Bénin : Jacques Ayadji dénonce les lancements électoralistes d’infrastructures

(Il rend Yayi responsable des déconvenues qu’engendrerait le désordre en cours) Le premier Secrétaire général adjoint du Syndicat national des travailleurs de l’administration des transports et des travaux publics (Syntra-TTP) et porte-parole du bureau exécutif national, Jacques Ayadji accordé ce mercredi une interview à la radio Soleil Fm.

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Dans cette interview d’une dizaine de minutes, l’ingénieur des travaux publics qui intervenait au nom du syndicat a dénoncé les lancements  de chantiers et poses de première pierre devenus quasi quotidiens en cette veille d’élections. Il a également fait savoir que la plupart de ces chantiers, précisément les chantiers de la route Houégbo-Toffo, de l’autoroute Carrefour Sèmè-Porto-Novo et des échangeurs des carrefours Vèdoko et la Béninoise, sont sans financements et sans études de faisabilité. Aussi, Jacques Ayadji a-t-il prévenu du « désordre » sur certains chantiers, notamment Houégbo-Toffo et Zè-Tangbo. Lire ci-dessous publiée l’intégralité de  son entretien.

Soleil Fm : Nous avons vu le chef de l’Etat lancer plusieurs infrastructures, notamment routières tous azimuts. A quoi tiennent tous ces travaux ?

Jacques Ayadji : Je pense que je vais partir même d’une déclaration publique du chef de l’Etat à Dowa, si je ne m’abuse, où il a fait l’aveu public qu’il trompe le peuple en même temps que tous les politiciens. Parce que je l’ai entendu dire : « Nous trompons le peuple, nous les politiciens ». Et j’estime, au nom du  bureau exécutif dont je suis le porte-parole, que ces lancements rentrent en ligne de compte de ces tromperies du peuple dont le chef de l’Etat se réclame.

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Jacques Ayadji, il y a trois chantiers essentiels. Le chef de l’Etat a lancé Houégbo-Toffo. Est-ce que les études sont faites ? Est-ce que le financement existe ?

D’abord, je peux dire sans ambages que c’est du faux. Je le dis et je prends l’opinion publique nationale et internationale à témoin pour dire que le chef de l’Etat organise la tromperie du peuple. Sinon la route Houégbo-Toffo, c’est une route qui est en chantier aujourd’hui. On est en train de faire l’entretien périodique financé par le fonds routier. L’entreprise qui est sur les travaux n’a pas encore livré le chantier, même si elle a dit qu’elle a fini et a demandé un constat d’achèvement des travaux. La réception n’a pas encore eu lieu. Et le chef de l’Etat a dépêché sur le terrain une entreprise pour en faire le bitumage. Alors, le chef de l’Etat est en train de nous préparer à un conflit. Parce qu’on n’a pas encore soldé le marché de l’autre entreprise qui a travaillé,, on n’a pas encore clôturé le marché. C’est un projet qui n’engage pas l’administration des transports terrestres et des travaux publics.

Est-ce que les études ont été faites ?

Non, non. Pas du tout. C’est vrai que nous devançons les études et ça  avance. Il faut que ça arrive à l’étape d’avant-projet détaillé avant qu’on ne parle d’études bouclées. Nous n’en sommes pas là. La belle preuve est que je vous ai dit tout à l’heure que la route est en chantier financé par le fonds routier pour son entretien périodique, c’est-à-dire la mettre en bon état de service par rapport à sa nature actuelle de route en terre. Par conséquent, si le gouvernement savait qu’on allait bitumer cette route-là rapidement comme le chef de l’Etat l’a dit que ça va se faire en un temps record, pourquoi avoir mis des centaines de millions pour faire ce travail-là. Je veux dire ici que ces travaux-là n’engagent en rien l’administration routière. Et lorsque je parle d’administration routière, je parle des cadres et directeurs techniques qu’il y a au niveau du ministère et qui sont membres de notre syndicat. Le chef de l’Etat ne va pas poser des actes unilatéraux pour que demain on les interpelle.

