Bénin : la présidence de YAYI à la lumière des statistiques économiques de la Banque Mondiale

A un an de la fin constitutionnelle de sa présidence, et à la veille d’élections parlementaires et locales qui vont orienter la vie de la nation pour les quatre prochaines années, il peut être intéressant d’analyser les performances économiques du président soutenu par une majorité parlementaire pendant la majeure partie de ses deux mandats.

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Le présidentYAYI a encore un an de mandat et les chiffres des années 2014 et 2015 ne sont pas encore connus.Il apparaît néanmoins , que sur la base des données dont on dispose en cette veille d’élections,  dans les trois dimensions économiques et financières majeures, production de richesses , répartition des richesses et financement de l’économie, les performances du président économiste, auréolé d’une aura de financier international et entouré d’une caste de techniciens de la Banque Centrale –BCEAO- ne sont pas de nature à faire faire au Bénin un saut qualitatif significatif comme celui de sortie du groupe des pays pauvres et très endettes –PPTE, encore moins celui de rejoindre le groupe des pays émergents. Ces performances sont comparables ou pires que celles des présidents du renouveau démocratique (Soglo, Kérékou 2 et YAYI).

De la méthode utilisée

Il existe plusieurs manières de procéder à cet examen et toutes ont leurs imperfections. Pour cadrer  les débats, nous avons choisi de nous appuyer sur les statistiques publiées par la Banque Mondiale et seulement elles, de façon à avoir des séries homogènes par leur source et méthodes de calcul. Nous avons choisi d’analyser l’évolution de ces statistiques dans le temps,  pendant la période 2007 -2013 ou 2014 ou le président YAYI était seul maitre à bord (parfois 2006 quand il s’agit de variation de stock) pour montrer ce que le président YAYI a accompli ou pas. Là où les chiffres sont disponibles, nous avons comparé les performances du président YAYI à celles obtenues  de  1990 – 2013 ou 2014 (selon la disponibilité des statistiques). La comparaison dans le temps permet de mettre en lumière les performances comparées des trois présidents qui se sont succèdé  depuis le renouveau démocratique. Cette période correspond à un contexte politique globalement homogène, en tout cas comparée aux périodes 1906 -1972 et 1972-1989 qui devront elles aussi faire l’objet d’analyses un jour.

Nous avons choisi de ne pas faire de comparaisons dans l’espace, par rapport à des pays voisins ou à des groupes de pays, en règle générale. De telles comparaisons, certainement intéressantes et édifiantes, suscitent toujours des controverses, les circonstances particulières des pays, guerre, ressources minières, taille du territoire, avantages économiques supposeés  etc….Ces facteurs étant difficiles à mesurer et quantifier pour parvenir à des unités comparables, il est aisé de balayer de la main les comparaisons peu flatteuses et de porter aux nues celles qui avantagent. De telles comparaisons pourront être faites, en prenant des précautions d’usage, dans des articles à venir par cet auteur ou d’autres. La seule exception est la comparaison des différences entre le taux de croissance du Bénin et celui des pays d’Afrique sub-saharienne –hors Afrique du Sud et Nigeria- (écartsà la moyenne) pour illustrer la convergence ou divergence d’avec  le Benin. 

Les statistiques utilisées peuvent être vérifiées en téléchargeant depuis le site de la banque mondiale http://donnees.banquemondiale.org/pays(sélectionner Benin). Ces statistiques ne sont pas infaillibles, mais il est généralement admis qu’elles figurent parmi les plus complètes disponibles et elles servent a beaucoup d’analyses faites par les décideurs nationaux et internationaux, prives ou public. Elles peuvent être légèrement différentes sur certains points de celles de la BCEAO (incomplètes) ou de la BAD (généralement plus complètes).

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Dans la panoplie large des indicateurs disponibles, nous avons sélectionné trois groupes d’indicateurs simples à comprendre et pour lesquels des séries de données assez complètes existent. Sans prétendre à l’exhaustivité –il faudrait un livre-, ces indicateurs nous paraissent significatifs des résultats de la gouvernance en termes économiques et financiers. Pour rester simples, nous avons volontairement écarté les indices composites –comme l’indice de développement humain- et autres qui intègrent des variables qualitatives sujettes à discussion et/ou manipulation, et ceux dont l’impact immédiat sur la vie quotidienne n’est pas évident (balances commerciales, balance des paiements) mais dont les effets sont d’une manière ou d’une autres intègres dans ceux sélectionnes (PIB, endettement etc…).

Nous détaillerons ces indicateurs en présentant les résultats  à travers deux articles, le premier –celui-ci se concentrant sur les indicateurs de production de richesses:

  • Indicateurs de production de richesses: Produit Intérieur Brut –PIB-, PIB par tête, croissance de ces deux indicateurs et écarts de taux de croissance entre le Bénin et la moyenne de l’Afrique sub-saharienne (hors Nigeria et Afrique du Sud).
  • Indicateurs de répartition de la richesse nationale : Taux de pauvreté au seuil national, et écart au seuil de pauvreté
  • Financement de l’économie : Dette externe en pourcentage du revenu national,pourcentage de la dette à court terme dans le total de la dette, évolution des dettes impayées, évolution des réserves
  1. Les indicateurs de production de la richesse nationale

