La décision scandaleuse de la Cour qui consacre la volonté de bâillonnement des médias

Elle est passée incognito comme une lettre à la poste , cette décision de la Cour portant sur le recours contre le fameux communiqué signé du seul Adam Boni TessI, intimant l’ordre aux médias de ne pas publier les déclarations des protagonistes du cos-Lepi sur la crise électorale. Elle a été tout simplement éclipsée  par les récentes décisions politiques relatives aux positionnements sur les listes électorales. Et contre toute attente, elle est venue conforter les partisans du bâillonnement des médias.

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On croyait la polémique définitivement close après le communiqué d’excuses  rédigé et publié  sur le mode du repentir par Adam Boni Tessi, président de la Haac. Un communiqué qui reniait de manière formelle un précédent communiqué au ton comminatoire qui intimait l’ordre aux médias de «  surseoir immédiatement toute diffusion ou publication des déclarations de membres du Cos-Lépi et de tous autres acteurs qui ne sont pas de nature à faciliter le dialogue en vue d'une sortie de crise dans l'intérêt supérieur de notre pays et de sa démocratie. »De mémoire de journaliste, le fait était tellement inédit  que nous n’avions pas jugé utile de réagir pour enfoncer le clou. Le président de la Haac avait fait preuve d’une bonne dose d’humilité pour dire et écrire noir sur blanc ceci : le communiqué à polémique ne visait nullement, ni à bâillonner, ni à porter atteinte à une quelconque liberté de la presse dans notre pays. Cependant, eu égard aux nombreuses réactions qu’il a suscitées, je voudrais présenter mes sincères excuses, en mon nom propre et au nom de l’Institution que je préside, à tous ceux et à toutes celles qui se sont sentis outrés d'une manière ou d'une autre .On ne tire pas sur une ambulance, avions nous estimé à l’époque , pour ne pas donner l’impression d’en rajouter aux malheurs de quelqu’un qui a l’humilité de reconnaître ses torts. Bien que la démarche ait paru inhabituelle, nous avons pris le nouveau président de la Haac au mot tout en mettant sa déclaration de repentance sur le compte de l’ inexpérience et de la trop forte pression subie par quelqu’un qui a pris sa nomination comme une bénédiction divine .

>> Haac – Lépi : Décision DCC 15-042 de la cour constitutionnelle

Réhabilitation

Voilà que la Cour vient de le réhabiliter, pour ainsi dire(lire l’intégralité de la décision DCC 15-45 u 26 février 2015 , 6 ,7 et 11) , Dans sa réponse aux instructions de la Cour rédigée dans un style très relevé pour quelqu’un qui n’a pas de compétence avérée en matière juridique ,le président Adam Boni Tessi monte sur ses grands chevaux pour s’épancher sur des généralités sur son pouvoir d’injonction et de sanction., sans citer un seul texte qui l’autorise à prendre la décision qu’il a prise et regrettée en l’absence de toute concertation avec ses pairs. Les cas de jurisprudence qu’il cite à  l’appui de sa nouvelle démonstration, à savoir le cas de violation par un média audiovisuel de la convention d’exploitation qu’il a signée avec la Haac ne sont pas pertinents et les mesures conservatoires que la Haac serait amenée à prendre ne sont que de la diversion. Or, la demande des deux requérants est claire comme l’eau de roche .D’un côté, l’ex- député et ancien ministre de Yayi, Lani Davo s’appuyant sur la loi organique de la Haac et sur la Constitution  a cité tous les cas  de publication interdite notamment celle incitant à la haine raciale et tribale pour conclure en ces termes, d’une rare pertinence : « empêcher les médias de traiter l’actualité liée à un sujet préoccupant comme celui ayant pour finalité l’organisation des élections sur fond de menaces, c’est de l’intimidation, toutes choses qui constituent une flagrante violation des droits de  l’Homme, notamment le droit à l’information, objet de l’article 9 de la Charte africaine des droits de l’Homme et des peuples » Quant à Serge Prince Agbodjan,il se place sur le terrain  de l’Etat de droit en évoquant et la loi organique et le règlement intérieur qui ne  donne aucun droit au président de la Haac de se substituer à ses pairs pour prendre une décision qui engage toute l’Institution .