Donc l’Etat lui-même ne dispose pas de fonds ?

Non, non. On a dit que c’est l’entreprise elle-même qui ira chercher les fonds. Elle cherche les financements et réalise elle-même les travaux. Elle met une partie du financement à la disposition des cadres du ministère pour recruter un bureau de contrôle et c’est à la fin que nous allons la rembourser. Est-ce que le gouvernement a les prérogatives d’engager le Bénin dans un processus de prêt sans passer par l’Assemblée Nationale ?

Et vous estimez que ce lancement est aussi une supercherie ?

C’est la même chose. Ça rentre dans la tromperie. De la même manière cet axe-là est aussi en chantier. L’entreprise qui est sur cet axe-là a fait des travaux que nous n’avons pas encore pris en compte. Alors le chef de l’Etat déverse la même entreprise et dans les mêmes conditions où c’est elle-même qui ira chercher les financements et que nous allons rembourser après. L’entreprise va et le premier jour le chef de l’Etat lance les travaux, on amène des bulldozers pour détruire les travaux que l’autre entreprise a faits alors que nous n’avons pas encore payé cette entreprise. Aujourd’hui nous sommes obligés d’envoyer un huissier sur le chantier pour aller faire le constat du désordre qui est organisé sur le terrain.  Parce qu’on ne sait pas comment séparer les deux maintenant ? Une entreprise fait des travaux, on n’a pas encore payé, on n’a pas encore fait le constat de ces travaux, vous envoyez un bulldozer pour aller détruire tout ça. Comment on va payer ? Même si on arrive à  payer l’entreprise, cela veut dire que c’est l’argent du fonds routier que nous avons gaspillé.

Et le chef de l’Etat met là une entreprise qui ne sera présente sur le chantier que jusqu’aux élections législatives. Parce que c’est une manœuvre pour tromper le peuple pour leur montrer que c’est maintenant nous allons travailler pour vous. Demandez à l’entreprise sur la base de quel plan elle est en train de travailler ? Sur la base de quel dossier d’exécution, elle est en train de travailler ? Et quel est le bureau de contrôle qui est en train de la surveiller ? Vous ne trouverez rien. Demandez à cette entreprise quel est le contrat qu’il y a entre elle et l’Etat béninois ? Vous ne trouverez rien. Nous sommes en train de dire aujourd’hui que les travaux qui sont en train d’être lancés comme ça, le seul responsable c’est le chef de l’Etat et peut-être son ministre.

Jacques Ayadji, vous dénoncez là des travaux sans lendemain. C’est le même cas pour le dédoublement de la route carrefour Sèmè-Porto-Novo ?

C’est exactement la même chose. On a amené un groupe français. Quelle est l’étude qui a été faite ? Ce projet va coûter combien ? Le chef de l’Etat a eu plusieurs occasions depuis 2006 pour dédoubler cette voie. Mais chaque fois que les financements sont obtenus, chaque fois que les ministres successifs essaient de se frayer un chemin pour avoir des financements pour ce tronçon-là, on détourne ces financements-là vers des axes routiers dans la partie septentrionale. Moi je suis surpris de constater que c’est maintenant que le chef de l’Etat veut se montrer proche des populations de l’Ouémé-Plateau. Si le chef de l’Etat était proche, on a eu plusieurs occasions pour aménager ce dédoublement qui a été commencé par le gouvernement Kérékou. On n’a pas fait la deuxième voie parce qu’on a vu que ce deuxième côté de la route est un côté très instable. C’est un marécage. C’est pourquoi on a mis des tonnes et des tonnes de sable qu’on a décidé d’observer pendant des années jusqu’à ce que le sol se stabilise avant qu’on ne passe pour mettre la route. Cela veut dire que c’est une bêtise aujourd’hui de dire qu’on est en train de poser la première pierre de ce tronçon. Parce que cela a déjà commencé.

L’argent n’est pas disponible ?

Il n’y a pas. Parce qu’on a dit que c’est un groupe qui va faire en BOT. 

