accueilli le 10è sommet de l’Ocam qui était une rencontre des Chefs d’Etat et de gouvernement membres de cette organisation. C’est à cette occasion que ne disposant pas d’infrastructure hôtelière adaptée pour accueillir ses hôtes de marque, le Bénin avec l’appui de cette organisation à construire ce qui était appelé alors le village de l’Ocam qui a été mis en place en juin 1979, parce que le sommet a eu lieu vers fin juin 1979. Juste après cette grande manifestation, déjà en 1982, le gouvernement béninois a dû conclure un accord de gestion salariée avec le groupe international Paris- Lyon- Méditerrané (Plm), ce qui a conduit à un changement de nom et c’est devenu hôtel Plm Alédjo. Aujourd’hui, étant donné que le groupe Plm s’est retiré depuis 2000, c’est redevenu hôtel Alédjo.
On en est à un stade où l’oubli où le temps est en train d’altérer l’histoire à ce niveau. Et vous dites même que la configuration géographique de l’infrastructure ne permet même pas de sauvegarder quelque chose. Que faut-t-il faire maintenant ?
Avec mon co-auteur, nous croyons qu’il est important de mener des actions urgentes en ciblant prioritairement l’auditorium qui a abrité les séances plénières de la Conférence nationale des forces vives parce que, je crois que jusqu’à présent, les différents projets et initiatives n’ont pas porté parce qu’on a voulu inscrire l’auditorium dans le contexte général de l’hôtel qui est un problème plus gros, qui implique encore plus de dépense. Si nous considérons qu’il faut sauvegarder à tout prix ces traces importantes du passé, il est important de sortir l’auditorium du grand problème de l’hôtel pour s’y concentrer pour voir qu’est-ce qu’on peut encore sauvegarder, est-ce qu’ il y a encore une reconstitution à faire, en raison par exemple des menaces qui pèsent sur le site avec l’érosion côtière et autres qu’est-ce qui peut être fait de façon urgente pour sauver les vestiges qui peuvent encore l’être.
Etes-vous partant pour un contrat de bail ou une mise en concession ?
De toutes les façons, je crois que l’Etat a déjà pris une initiative dans ce sens depuis 2012 avec un groupe hôtelier de rang international avec pour option d’aménager un espace dédié à ce qu’ils ont appelé ‘’Musée de la démocratie’’. Et c’est justement cette approche qui ne correspond pas trop à notre manière de voir la chose. Parce que tout cela, c’est qu’on sera obligé d’inscrire nécessairement la sauvegarde de cet auditorium dans le cadre de l’hôtel. Donc tant qu’il n’y aura pas cet important investissement, l’Etat ne pourra pas prendre ses responsabilités alors qu’il serait souhaitable que notre Etat au regard de la place qu’occupe cet endroit puisse régler ponctuellement ou spécifiquement la question de l’auditorium quitte à redéfinir ou gérer autrement la question de l’espace hôtelier.
Transcription : Blaise Ahouansè
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