Elections : entre constantes et variables

Question à 10 000 francs : les élections se suivent dans notre pays, mais se ressemblent-elles toutes ? Nous avons regardé à la loupe les divers scrutins qui jalonnent notre parcours depuis 1946. Ce fut en cette année-là que les Béninois, pour la première fois, furent appelés aux urnes. Les résultats de notre quête montrent qu’il y a des choses qui ont changé.

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Mais qu’il y en a d’autres qui n’ont pas bougé d’un iota. Qu’elles aient changé de peau, peut-être. Mais demeure l’esprit, comme un défi au temps de Dieu, un défi à l’intelligence des hommes.

Beaucoup de choses ont changé, portant, notamment, la marque de la révolution technologique en cours. Il y a vingt-cinq ans, quand les Béninois se rendaient aux urnes pour se prononcer sur la Constitution du 11 décembre 1990, personne ne pouvait dire que le téléphone serait un jour portable, mobile. A l’élection présidentielle de 1996,  le mot « Internet » ne figurait pas dans le vocabulaire courant des Béninois. Ce fut sous les deux quinquennats de Mathieu Kérékou (1996- 2001 et 2001-2006) qu’on parla de Lépi (Liste électorale permanente informatisée). Les oreilles ont capté l’expression, mais personne n’a eu l’avantage d’en éprouver le contenu. Les politiciens s’en gargarisaient. Les spécialistes s’en délectaient. Le bon peuple n’y voyait que du feu.

Aujourd’hui, tout change. Toutes les nouveautés et innovations technologiques qui peuplent notre vie quotidienne ont des applications dans le domaine électoral. Aussi pouvons-nous parler de fichier électoral informatisé, avec des connections à l’Etat civil pour une mise à jour automatique. Aussi pouvons-nous exiger, avant toute élection, l’affichage de la liste des électeurs sur l’internet, pour une information universellement partagée. Aussi pouvons-nous avoir des cartes d’électeurs biométriques rendues infalsifiables. L’électeur est devenu, en effet, par certaines caractéristiques, une pièce distincte et unique dans les systèmes électoraux. Aussi pouvons-nous bénéficier de l’instantanéité et de la réactivité des réseaux sociaux. C’est « l’œil qui était dans la tombe et regardait Caïn ».

De ce point de vue, les choses ont beaucoup changé. Les morts ne peuvent plus sortir de leurs tombes pour mêler leurs voix à celles des vivants. Des étrangers ne peuvent plus se transmuer en Béninois, l’espace d’une élection, et tenir lieu de bétail électoral. De toutes ces mutations, on doit se réjouir. C’est la juste sanction de l’évolution scientifique et technologique. C’est la marque de l’intelligence de l’homme. Mais attention, l’intelligence humaine est une arme à double tranchant. Elle est capable du meilleur et du pire.

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Le pire, ici, c’est tout ce qui n’a pas changé autour de nos élections depuis 1946.  Des invariables qui nous font marquer le pas. Des constantes qui nous empêchent d’avancer. Nous savons que qui n’avance pas recule. Quelles sont donc ces données invariables contre lesquelles butent notre volonté de changement et de progrès ?

Il y a les promesses électorales. Celles, notamment, qui « n’engagent que les niais qui y croient ». C’est ce qui distingue le politicien sous nos cieux, le faisant passer pour un démagogue accompli. Il promet la lune. Mais oublie tous ses engagements dès l’entame de son mandat.

Il y a également l’esprit de fraude et de tricherie. Avec l’ancien système électoral, les politiciens s’entendaient pour tricher, chacun dans son fief respectif. On vous l’a dit : les loups ne se mangent pas entre eux. Mais avec l’évolution technologique, qui rend plus difficile la fraude, des tricheurs hyper intelligents, dans des laboratoires super sophistiqués, sont à pied d’œuvre. Ils cherchent à résoudre la nouvelle équation des élections. Ils n’entendent point désarmer.

Il y a ce désert d’idées, de propositions, d’élaborations théoriques ou idéologiques. S’y ajoute ce manque criard de méthode et d’organisation. On tente tant bien que mal de combler ce vide par du folklore, toujours chantant et dansant ; par des slogans, aussi tonitruants qu’assourdissants ; par des déclarations d’intentions aussi vides que perfides.

La conclusion, au terme de ce regard sur nos élections nous instruit de ceci : la technologie est impersonnelle. Elle répond à une programmation logique. L’homme quant à lui est tout à la fois logique et illogique. Il est capable de choisir entre le bien et le mal. Ce qui fait dire aux sages bambara : « Pour conduire son troupeau de bœufs, le berger n’a besoin que d’un   bâton. Mais pour qui veut diriger des hommes, il lui faut un bâton par personne »

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