Une année scolaire sans grève

Incroyable. Une année scolaire prend fin sans l’ombre de la moindre grève. C’est inédit. La grève était devenue le moteur de l’Ecole. Elle fonctionnait comme un vaccin, cette substance préparée à partir de microbes, virus ou parasites qui, inoculée à un individu, lui confère une immunité contre le germe correspondant. La grève était ainsi admise comme un mal nécessaire. Elle conditionnait l’existence de l’institution scolaire. « Je suis en grève, donc je suis ».

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Pourquoi ce qui doit être apprécié comme une bonne nouvelle prend-il, curieusement, les accents et les couleurs d’une sombre inquiétude ? Comme si nous étions privés de notre dose habituelle de vaccin et que nous étions abandonnés à l’assaut mortel des microbes, virus et parasites ?

Les grèves de l’année dernière, marquées du spectre d’une année blanche, ont provoqué des dégâts sans nombre. Cela va de la banalisation de la grève elle-même comme outil de revendication à la dévitalisation du mouvement syndical pris dans les mails de ses propres contradictions. Les grèves, l’année dernière, ont laissé derrière elles un vaste champ de ruines.

Les dégâts directs et collatéraux sur les principaux acteurs de notre système scolaire n’ont pas été des moindres. Les apprenants ont payé cash les méfaits d’une année scolaire tronquée. Les résultats aux divers examens et concours ont été les plus catastrophiques jamais enregistrés. Les victimes estiment avoir eu à le payer au prix fort, ayant bu la coupe jusqu’à la lie. A ces écorchés vifs, il est désormais mal séant de parler de grève. Tout aussi mal séant de parler de corde dans la maison d’un pendu. Les parents, quant à eux, s’étaient vus dans l’inconfortable et absurde posture de gens contraints et forcés de remplir d’eau un panier ou une jarre sans fond. Ils devaient investir, chaque année et à fonds perdu, dans la formation et l’éducation de leurs rejetons.

On ajoutera les élections aux raisons qui ont éloigné la grève, cette année, du ciel de notre système scolaire. Il y a eu comme un déplacement de centre d’intérêt dans l’espace national. Le Bénin est entré, depuis, dans une longue période électorale. Les législatives viennent d’être conclues. Les municipales et communales se projettent à l’horizon. La présidentielle, « la mère de toutes les élections », agite déjà tous les esprits. Comme on le voit, nous avons du pain sur la planche. La grève peut attendre.

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C’est spectaculaire que la grève, un peu comme dans une éclipse, disparaisse momentanément du ciel de l’école. Mais le souhait de tous, c’est qu’elle disparaisse de notre système scolaire, le libérant à jamais de sa furie perturbatrice. Dans des secteurs comme la santé, la loi dispose d’assurer, en période de grève, un service minimum. Plaidons l’exception pour Ecole, avec un service maximum, synonyme de refus et de rejet de toute idée de grève. Ceci ne sera possible qu’à trois conditions.

Première condition. Il y a lieu de prendre une loi pour faire de l’Ecole, sur toute l’étendue du territoire national, une zone de non grève (ZNG). Une belle et noble exception. Pour embellir et à anoblir, à son tour, la règle générale qui fait de la grève un droit constitutionnel. Ce serait une première en Afrique et dans le monde.

Deuxième condition. La zone de non grève que sera devenue l’Ecole doit, de ce fait, fonctionner sous le régime constant de la négociation permanente. Le consensus doit être, ici, la règle dans les rapports entre les différents partenaires. Et il ne sera pas nécessaire d’attendre que surgisse une crise majeure pour tout mettre à plat. Construire, déconstruire, pour toujours mieux construire. Car la construction de l’Ecole doit être une préoccupation permanente. A travers les programmes d’enseignement. Par rapport aux conditions de vie et de travail des enseignants. Sur les traces des innovations pédagogiques qui rendent pertinents et efficaces les produits de l’école, en termes de savoir, de savoir-faire et de savoir être.

Troisième condition. C’est l’Etat qui doit être, ici, le maître suprême, le chef d’orchestre et le régulateur par excellence. Car l’Etat doit garder la haute main sur l’Ecole. Il doit rester le gestionnaire attitré de cette entité non fractionnable qu’est l’éducation nationale. C’est parce qu’il en sera ainsi que quand l’Ecole s’enrhumera, c’est la société tout entière qui toussera. A charge pour l’Etat d’apporter, à chaque fois et autant que de besoin, les réponses idoines. Est-ce trop rêver ?

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