La radiographie du retard

Elles n’auront pas lieu à date échue. Les élections locales, communales et municipales viennent d’être marquées du sceau de l’un de nos péchés mignons : le retard. Comme si, en établissant le calendrier de nos principaux rendez-vous électoraux, les raisons justifiant un éventuel retard n’avaient pas effleuré les esprits. Au regard de quoi, saison de pluie et examens de fin d’année dans les écoles ont bon dos. Ayons, quant à nous, la lucidité nécessaire pour diagnostiquer cette maladie du retard qui nous ronge et qui nous mine.

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Le dictionnaire définit le retard comme :« Le fait d’arriver trop tard, de se manifester, de se produire après le moment fixé, le moment attendu. » Une telle définition du retard nous place face à trois ordres de réalités. Le premier est conventionnel : on a convenu d’un moment qui lie toutes les parties prenantes. Le deuxième est contractuel : les parties prenantes n’ayant pas respecté ce moment, trahissent le contrat qui les lie. Le troisième a trait aux conséquences diverses d’une convention ignorée, d’un contrat trahi.

A y regarder de plus près, si le retard reste le retard, les retards ne se ressemblent pas tous. Par ce qu’elles n’ont pas les mêmes motivations. Les retards sont différents les uns des autres et répondent à des réalités fort diverses. Et si on devait les catégoriser, on distinguerait au moins trois types de retard. Il y a le retard par calcul qui relève d’une stratégie délibérée de l’une ou de l’autre des parties concernées. Il y a le retard par laxisme qui relève d’une inconscience et d’une irresponsabilité coupables des parties concernées. Soit qu’on prend tout à la légère. Soit qu’on ne se sent lié à rien, par rien. Ce qui rend vain son engagement en tout, sur tout et pour tout. Il y a enfin, le retard par habitude, vécu comme une culture, sinon comme une seconde nature.

Le retard par calcul, dans le contexte actuel du Bénin, est essentiellement politicien. Si ceux qui décident du calendrier des élections ne tiennent pas parole, trouvant des arguties pour masquer une grande supercherie et duperie, c’est qu’ils ont une idée derrière la tête. Ils savent où ils vont. Ils savent ce qu’ils font. Le calendrier républicain fait ainsi l’objet de faux et d’usage de faux. On s’en sert comme d’un bouclier pour tordre le cou à la loi. On s’en sert comme d’une arme pour pendre tout un peuple en otage. Souvenons-nous de la déclaration de Me Adrien Houngbédji. C’était, il y a quelques mois, sur une télévision de la place. De sérieux doutes planaient alors sur la tenue des élections législatives. D’avoir parler d’un report calculé des dates de ces élections pour favoriser une vacance du pouvoir, a réveillé les esprits. Ce fut un coup de tonnerre dans un ciel clair. Un coup de semonce aussi. Les élections législatives ont pu avoir lieu.

Le retard par laxisme, au Bénin, a surtout pris racine dans l’administration générale. Les animateurs de cette grande machine semblent avoir fait du retard leur loi. Les quelques rares d’entre eux qui dérogent à la règle sont regardés comme des bêtes curieuses. Ce sont des loups qui refusent de hurler avec les loups. Si nous disposions d’un système performant de contrôle, nous nous ferions une idée exacte de l’étendue des retards dans notre administration. On en connaitrait le coût, en valeur de temps et d’argent. On en apprécierait les dégâts directs ou collatéraux. Aussi bien sur les intérêts du citoyen-client que sur ceux du pays tout entier.

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Le retard par habitude est à la fois structurel et structurant. Il gouverne nos comportements de tous les jours. Il régit nos relations interpersonnelles. Quel spectacle, quelle manifestation prévue pour démarrer à 20 heures, par exemple, a strictement tenu la promesse des organisateurs ? Le Béninois qui honore un rendez-vous à une heure convenue est moqué : il est traité de « Yovo », d’acculturé. Comme si c’était une tare que d’être ponctuel. Il se trouve que les peuples qui se développent mettent un point d’honneur à faire partir leurs trains à l’heure. Ils ouvrent leurs bureaux aux heures indiquées. Si c’est le développement que nous visons, aurons-nous un autre choix que de faire comme ces peuples ? Ce ne sera pas faire du mimétisme. On devrait y voir plutôt l’affirmation d’une lumineuse intelligence, une manière de s’identifier à des modèles de succès, à des modèles qui gagnent.

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