Lettre à Jean Pliya : Homme Flambeau

Les voix de tous ceux pour qui tu comptes dans ce pays ont saisi l’occasion de tes 80 ans pour te rendre un hommage mérité, longtemps attendu de tous. La mienne ne fera pas défaut à ce concert d’action de grâce et de reconnaissance pour tout le bien dont Dieu a comblé notre pays à travers les figures qui l’ont fait grandir au fil de l’Histoire. Tu es de celles-là.  

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En suivant l’émission-hommage diffusée par la chaîne de la télévision  nationale qui t‘était dédiée pour la circonstance et en écoutant les intervenants qui, tous, se sont exprimés sur les relations qui vous lient, j’ai perçu, comme si ce n’était pas évident, la dimension multiforme de tout ce que tu as fait et donné à ce pays  et à l’Afrique. Il s’agit de l’enseignant,  de l’homme politique, du militant, de l’écrivain, du chrétien laïc catholique prêcheur, du naturopathe. De nombreux moments ont du coup surgi de ma mémoire et de mon cœur, moments qui se sont confondus avec les circonstances très différentes les unes des autres, qui ont parfois permis à mon chemin de croiser le tien.

Ainsi donc, La première fois que j’ai croisé l’auteur de La Secrétaire particulière et de Kondo le Requin, c’était au cimetière d’Abomey, un jour de la Toussaint. Si mes repères sont exacts, ce devait être en 1966 ou 1967. J’étais interne au cours  secondaire sainte  Jeanne d’Arc. Nous n’avions pas l’habitude de sortir pour le cimetière. Exceptionnellement cette année-là, certaines d’entre-nous avions été autorisées à y aller car dans le courant de l’année et pour la première fois, un drame avait frappé le collège et l’internat. Une de nos « petites » de la classe de 6ème était décédée après une courte maladie. Nous nous étions rendues sur sa tombe pour prier.

Alors que nous nous retirions, l’une d’entre nous chuchota dans l’atmosphère lugubre de ce cimetière: «Regardez c’est Jean Pliya! ». C’était quelque chose à voir à tout prix. La meilleure manière de bien voir était de nous approcher de toi sans nous faire remarquer. Tu étais à genoux, à même la latérite, face à une tombe d’où l’on pouvait lire l’épitaphe et voir la photo d’une belle personne. Nous nous tînmes debout autour de toi. Tu égrenais silencieusement un chapelet. La sensation que du monde  t’entoure t’a fait continuer ton chapelet à haute voix, en fon. Quant à nous, nous reprenions instantanément en chœur: « Yêhoué Maria Mahunon… ». Combien de temps a duré cette prière ? Je ne saurais le dire aujourd’hui. Je me souviens en revanche qu’elle s’acheva sur un «Yêhoué Estelle » à laquelle nous donnions suite. Après cela, nous nous étions retirées presqu’à reculons comme pour être sûres que nous venions bien de voir Jean Pliya. Nous étions à notre insu, les voix fortuites que le Seigneur t’envoya pour soutenir ton humble prière. Ce souvenir d’adolescente ne m’a jamais quitté.

Le professeur et l’apôtre

En 1970, à l’Université du Bénin à Lomé, en première année de géographie, je te croisai pour la deuxième fois. Tu étais notre professeur de climatologie. Le Lycée de Tokoin abritait l’université togolaise en cette année, le temps que les travaux de la nouvelle université s’achèvent et que nous la rejoignions dès la deuxième année. Les cours étaient vivants, animés, les anecdotes qui, de temps en temps, tenaient lieu d’illustration de certains propos, détendaient l’atmosphère sans altérer en rien l’objectif didactique qui soutenait chaque cours. La passion pour la géographie nous était communiquée et  la santé par les plantes et les aliments s’invitaient dans les cours. La porte de votre maison était, déjà à ce moment-là ouverte à ceux d’entre nous qui, soit avaient quelque souci de santé et qui s’intéressaient à cette voie de la nature qui s’ouvrait à eux, soit  à ceux qui ont retenu une pépite  dans les parenthèses qui émaillaient les cours et touchent à la vie affective ou à la spiritualité. Ceux-là aussi prenaient le rendez-vous des prolongations après les cours pour en savoir plus et avoir des éclairages et des enseignements. Le travail du professeur se prolongeait par celui de l’apôtre  à votre domicile. La silhouette de celle que j’ai adoptée depuis, comme une grande sœur était à peine visible tant elle s’effaçait pour laisser le professeur à ses heures supplémentaires avec ses étudiants. Il y avait dans nos rangs des assidus de ces « cours particuliers ». J’avais quant à moi été à votre domicile deux ou trois fois, pas plus, pour acquérir les fondamentaux du comportement vis-à-vis de l’alimentation, les fruits et légumes. Je me souvins que dans le régime alimentaire, même le gruyère était recommandé parmi les fromages.

