Bénin : derrière le masque des candidats

Beaucoup d’appelés, mais peu d’élus. Des centaines de candidats vont à l’assaut de l’Assemblée nationale. Pourtant, il n’y a que 83 sièges à pourvoir. La demande est sans rapport avec l’offre. D’où la tension ambiante, prélude à une campagne électorale qui promet d’être colorée. Mais, tous ceux qui frappent à la porte de notre Parlement, pour nombreux qu’ils soient, n’entrent que dans quatre grandes catégories de candidats.

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1- Les candidats « Pi-Pan ». Appelons-les les « vieux de la vielle ». Ils ont à leur actif plusieurs mandats de députés. Ce sont, comme on dit, « les habitués du coin ». Entre eux et leur base électorale, c’est une longue histoire d’amour. Quand ils disent « Pi », leur base répond « Pan ». Allusion aux mots codés que s’échangeaient naguère le Chef de l’Etat et le Chef du Parlement, preuve alors d’une entente plus que cordiale entre l’Exécutif et le Législatif. Les candidats « Pi-Pan » sont des chevaux gagnants. Qu’il pleuve ou qu’il vente. Ils règnent sur leur fief politique comme un souverain règne sur ses terres. Qu’ils fassent campagne ou non, ils raflent toujours la mise. Gare à ceux qui s’aventureraient à s’y frotter. Défaite assurée.

2- Les candidats « Egblé maku ». Ce sont généralement des jeunes inscrits sur diverses listes en compétition. C’est leur baptême du feu. Mission : faire du rabattage. Ce mot appartient au vocabulaire de la chasse. Il signifie, « ramener par la force le gibier vers les chasseurs ». Les candidats « Egblé maku », ne partent donc pas gagnants. Mais ils sont chargés de faire gagner d’autres. En contrepartie, ils sont mis en selle et s’ouvrent ainsi les portes de l’avenir.  

D’abord, ils gagnent en visibilité, après s’être extraits de l’anonymat de la foule. Ils n’avaient qu’un prénom. Ils sont désormais sur la bonne voie pour se faire un nom. Ils étaient hier des spectateurs. Ils comptent, aujourd’hui, pour des éléments politiques émergents. Ensuite, ils sont préposés pour séduire et pour appâter d’autres jeunes. En effet, plus de 60% des Béninois ont moins de 35 ans. Personne ne peut négliger un aussi important bassin électoral. Enfin, ils s’investissent beaucoup dans les élections législatives de 2015, dans l’espoir de moissonner gros, au profit de leurs leaders respectifs, à l’élection présidentielle de 2016. Comme on le voit, les candidats « Egblé maku » sont des semences d’avenir. Il leur est demandé de transformer les sentiers d’aujourd’hui en des autoroutes de demain.

3- Les candidats « Mahu kêdê ». Ce sont tous ceux-là qui se lancent dans l’aventure des élections avec des chances quasi nulles de succès. Ils ne sont nantis que de maigres moyens. Ils ne bénéficient pas de soutien politique marquant et déterminant. Ils ne drainent pas à leur suite une foule d’amis et de sympathisants. Seuls contre tous, ils ne sont pas moins habités par la certitude qu’ils sont chargés d’une mission divine. Ils vous diront qu’ils sont les instruments de Dieu. Ils ne répondent qu’à son appel. « Qui peut sonder de Dieu, écrit Lamartine, l’insondable pensée ». Les candidats « Mahu kêdê », se croient ainsi dans une quête messianique. Ils sont dans la peau des libérateurs, des envoyés de Dieu. Pour eux, le bulletin de vote, tout comme l’urne, ne sont que des signes matériels sur les chemins bénis d’une mission spirituelle. Quant aux structures de gestion des élections, pour nobles que soient leurs charges, elles ne sont que de simples courroies conçues par les hommes pour bricoler les affaires des hommes. En fait, c’est Dieu qui est premier. Il est au contrôle. Il est la source de tout pouvoir.

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4- Les candidats « Mitoyémê ». Ils nous installent, par le détour des élections, dans la fantaisie et dans la drôlerie. Ils sont candidats pour rire de tout. Ils sont candidats pour rire d’eux-mêmes. L’élection semble leur tendre un miroir, celui dans lequel ils se mirent. L’élection les propulse au devant de la scène pour qu’ils se révèlent totalement, pensent-ils, à leurs compatriotes. En tout cas, sous les trois dimensions de l’être selon William Shakespeare. A savoir : « La personne que les gens pensent qu’ils sont, la personne qu’ils pensent eux-mêmes être et la personne qu’ils sont vraiment. » Les candidats « Mitoyémè » traversent ainsi une élection sans laisser de trace. Sinon, le souvenir fugace qu’ils se sont signalés, un jour, à l’attention de leurs compatriotes. Il était une fois un météore. Il traversa, en l’an de grâce 2015, le ciel électoral brumeux du Bénin. Un pays qui n’a jamais cessé de croire et d’espérer

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