Le Produit Intérieur Brut –PIB- a dollars 2005 constants et Parité de Pouvoir d’achat  (pour effacer les effets de l’inflation et des cours de change et ajuster au niveau de vie) et son changement d’une année sur l’autre, le taux de croissance, le PIB par tête d’habitant (par personne) et son changement d’une année sur l’autre –taux de croissance. Le PIB mesure la production de richesses par le Bénin et est un indicateur généralement admis de la mesure du progrès économique. L’une des critiques du PIB dans nos pays est qu’il mesure mal les activités informelles qui sont un composant majeur de la richesse nationale chez nous. Toutefois cette insuffisance étant constante pendant la période concernée par notre analyse (et au-delà), ceci ne devrait pas affecter les conclusions de façon significative.

a.      Croissance faible, le président YAYI en queue de peloton des moyennes et maxima de taux de croissance depuis le renouveau

Il est généralement admis qu’une croissance minimale de 6% est nécessaire pour commencer à réduire la pauvreté. Une croissance à deux chiffres (10% et plus) sur plusieurs années est souvent requise pour rejoindre le groupe des pays dits émergents.  Au cours des 25 années de renouveau, le taux Le taux de croissance de l’économie béninoise a atteint ou dépasse 6% en quatre occasions, deux sous le président Solo avec 8,9% en 1990 (peut être une anomalie statistique liée à la très faible base de départ en 1989 et exclue des calculs et comparaisons ) et 6,04% en 1995, une fois sous Kérékoué 2  avec 6,24% en 2001, jamais sous le président YAYI jusqu’à présent.

Sur la période du renouveau, la moyenne des taux de croissance s’établit à 4,29% et le président YAYI avec 4,17% de moyenne contre 4,23% à Soglo et 4,41% à Kérékou 2,  a la plus mauvaise moyenne à ce jour.

 

Ces taux de croissance de la production nationale de richesses couvrent à peine le taux de croissance de la population et de ce fait on observe un taux encore plus faible de la croissance du revenu par tête d’habitant.  Cette croissance anémique du revenu par tête d’habitant ne permet pas de sortir de la pauvreté.

Sur cet indicateur, les plus forts de croissance ont encore été observés sous Kérékou2, mais le président YAYI obtient la meilleure moyenne des taux de croissance par tête d’habitant. A y regarder de près, on observe que cette meilleure moyenne du taux de croissance par tête d’habitant n’est pas due à de meilleures politiques économiques, mais à la décélération de la croissance de la population passant de 3,51% par an en moyenne sous Soglo  à 3,12% par en moyenne sous Kérékou 2 à 2,87% en moyenne sous le président YAYI. Une croissance démographique plus faible entraîne automatiquement une croissance plus forte du PIB par tête, toutes choses étant égales par ailleurs.

La question qui se pose est de savoir si cette décélération est le résultat de politiques de la population initiées et conduites par le président YAYI ou ses prédécesseurs ou si la prévalence de la misère et l’augmentation du niveau d’instruction entraînent des changements sociologiques majeurs dans les décisions des familles, Ces questions méritent d’être étudiées en elles mêmes car elles peuvent avoir un impact durable sur notre nation et son bien être.

Comme les différents graphiques l’illustrent, le bilan économique du président YAYI tel que mesuré par les indices du PIB ne sont pas brillants en eux-mêmes, et le sont moins comparés aux deux autres présidents de la période du Renouveau.

Des explications sont avancées, invoquant les effets de la grande récession mondiale de 2008. Cela expliquerait en particulier les deux années-2009 et 2010- ou le PIB par tête d’habitant a connu une croissance négative (-0,3 -0,29).Nul ne peut nier que cette crise ait eu un impact sur notre économie. IL faut toutefois noter que les crises monétaires et financières–internes ou externes sont une caractéristique constante du système économique mondial et chaque décennie a son lot : krach boursier en 2008, 2000,dévaluation CFA, crise de devises à Mexico, crise d’Asie du Sud Est etc…

b.      La grande récession de 2008 n’explique pas tout : Sous le  président YAYI l’écart des taux de croissance entre le Benin et le reste de l’Afrique sub-saharienne  se creuse

Pour tenter de cerner l’efficacité intrinsèque des politiques économiques de nos présidents, nous suggérons de comparer l’évolution des écarts entre le taux de croissance du Bénin et la moyenne de taux de croissance des pays d’Afrique sub-saharienne hors Nigeria et Afrique du Sud.  Différentes comparaisons peuvent être faites. Le but ci est de savoir si nous sommes à la même distance des autres pays africains en moyenne, si cette distance s’accroît ou diminue. Sans  entrer dans des calculs statistiques compliqés, on peut voir sur le graphique ci-dessous que l’écart de taux de croissance entre le Bénin et l’Afrique sub-saharienne (hors Nigéria et Afrique du Sud) se creuse dans la mauvaise direction. De positif au début des années 1990 sous le président Soglo  et dans les premières années de Kérékou 2,  cet écart est devenu négatif dans la deuxième moitié de la présidence Kérékou 2 et n’a cessé de l’être sous le président Yayi, avec un record d’écart négatif de -3.12% en 2010.Il apparait donc que même si la crise a eu un effet négatif sur la croissance, cet effet négatif a été beaucoup plus fort au Benin du président Yayi que dans l’Afrique au sud du Sahara

Encore une fois la performance comparée des président Soglo, Kérékou et Yayi  ne sont pas favorables à ce dernier (voir graphe de l’amplitude des écarts de taux de croissance (moyennes et maximum ci-dessous). En moyenne et sur la période du renouveau le Bénin colle à la moyenne des taux de croissance du PIB en Afrique sub-saharienne hors Nigeria et Afrique du Sud. Mais quand on considère la période ou le Président YAYI est aux affaires, ces écarts sont importants et systématiques, le meilleur écart étant un écart négatif de -0,4 en 2008.

 

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