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A Lomé, c’était le temps des vaches grasses, on trouvait tout dans les magasins et sur les marchés, la population était cependant, déjà contrainte à danser pour le monarque! Mes premières vraies notions rationnelles et structurées de la santé par la nature dataient de cette période et sont demeurées un acquis jusqu’aujourd’hui pour l’équilibre du corps et de l’esprit.

Une autre circonstance où tu avais compté sans être au premier rang a été notre accueil à Nanterre en décembre 1972. Les deux premières années  bouclées à Lomé, la révolution marxiste-léniniste fraîchement portée sur les fonts baptismaux au Dahomey, nous débarquâmes par un matin glacial après six semaines de retard, à l’Université de Paris X-Nanterre. En cette université emblématique qui portait encore en tant que point focal de la contestation, les stigmates de Mai 68. Nous savions que nous devons à ton seul nom et à celui du Dahomey pour ce que représentait notre pays à l’époque, l’accueil chaleureux que nous réserva pour une rapide insertion, le professeur Paul Pélissier éminent géographe tropicaliste de vénérée mémoire.

Enfin, nous nous revîmes après toutes ces années en décembre 1987. Je venais de me voir confier la direction de la Librairie Notre-Dame. Ton premier roman Les tresseurs de corde  venaient de paraître aux éditons Hatier à Paris. Tu étais professeur à l’Université de Niamey. Ayant jeté mon dévolu sur ce roman après l’avoir lu nous échangeâmes au téléphone et décidâmes que tu viendrais à Cotonou pour une présentation publique. Mais comment s’y prendre vu son contenu ? Par l’entremise de la fiction et une distribution  astucieuse de rôle à des personnages pittoresques, tu offres une lecture sans complaisance des dérives d’un système politique érigé sur un marxisme-léninisme dogmatisé et replâtré sur le substrat socioculturel du pays. Ce substrat n’est que le résultat d’une sédimentation multiséculaire issue de groupes ethniques spatialement organisés dans leurs diversités culturelles et religieuses, dans leurs traditions et les structures économiques et politiques qui régissent leur vie. Ton plaidoyer pour les droits de l’homme, la sauvegarde de l’environnement, la réhabilitation  des fondements de l’éducation, de l’équilibre intrafamilial durablement déstructuré,b n’était pas entre les lignes mais bien en exergue dans le récit. Ce roman « normal » et inoffensif dans un pays libre, était ici, en ces années-là,  un brûlot en dépit des ailes de la fiction dont la fonction est de porter le lecteur,  le temps du plaisir de lire, sur les nuages de sa réalité.

Dès l’arrivée à Cotonou, tu étais passé à la Librairie pour que nous accordions nos violons sur l’évènement et l’organisation de ton séjour. Après la question d’usage : « Qu’es-tu devenue depuis? », je retraçai bien sûr mon parcours depuis Lomé. Une autre question plutôt péremptoire tomba comme pour aller au plus important, au plus préoccupant pour toi. Tu  me dis textuellement : « Et la famille s’est agrandie de combien ? »

L’histoire du premier roman

Après mes balbutiements et mon récit pathétique, j’entends cette phrase : « Et nous on est là ». Ainsi commença mon aventure avec la méthode harmoniste dont tu es l’ambassadeur et le défenseur. Elle a été probante car je sais ce que j’y ai trouvé. A mon tour et  à ma manière, c’est dans les rayons de la Librairie que je l’ai  promue au profit de tous ceux et celles qui cherchent un bien-être holistique en marge de la médecine conventionnelle.

La  Révolution battait encore son plein en ce mois de décembre 1987. Le régime résistait à l’essoufflement dont les premiers signes d’effritement et de fissure étaient manifestes, les tracts anonymes circulaient abondamment. Malgré la précaution éditoriale  d’usage qui veut que toute ressemblance avec les lieux et les personnages soient purement fortuite, les Tresseurs de corde véritable fresque de la grossièreté des systèmes tyranniques étaient traversé par les thèmes qui te sont chers, la nature, la santé par les plantes et les aliments, l’amour, la spiritualité,  le bonheur(1), l’identité culturelle. Des personnages brutaux qui ne se rassasient que de répression comme Toupkin y côtoient la  noblesse et la sagesse de la belle et vieille mère Baké, façonnée par l’harmonie des régions montagneuses du Nord Bénin.

