Le Bénin des grigris et des envoûtements

Quand on traite du sous-développement du Bénin, il est un aspect auquel allusion est peu ou prou faite. Et pourtant, c’est l’une des clés pour percer le mystère de ce pays qui bien qu’ayant la paix, les ressources humaines, intrants pour l’émergence, végète lamentablement dans la pauvreté.

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Il s’agit du degré élevé de superstition fataliste palpable chez le Béninois pour qui rien, aucun malheur n’arrive s’il n’est provoqué, sans qu’il ne soit la manifestation d’un envoûtement. On explique tout par la force de nuisance d’un tel ou tel autre méchant. C’est ce dont se moque royalement, le talentueux artiste rappeur béninois, Logozo, l’ex- membre du groupe Ardiess dans son clip « E dobo mi wè », –On m’a envoûté– en langue fon. Comme Molière le ferait de la société française dans ses pièces, Logozo, le meilleur artiste rappeur en langue au Bénin, tourne en dérision cette tare de la société béninoise qu’il faille corriger pour faire place à plus de rationalité bien que l’irrationnel soit aussi une réalité africaine.

Superstition à fleur de peau

Dans ce Bénin des gris-gris dont parle l’artiste, les citoyens ont la superstition à fleur de peau. Bercés dans la culture de l’irresponsabilité, ils sont nombreux à faire d’autrui, la source de leur malheur. « L’enfer, c’est les autres », telle est la devise de ces superstitieux indécrottables. « Nos mauvais comportements sont souvent la cause de nombres de malheurs qui nous accablent mais nous accusons toujours autrui d’être notre bourreau » souligne Logozo qui récuse la superstition fataliste autour de lui. Il s’agit d’une tare culturelle à l’en croire. «On nous a appris que quand on trébuche, c’est la faute à un ennemi. Si tu te renverses après t’être soûlé, c’est la faute à l’ennemi. Quand tu te fais prendre pendant un vol, c’est l’ennemi. Et quand même un moustique pique, c’est l’ennemi » chante l’artiste dans son rap atypique. A titre illustratif, Logozo raconte l’anecdote d’un jeune homme, redoutable don juan qui ne fait pas de distinguo entre jeunes filles et femmes au foyer. Une vie de débauche qui a fini par avoir raison de cet adepte du « tout trou est trouisme » – philosophie des infidèles invétérés-. Et paradoxalement, indique l’artiste, ses proches ont estimé qu’il a été victime d’un sorcier. Les accusations les plus implacables accablent souvent les personnes du troisième âge qui sont souvent traités de sorciers sans aucune preuve. Les exemples de ce genre foisonnent dans le clip. Un autre dont a fait cas l’artiste est celui, souvent perceptible avec les jeunes imprudents (Zéwé-master), qui décèdent dans des accidents du fait de leurs conduites en violation des principes élémentaires du code de la route. Et ce n’est pas fini, que ce soit la vendeuse au marché, le candidat malheureux aux examens, celui qui se fait voler, le chômeur, le démis pour incompétence… tous ont le même refrain « E dobo mi wè », –On m’a envoûté-.

Propice à l’escroquerie

Là où règne cette superstition aveuglante, prospère la terre fertile des vices. Plus que « Jacques le fataliste » de Dénis Diderot, les superstitieux s’interdisent de prendre des résolutions pour se libérer des vices qui les enchaînent. Quand parfois, il leur arrive de chercher des solutions, c’est pour se faire gruger par de faux charlatans, de faux pasteurs qui leur proposent des rites ou rituels budgétivores. Résultats, ce Bénin des gris-gris, foisonne d’églises, de Bokonon, de sectes, d’associations de faiseurs de miracles qui ne sont autres choses que des vautours, des escrocs tirant leur bonheur du malheur de leurs semblables

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