« Je prends l’argent, mais… »

L’idée n’est que trop répandue : « Je prends l’argent, mais je vote selon ma conscience ». Cette idée a germé et a pris corps depuis que l’argent s’est imposé comme le moteur de toutes nos élections. Exit, les mains vides. Dehors, les poches trouées. Sans argent, il vaut mieux renoncer à tout rêve de candidature. La bonne volonté ou les bonnes intentions n’y suffisent plus.

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Par rapport à cette réalité nouvelle qui donne la priorité à l’argent, nombre de nos compatriotes se sont forgé une philosophie : « Je prends l’argent, mais je vote selon ma conscience ». Ont-ils tort ? Ont-ils raison ?

Celui qui épouse cette manière de penser peut invoquer une série de raisons pour se donner raison. Un agent électoral, travaillant pour le compte d’un candidat, va à la rencontre d’un électeur. Un accord est vite trouvé. On peut l’énoncer ainsi qu’il suit : « je te donne tant de francs Cfa, en contrepartie, tu votes pour mon candidat ». Marché conclu : l’électeur accepte l’offre et empoche l’argent. Mais le jour de l’élection, il se délie de son engagement. Il vote pour le candidat de son choix.

Première raison, l’électeur estime qu’il n’est pas demandeur. Il a été entrepris par quelqu’un qui veut l’acheter, acheter son suffrage. On ne crache pas sur des sous qui vous tombent ainsi dessus comme à la loterie. C’est, comme on dit, votre chance. A ne laisser passer sous aucun prétexte. A saisir à tout prix, voire à n’importe quel prix.

Deuxième raison, l’agent électoral sait qu’il n’a aucun moyen de contrôle sur le vote de l’électeur. Dans l’isoloir celui-ci est seul avec lui-même. L’argent pour acheter son suffrage est à tenir pour un coup de poker. On est donc dans un jeu. Et à malin, malin et demi. Est-ce une faute de devancer celui qui veut vous pousser à la faute ? Bien au contraire !

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Troisième raison, l’électeur pense ainsi punir l’agent électoral.  Et à travers lui, tous ceux qui, de près ou le loin, sont parties à ce ténébreux business d’achat des consciences.  Echec donc à la toute puissance de l’argent. L’argent peut beaucoup. Mais l’argent ne peut tout.

Ces trois raisons suffisent-elles à dédouaner l’électeur qui prend l’argent d’autrui, mais vote selon sa conscience ?  Un doigt se lève. Une voix propose une thèse contraire. Sur quoi s’appuie-t-elle ? Quels arguments développe-t-elle ? 

1- L’électeur ne connaît pas l’origine de l’argent qu’il empoche. Il entre trop légèrement dans un deal dont il ne mesure pas assez les conséquences. L’acceptation des termes d’un deal vaut contrat. L’électeur entrepris par un agent électoral ne peut prétendre, après cela, quoi qu’il dise et quoi qu’il fasse, être blanc comme neige. Il a franchi le Rubicon en mangeant le fruit défendu, comme un poisson mord à l’hameçon.

2- L’électeur est davantage mû par un besoin d’argent, sinon, par l’appât du gain. La volonté de punir l’agent électoral n’est qu’un prétexte. L’argent facile a toujours eu un attrait quasi irrésistible sur les esprits faibles. La vertu, ici, a très peu d’adeptes. L’électeur qui n’a rien fait pour mériter l’argent pris à autrui s’exclue de ce cercle vertueux.

3 – La meilleure manière de punir l’agent électoral corrupteur, c’est de refuser son argent. Il faut avoir la force de caractère nécessaire pour ne pas subir la loi de l’argent. C’est l’homme qui doit être aux commandes. Comme un cavalier. Pour utile qu’il soit, l’argent doit rester un moyen. C’est le cheval. Cela revient, dès le départ, à refuser toute compromission, tout pacte avec le diable. Chacun à sa place et dans son rôle. La leçon qui porte le plus, c’est celle qui exalte des valeurs positives et prêche la vertu. Empocher l’argent d’autrui et manquer à sa parole, c’est loin d’être vertueux.

4 – C’est une faute de confondre un objectif noble, à savoir « Voter selon sa conscience » avec des moyens ignobles, ceux, notamment, d’une escroquerie en règle. Van Minh a écrit : « Tous les malheurs du monde proviennent d’une erreur, celle de confondre la fin avec les moyens ». 

Voilà les deux versants d’une seule et même réalité. Rentrez, à présent, dans le jeu. Quel électeur êtes-vous ? Celui qui prend l’argent d’autrui et vote selon sa conscience ? Celui qui s’interdit de se salir les mains pour garder claire et nette sa conscience ? Votre réponse nous obligera.

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