D’avoir évoqué à la télé en 2011 à l’occasion de tes 80 ans tes rapports avec cette héroïne du roman inspirée par ta mère, a fait remonter le souvenir de 1987. Ce souvenir n’aurait aucun intérêt si je ne reviens, avec le recul du temps,  sur le risque conscient que nous avions pris d’organiser au Centre Culturel Français de Cotonou la présentation des Tresseurs de cordes. Inimaginable en cette soirée de décembre 1987, le théâtre de verdure  était comble ! Jean Pliya de retour au Bénin, c’était l’évènement avant même que le public ne découvrît le roman.  L’écrivain, le critique littéraire et la libraire savaient exactement que l’aventure n’était pas gagnée ! Pourquoi ? Parce que dans l’Histoire de toutes les révolutions, la libération  est venue de l’aptitude à savoir exploiter les interstices de liberté qui échappent aux systèmes pour qu’advienne la vraie liberté. C’est l’alchimie de ces principes qui entretient la maturation de la patience contenue, de la révolte refoulée, jusqu’à l’explosion. De Soljenitsyne à Vàclav Havel, d’Aimé Césaire à Yambo Ouologuem, la plume des écrivains quand elle plonge dans l’encre de l’intériorité de la personne humaine, l’inspiration des artistes quand elle rejoint les étoiles pour faire se rencontrer le ciel et la terre,  l’audace de quelques-uns avec l’absolu comme horizon et la verve des politiciens épris de justice et d’abnégation, ouvrent la soif inextinguible et irrépressible des hommes et des femmes à s’affranchir des despotismes quels qu’ils soient.

 Les interstices dans lesquelles nous avions glissé étaient simples : Ta personne même était l’icône, tu étais notre bouclier pour la circonstance. Oserait-on frapper sur le bouclier ou cherchera-t-on à frapper sous le bouclier ? Nous le saurons à la fin de ton séjour, une fois que tu auras embarqué pour Niamey. Allait-on t’intercepter à ta descente d’avion ? C’était une question que nous n’avions pas exclue. Tout se passa bien. Il fallait parler de ce livre, faire de la communication sur l’évènement avant même ton arrivée à Cotonou. Comment s’y prendre ? Par quelles subtilités ? Tu as trouvé l’astuce en me signalant une note de lecture que le professeur de Lettres Guy Ossito Midiohouan avait fait publier peu après la parution du livre, dans le Quotidien Ehuzu des 6 et 13 novembre 1987 sous le titre : Les Tresseurs de corde : premier roman de Jean Pliya. Le seul quotidien à paraître au Bénin sous le PRPB avait donc publié le papier de Guy Ossito Midiohouan xqui fit son travail de critique littéraire en restant sur les rails de l’auteur. Et quels rails !  Evoquer une telle source était pour nous une aubaine. Il ne restait plus qu’à organiser les séances publiques en lieu sûr, de toute évidence au Centre Culturel Français, et, attendre la veille pour adresser une lettre d’invitation tenant lieu de demande d’autorisation  au ministre de la Culture et à celui de l’Information (des anciens camarades de l’Université de Lomé) afin d’éviter une réponse qui pourrait être négative pour la tenue de l’évènement. Les jours J au CCF, quel déchaînement de la part du public venu en force ! Guy Ossito Midiohouan présentateur du livre, s’acquitta de cet exercice avec délectation !

Le public était en délire, les révolutionnaires présents sur les lieux qui se sont hasardés pendant le débat à manifester leur colère sur le contenu du roman, avaient été conspués et réduits de ce fait en minorité.  Ils y ont perdu leur latin, « ou peut-être leur fon » tandis que le public, comme une vapeur brûlante longtemps contenue dans une cocotte-minute dont le couvercle a été juste soulevé par un écrivain, goûtait à cette liberté d’expression soudaine et fugace, gratuitement offerte.

Ce soir-là, nous découvrîmes ébahis, que nous étions tous des contre-révolutionnaires en ces années 87-88, quitte à nous servir prestement dès le lendemain, des mots « camarade »  et du slogan « prêt pour la révolution, la lutte continue ». Tu avais donné deux autres conférences toujours au CCF sur le thème de la santé par la méthode harmoniste en faisant toujours salle comble ! L’attente de la foule était innommable, tant il y avait, autre que l’idéologie, pénurie d’information dans le pays et d’espaces pour les choses de l’esprit.