La notion floue de l’ordre public

Dans son analyse du recours dont la brièveté (690 mots sur les 5950 de la décision)tranche avec les deux autres parties de la décision que sont l’exposé des recours et l’instruction,la Cour a estimé que Adam Boni Tessi qui a rédigé un communiqué illégal au terme des dispositions pertinentes de la loi organique et du règlement intérieur et qui s’en est publiquement repenti n’a pas violé la Constitution. A l’appui de cette décision bizarroïde dont la Cour Holo a le secret, la notion floue de la sauvegarde de l’ordre public laissée à la seule discrétion du président de la Haac. Qui ne représente pas le pouvoir exécutif , seul compétent en matière de maintien de l’ordre public assuré par les forces de l’ordre rétribuées par l’argent du contribuable .Dans son zèle répressif, la Cour, confondant le président de la Haac avec  toute l’ institution dirigée par un président nommé par l’exécutif, déclare, sans sourciller, sur le mode péremptoire que le droit à l’information est un droit fondamental qui, dans son exercice, « peut être régulé par la haute Autorité de l’audiovisuel et de la communication (HAAC) pour des motifs de sauvegarde de l’ordre public et de l’unité nationale notamment » Et la cour  de décréter que la Haac dispose … « en sa qualité d’institution régulatrice des médias,  d’un pouvoir souverain d’appréciation « ( souligné par nous).La messe est dite ! En prenant une telle décision, la Cour ne fait que confirmer les rumeurs qui ont circulé à l’époque sur les instructions que le président Tessi a reçues formellement de ses pairs du conclave des présidents d’institution et qu’il avait naïvement reconnues en évoquant lui-même les «  pressions ».

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Boni Tessi remis en selle

Voilà une décision de la Cour Constitutionnelle qui fait reculer la liberté de la presse et qui peut amener la presse béninoise à se tenir à carreau, dès lors qu’un prétendu « dérapage dans les médias de nature à mettre en péril l’ordre public ou l’unité nationale » est et sera évoquée. « La Cour HOLO octroie désormais  au Président de la Haac « un pouvoir souverain d’appréciation », en dehors des autres membres,  y compris les professionnels même.  Un non professionnel du  secteur qui a un pouvoir  souverain d’appréciation d’un secteur aussi sensible que celui des médias, c’est vraiment extraordinaire ! Car, nulle part dans la Constitution du 11 décembre 1990, le président de la Cour dont on dit qu’elle est la plus haute juridiction en matière constitutionnelle n’a un tel pouvoir .Ce pouvoir accordé  au Président de la Haac par la Cour Holo lui permet désormais de prendre toute mesure qu’il estime nécessaire pour prévenir tout dérapage dans les médias de nature à mettre en péril l’ordre public ou l’unité nationale. …

Si nous savons que les  notions d’ordre public ou d’unité nationale ne sont pas des notions précises en droit, c’est une porte ouverte  aux déviances  d’un président partisan pour prendre  des mesures iniques.

Ainsi, si la Cour devait en arriver à porter le choix sur un candidat qui n’a pas gagné dans les urnes, par le jeu des annulations fantaisistes de voix, le Président de la Haac avec son pouvoir discrétionnaire que la Cour Constitutionnelle vient de lui accorder pourrait interdire tout simplement la diffusion des commentaires faits après investigation pour montrer les erreurs et les combines  à la Cour ou à la Cena.  Adam boni Tessi vient ainsi d’être remis en selle par une décision déjà prise par le conclave des présidents d’institution. Un ballon d’essai, pour ainsi dire, comme les autres récentes décisions relatives aux  positionnements sur les listes électorales. Une sorte de round d’observation de la Cour Holo pour tester la capacité de réaction du peuple béninois.

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