Michel Adjaka s’insurge contre la mutation punitive de certains magistrats

Les 12 et 16 février 2015, la presse a révélé que certains magistrats du parquet sont en voie de faire l’objet de mutations punitives. Le 23 février 2015, sans attendre la confirmation ou l’infirmation de cette triste nouvelle, le BE/Unamab, a rappelé au Conseil Supérieur de la Magistrature (Csm) et au Garde des Sceaux les dispositions de l’article 126 de la Constitution du 11 décembre 1990 qui prévoient que «La justice est rendue au nom du Peuple Béninois. Les juges ne sont soumis, dans l’exercice de leurs fonctions, qu’à l’autorité de la loi. Les magistrats du siège sont inamovibles.»

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De ce texte, il ressort que l’inamovibilité ne vise qu’à protéger les magistrats du siège. Ceux du parquet sont amovibles, et peuvent par conséquent, sans consultation préalable, être affectés sur proposition du Garde des Sceaux après avis du Csm. Cette prérogative conférée au Garde des Sceaux et au Csm de muter les magistrats du parquet sans leur consentement ne doit pas être une occasion de représailles ou de sanctions déguisées.

A la vérité, il importe de rappeler que les velléités de décourager certains magistrats du parquet se sont accrues ces derniers temps. En effet, avant, durant et après l’arrestation des maires proches du pouvoir impliqués dans diverses procédures pendantes devant les juridictions, des Procureurs en charge de leurs dossiers ont été constamment l’objet de multiples pressions, notamment de demandes d’explications, coups de fil aux fins d’instructions ou convocations pour présentation de dossiers de poursuite au cabinet du Garde des Sceaux et ce, en violation des dispositions de l’article 34 de la loi n°2012-15 portant code de procédure pénale. Pire, au lendemain de ces arrestations et lors d’une rencontre qu’il a en urgence convoquée, le Garde des Sceaux a été reproché ouvertement et publiquement aux magistrats du parquet leur trop grande indépendance vis-à-vis de la chancellerie, et surtout leur propension à n’arrêter que les maires proches de la mouvance.

Dans sa hargne contre ces magistrats, le Conseil des Ministres, en adoptant l’avis du Csm, a, en catimini et contrairement à la tradition, déplacé le Procureur de Natitingou vers Kandi, celui de Djougou a été nommé à Pobè, le 1er substitut de Porto-Novo envoyé à Lokossa sans officiellement diffuser leurs noms. Les Procureurs de Calavi et de Pobè sont envoyés à la chancellerie pour y servir en qualité d’assistants de directeur technique. Plusieurs vacances de postes ont été comme d’habitude créées au grand dam des usagers du service public de la justice ainsi que la nomination de non magistrats à la cour suprême.

Les représailles du Gouvernement ont été étendues à un collègue juge au Tribunal à Kandi pour avoir condamné l’État béninois à des millions de FCFA au profit d’un particulier qui serait contre le pouvoir en place. En réaction à cette décision, la préséance dudit collègue a été méconnue par les propositions du Garde des Sceaux et l’avis du CSM.

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De telles décisions aussi provocatrices que préjudiciables à l’indépendance de la justice déteignent non seulement sur la noblesse de la fonction de magistrat, mais annihilent toute envie des magistrats du siège à servir au parquet. Mieux, ces actes interviennent à un moment où, à travers plusieurs sorties médiatiques, le Chef de l’État, ne cesse d’inviter les magistrats à engager une lutte irréversible contre la gangrène de la corruption, un potentiel danger pour la démocratie béninoise.

En tout état de cause, n’étant nullement ébranlée par ces nominations punitives, l’Unamab reste déterminée à sonner, contre vents et marées, la mobilisation propre à conjurer ce mauvais sort projeté contre la justice et l’État de droit au Bénin. »

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