J’étais toute ouïe quant à la suite de ce qui s’était passé au CCF. C’était bien un évènement et il n’y avait pas de média du nombre d’aujourd’hui pour le relayer en dehors de la «Voix de son Maître ». Le seul fait d’être témoin d’un grand évènement là où font défaut l’image et le son, confère la responsabilité d’être un  porte-voix. Le degré de défoulement auquel s’était livré le public bien que prévisible, donnait quelque anxiété aux organisateurs que nous étions et ça n’a pas raté. Le lendemain, je m’étais rendue comme d’habitude à la librairie. Mon téléphone à peine raccroché, sonna de nouveau. Je venais d’échanger avec une personne qui était au premier rang la veille au CCF, l’archevêque coadjuteur de Cotonou, Monseigneur Isidore de Souza que le grand public ne connaissait pas encore bien. C’est lui qui a appelé pour exprimer sa satisfaction de ce qu’il avait vu et entendu la veille. La qualité de la prestation du critique littéraire qu’il découvrait et la virtuosité de l’écrivain qui en revanche lui était proche, l’ont amené à me demander si le critique littéraire, Guy Midiohouan avait fait le Séminaire tant était forte son apologie des valeurs morales et spirituelles que le système politique mettait en péril.

Le directeur de la documentation et de l’information au bout du fil me demanda de me présenter à son bureau séance tenante. Une peur normale au ventre, le cœur battant, je m’y rendis. Pour en avoir vu d’autres, sous d’autres cieux, je ne pensais pas qu’il m’arriverait quelque chose de grave dans un contexte politique où tout le monde en avait assez ! J’eus droit à des questions auxquelles je m’attendais : « Alors, vous êtes contente de votre rencontre hier ? » « Aviez-vous une autorisation? » « Comment avez-vous fait venir les livres etc.» Les munitions de la riposte étaient à portée de main : « C’est Ehuzu de telle date qui a publié l’article sur le roman, le public a été informé par cette voie et demandait le livre». Les copies des lettres de demande d’autorisation adressées aux ministres concernés et par lesquelles ceux-ci avaient été invités à « honorer de leur présence » l’évènement ont été exhibées, le document de la douane justifiant que les livres étaient entrés légalement au Bénin le furent également. Debout dans ce petit bureau, la peur s’était muée en une assurance sereine face à la tentative d’intimidation. Ces questions avaient été retournées et posées dans tous les sens. Ils en avaient oublié une, qui sans doute les tenaillait. Oui, une : «Vous êtes bien l’épouse d’un tel? »  Question à laquelle bien entendu je m’attendais comme une circonstance aggravante selon l’humeur de celui qui m’avait reçue. Ce tel, faisait en effet partie de ces cadres patriotes en responsabilité dans les ministères, véritables commis de l’État, résistant au système, spontanément rentrés au pays après des années d’étude en Europe et jamais encartés PRPB, le Parti unique. Ils étaient respectés pour leur compétence quand bien même le pouvoir les avait bien à l’ œil. A la Direction de la Documentation et de l’Information on est censé être informé de tout ! Cet exercice s’est soldé par des recommandations du genre: « bon, mais la prochaine fois il faut adresser une demande dans les délais et attendre l’autorisation…etc». Cette toute petite anecdote à côté de faits plus graves, fait partie des milliers « plus jamais ça » exorcisés par la Conférence Nationale de 1990.

Un grand livre

Cher Frère Jean, il était juste que ce pan de ton combat soit rappelé par ces faits authentiques, l’année où notre pays t’avait rendu hommage pour tes 80 ans, et plus encore aujourd’hui où quelque part, depuis quelques jours, tu es royalement attablé à un Banquet d’éternité,

Des années plus tard, après ton retour définitif au pays, vint en 1993 la question de la réédition de ton manuel; Histoire de mon pays le Bénin, expressément suggérée par une enseignante émérite, feue madame Denise Lokossi, inspectrice de l’enseignement primaire. Ayant assuré avec toi et sous ta vigilance la lecture des épreuves qui sortaient de l’imprimerie jusqu’au « Bon à tirer», j’ai  retrouvé l’exigence et la rigueur de l’enseignant, le perfectionnisme du croyant. Je profite de ces propos pour redonner toute sa noblesse au  concept de perfectionnisme trop souvent chargé d’une consonance péjorative. Etre perfectionniste ne signifie guère être parfait, mais rechercher en tout la perfection, le meilleur hymne à la création. C’est un acte de foi qui ne sera toujours accompli qu’au prix de beaucoup d’efforts sur nous-mêmes et qui nous permet d’élever nos perspectives humaines plus loin vers un horizon lumineux. N’est-ce pas ce qui est confusément recherché dans cette aspiration, à tout propos exprimée, de sortir de la routine, de revenir à la morale, au civisme,  à l’excellence, à l’effort soutenu dans le temps?