Mais c’est la meilleure façon de faire le partenariat public-privé non ?

D’abord quel est le cadre légal dans lequel nous sommes en train de faire ça ? Pourquoi on n’a pas fait ça depuis longtemps ? Je dis aux populations de l’Ouémé et du Plateau que le gouvernement Yayi a eu plusieurs occasions d’aménager ce tronçon de route. Mais chaque fois qu’on se fraie le chemin pour avoir les financements, ces financements sont automatiquement détournés vers des axes routiers au niveau de la partie septentrionale. Pourquoi c’est maintenant qu’on amène un BOT ? Moi je ne comprends pas. Il faut que les gens arrêtent de tromper le peuple mais il faut quand même saluer le chef de l’Etat d’avoir eu l’honnêteté de reconnaître à la face du monde qu’il fait partie de ceux qui trompent le peuple et moi je ne fais que classer ces lancements-là dans la tromperie du peuple.

Le président de la République a parlé de deux échangeurs. L’un au carrefour la Béninoise et l’autre au carrefour Vèdoko. Ce sont des infrastructures qui devaient soulager les usagers ?

Oui, je suis d’accord que ça va soulager les usagers mais quelle est la priorité ? Et quel est le type de financement ? Est-ce que le gouvernement seul est capable d’aller endetter le pays comme cela avec des partenaires en BOT ? Moi, je peux reconnaître qu’au niveau du carrefour Sica-Toyota, il  faut faire quelque chose. Mais il faut dire que c’est au moment où on faisait le passage supérieur de Houéyiho qu’on aurait pu étudier ensemble les deux carrefours. On ne l’a pas fait. Maintenant on le fait parce qu’on est à la veille des élections ? Je vous dis que c’est du pipeau. Il n’y a rien dans cette affaire. Au niveau de la Béninoise, ce n’est pas urgent. Est-ce que le chef de l’Etat en lançant ces trucs-là, a expliqué au peuple béninois les coûts sociaux ? Parce que faire un échangeur-là, vous ne savez pas combien de maisons seront rasées ?

Les populations seront-elles dédommagées ?

Il faut leur dire. Pourquoi on n’a pas encore matérialisé les domaines qui seront frappés ? Quel serait le sort de la Sobebra après cet échangeur-là ? Je dis aux populations que ce sont des lancements purement électoralistes. Et ces travaux vont s’achever en même temps que les élections législatives. Le chef de l’Etat est à la quête de 50 députés pour la révision de la Constitution et je crois que c’est cela qu’il est en train de faire. A Toffo, il faut aller gêner l’Union fait la nation à travers les députés Eric Houndété dont a dit qu’on fera tout pour qu’il ne réussisse pas. Lorsque vous allez à Zè, c’est Aditi Houdé avec son AND qui gêne. Il faut faire quelque chose pour tromper les populations. Lorsque vous allez dans l’Ouémé vous savez que c’est le PRD. Et c’est maintenant que le chef de l’Etat est en train de faire des parcs d’attraction au niveau de Porto-Novo. C’est maintenant qu’il veut faire la deuxième voie pour aller à Porto-Novo avec un nouveau pont pour franchir la lagune de Porto-Novo. J’apprends même qu’on va faire une voie routière jusqu’à Sakété. Non. Tout cela c’est du pipeau. Comme le chef de l’Etat l’a dit,  il faut que les politiciens arrêtent de tromper le peuple. Je pense que vous avez bien compris et que vous nous aiderez à dire au peuple que ce qui se fait là,  n’est pas le fait des cadres du ministère. Du Secrétaire général du ministère jusqu’au dernier planton en passant par les cadres techniques, personne n’est lié ni de près, ni de loin à ces lancements. C’est un diktat du chef de l’Etat. Si cela amène un problème demain, il faut qu’il soit le seul à en répondre. Son ministre peut être solidaire avec lui mais à part le ministre, les autres sont en train de subir comme nous.

Réalisation: Soleil Fm
Transcription : Yao Hervé Kingbêwé

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