L’opposition : du mot à la chose

42 voix pour Adrien Houngbédji, 41 voix pour Komi Koutché. Ce fut la dramatique conclusion de la bataille pour le perchoir. Le Parlement siégeait, les 19 et 20 couranst. Une toute première session, à l’orée d’une toute nouvelle législature, la 7ème.

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Un score serré, mais qui, au-delà des chiffres, reconfigure l’échiquier politique de notre pays. Une mouvance a cherché à garder son avantage au pouvoir, s’appuyant, pour ce faire, sur l’Etat. Une opposition a cherché à contester cette approche des choses, se faisant l’interprète des sentiments actuels d’une majorité de Béninois et de Béninoises.

Pour la première fois, de mémoire de Béninois, l’opposition ne s’est pas inscrite dans la logique du « ôte-toi que je m’y mette ». Elle a préféré s’illustrer dans celle du « dégage pour que je fasse mieux ». Le « Ôte-toi que je m’y mette », exhale une odeur de pouvoir pour le pouvoir. Le pouvoir, non pour servir, mais pour se servir. Et tout est bon pour y parvenir : le filon du fils du terroir, l’exploitation éhontée des contradictions interethniques et interrégionales, la transhumance la plus vile et la plus veule… Le « Dégage pour que je fasse mieux » porte une indignation qui appelle un engagement pour le changement. C’est l’écho lointain, mais bien réel des attentes, des besoins du peuple. C’est aussi le souci de se poser comme   une alternative crédible. C’est une offre de service citoyenne, au-delà des clivages traditionnels.

De manière plus concrète, l’opposition a trouvé dans le projet de révision de la constitution un premier facteur fédérateur. Non qu’il faille graver et fixer dans le marbre le texte de notre Constitution, à l’image des recommandations divines à Moïse confiées sur le mont Sinaï. Mais il s’agit de faire en sorte que cette révision se fasse sur un texte consensuel et dans un contexte libéré de tout soupçon d’opportunisme. Un deuxième facteur fédérateur pour l’opposition, c’est l’Etat de droit moult fois malmené. C’est, plus généralement, la gouvernance politique, économique sociale fortement sujette à caution.

Ainsi, le bloc de l’opposition a eu du grain à moudre. En face, la mouvance égrenait un chapelet de réalisations, mais sans  convaincre vraiment. Des routes ? Oui. Mais à quel prix et au prix de quelles acrobaties de gestion ? De l’eau ? Oui. Mais elle ne peut étancher aucune soif, tant qu’elle reste polluée par un gros scandale financier. L’électricité ? Oui. Mais, que faisons-nous de Maria Gléta enfoui sous des milliards aussi obscurs que l’obscurité dans laquelle nous végétons ? Que penser du délestage devenu le pain quotidien des Béninois ? Et puis, il faut être naïf pour croire que les Béninois ont déjà fait leur deuil d’ICC Service.

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Ce qui paraît nouveau, aujourd’hui, c’est qu’on commence par s’affirmer opposant par principe ; c’est qu’on commence par voir se dégager des profils d’opposants de raison. Cela porte le signe d’une mutation dont on ne peut encore apprécier la profondeur, l’opposition n’étant comprise et saisie, jusqu’ici, que comme un simple positionnement sur l’échiquier national. L’opposant, c’était avant tout un « renard », c’est-à-dire la figure emblématique du politicien roublard. Il tourne sa veste au gré des opportunités. Il s’accorde presque toujours avec la couleur du ciel politique. Il va et il vient selon la direction des vents dominants.

Demeure une question cruciale : la pérennité et la durabilité de ce bloc oppositionnel. Est-ce une formalisation de circonstance agglomérant des aigris de tous horizons qui n’ont de liens que leur aigreur contre la mouvance ? Est-ce le signe d’un sursaut marqué au coin de la maturité politique de citoyens qui s’engagent à faire migrer leurs intérêts de leurs ventres vers leurs têtes ? Est-ce encore l’expression d’une conscience citoyenne qui cherche à se construire, de plus en plus loin de l’argent corrupteur, mais de plus en plus à coups d’audace, sur la plate-forme des rêves des Béninois ?  

Une telle opposition, encore plus idéelle et plus idéale que réelle se doit encore de passer l’épreuve de deux échéances électorales, avant de s’imposer comme un bloc organique. Non pour rester invariablement telle. La vocation de toute opposition est d’accéder au pouvoir. Mais pour devenir, à son tour, une nouvelle mouvance, après avoir écrit les premières pages du traité d’une bonne opposition pour une démocratie en progrès. Mais ce n’est pas demain la veille. Qui veut vendre la peau de l’ours avant de l’avoir tué ?

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