Les coups de fils échangés à l’époque ne se comptent plus, très tôt le matin ou tard le soir pour faire le point de la lecture des épreuves. Infatigable,  travailler avec toi, c’est aller à l’aventure de l’exigence et de la rigueur,  aucune virgule de trop n’a de chance de passer en travers les mailles. La précision du choix des photos, la course au détail qui crédibiliserait telle information, telles étaient tes exigences et la substance de nos échanges téléphoniques et de tes passages impromptus à la librairie entre deux choses à faire. Grâce à ce travail que tu as abattu comme un titan, j’ai eu la chance de collaborer avec deux illustres photographes reporters de ce pays, tous deux aujourd’hui disparus et dont la mémoire et l’amour du métier resteront : Paul Haag et Pascal Abikanlou. Paix à leurs âmes.

Pédagogue toujours disponible et enthousiaste avec les jeunes, ce sont les élèves  du CEG de Houéyogbé et du Lycée technique de Bohicon qui nous l’ont dit en ces termes : « Nous avons vu Jean Pliya de nos yeux pour la première fois ». Tu répondais à l’invitation des libraires de Cotonou, organisatrices de la Caravane du livre et de la lecture édition 2006, d’aller avec d’autres jeunes écrivains à la rencontre des élèves et parler avec eux. Depuis, la Fondation Zinsou, par ses œuvres, eut la géniale intuition de te mettre à la portée des enfants, des écoliers, des élèves, par la création de bibliothèques qui portent ton nom et qui éterniseront ta mémoire.

Ta vie reste un grand livre ouvert que des plumes continueront de remplir.  Prêcheurs et témoins authentiques de l’Espérance de Dieu, vous l’avez été tous les deux, Dada Rose et toi, dans les circonstances ordinaires.  Pour tous ceux, et ils sont légion, qui viennent à vous,  vous avez toujours été là, toujours présents.  A beaucoup, ici et plus loin que les frontières de notre pays, tu as redonné le goût de la prière en apprenant  tout simplement à « prier comme un enfant de roi ». Tu as montré à un nombre incalculable, le chemin de la guérison du corps et de l’esprit. Jamais personne cherchant à venir à vous, n’a trouvé sur son chemin, les barrages de classe sociale, de biens ostentatoires, de vanité, de soif de pouvoir et de volonté de puissance. Votre relation aux autres, toujours empreinte d’une immense simplicité, a le goût de l’Evangile et, t’écouter en public comme en privé,  fait revivre l’actualité du chemin d’Emmaüs où la force de la Parole devient l’évidence de la Présence : « Je vis, mais ce n’est plus moi, c’est le Christ qui vit en moi. Ce que je vis aujourd’hui dans la chair, je le vis dans la foi au Fils de Dieu qui m’a aimé et s’est livré lui-même pour moi. » Galates 2,20

En des moments cruciaux de la vie, chaque personne a besoin de présence. La qualité de la vôtre et les traces que vous y avez laissées ont été pour tous ceux et celles qui en ont bénéficié, une bonne nouvelle. La Bonne Nouvelle qui remet debout et dont vous avez été des instruments providentiels.

« L’homme contemporain écoute plus volontiers les témoins que les maîtres ou s’il écoute les maîtres, c’est parce qu’ils sont des témoins » (2)

Très souvent reprise, cette pensée du pape Paul VI te ressemble. Tu es un Maître, Frère Jean, parce que Témoin. Quant au relai, tu l’as passé, à la première élue de ta vie qu’est Rose ta précieuse épouse, à tes enfants, aux très nombreux relais que tu laisses dans nos mains au Bénin et dans d’autres parties du monde. Puissions-nous tous être de dignes héritiers des semailles  que tu as jetées « dans le champ des étoiles » et des chantiers que tu laisses ouverts dans notre pays natal et sur « la Terre des Hommes ».

Agnès Avognon Adjaho

Ancienne directrice de la Librairie Notre-Dame de Cotonou

Cotonou, le 20 mai 2015

Notes

Cet hommage dédicacé à titre privé  à Jean et Rose Pliya en août 2011 pour ses  80 ans et pour leurs 50 ans de mariage est rendu public aujourd’hui par reconnaissance et en hommage à sa mémoire.

(1)  Guy Ossito Midiohouan : Jean Pliya ou le bonheur au présent. La Récade* n° 3, septembre et octobre 1989, page 1, 11 et 21

*Directeur de publication : feu Thomas Mégnassan

(2 )Paul VI, allocution aux membres du Conseil des laïcs, 2/10/1974, reprise dans son exhortation apostolique sur l’évangélisation dans le monde moderne Evangelii Nutiandi, n°41 et cité par Jean-Paul II.

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