Hollande au Bénin : bons baisers de la « béninoiserie »

Chaque fois que les présidents français s’offrent le « risque » de fouler le sol béninois, les programmes annoncés, quand ils ne sont pas rabotés par le protocole, se terminent toujours en eau de boudin. Certes, les visites de président français au Bénin sont aussi rares que la pluie en harmattan, mais lorsqu’elles surviennent, elles se déroulent toujours amputées de leurs extensions ludiques, qu’elles soient culturelles ou touristiques.

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Le Bénin, périphérique de l’ex-pré-carré, ne suscite guère un intérêt aussi manifeste que les convoitises attachées aux pays comme la Côte d’Ivoire, le Gabon, le Congo, le Sénégal et les terres gorgées de pétrole des anglophones du Golfe de Guinée. Le Bénin est et reste tel que défini par un de ses anciens présidents, Mathieu Kérékou « un petit pays aux ressources limitées ». Des ressources dans lesquelles, pourtant, les responsables politiquesplongent allègrement la main au mépris des orthodoxies financières les plus élémentaires, au mépris du serment prêté sur la Constitution, aux mépris de leurs formations de banquiers et de technocrates avérés, au mépris surtout de leur culture, celle qui fait du bien public un patrimoine sacré, incessible à tout individu. Le cas Yayi Boni, notre époustouflant président, reste un exemple édifiant.

Les ressources du pays, comme on le sait sous ses deux mandats, ont faitet font toujours, l’objet de prédations les plus grotesques. On ne compte plus les scandales qui impliquent à la fois son entourage et lui-même. Au nombre justementde ces meurtres financiers, se trouve le gros éléphant blanc du siège de l’Assemblée Nationale. Sur la berge lagunaire de Porto-Novo, la capitale, un squelette de béton avec des colonnes à l’ancienne, annonce à tout venant, l’une de ses « prouesses ». Douze milliards de francs CFA injectés dans ce marécage sans qu’à aucun moment le joyau annoncé ne sorte de terre. Douze milliards, c’est l’équivalent de la somme utilisée pour construire et rendre fonctionnel le parlement de la Côte d’Ivoire à la même période. Dans ce gouffre, on ne compte guère les cérémonies de pose de la première pierre, de lancement de la première pioche ou de l’inauguration de la première brique. Car, Yayi Boni est friand de ces rituels guignolesquesqui, à chaque fois, brassent des millions de francsà travers services traiteurs, groupes folkloriques, rieurs et autres applaudisseurs, bref, des cérémoniesqui servent de prétexte à la captation des ressources financières du pays.

Hollande, par l’ambassade française sur place et par ses services connexes, connaît tous ces faits. Aurait-il, dégoûté par de ce mode de fonctionnement, renoncé à aller au parlement pour délivrer son message ? Craint-il de sentir la terre se dérober sous lui lorsqu’ il foulerait les esplanades du parlement béninois ? Ou alors, son renoncement à ce rituel, serait-il lié à des raisons sécuritaires ? En tout cas, amputée de cette sortie à l’Assemblée Nationale, la visite au Bénin de Hollande ne déroge guère aux habitudes établies par les présidents français.

L’autre senteur que les délicates narines de Hollande ne pourraient éviter, c’est l’odeur qui émane de la marmite bouillante du dernier remaniement ministériel avec la nomination au poste de Premier ministre d’un homme, Lionel Zinsou, dont on dit qu’il n’est ni plus, ni moins que le « bras néocolonial » de la France.
Néocolonial ? Et nous revoici, alors qu’on croyait les funérailles de la FrançAfrique déjà faites, avec la résurgence d’un mot humiliant pour les peuples d’Afrique, dégradant pour l’élite africaine, affligeant pour les panafricanistes. Lionel Zinsou ne devrait, suppute-t-on, sa place qu’à la faveur de l’injonction du locataire de l’Elysée à Boni Yayi. Néocolonial ?

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Hollande, bien sûr, avec sa rhétorique sèche, rejettera cette accusation, dira que cette nomination ne relève que des affaires bénino-béninoises et qu’il n’a strictement rien à y voir. Mais alors comment expliquer, quelques semaines après l’apparition publique du technocrate sur la scène publique béninoise, cette visite du président français ? Pure coïncidence, nous rétorquera-t-on. Il ne s’agit pas pour le successeur de Sarkozy de venir adouber Lionel Zinsou. Non, sa présence au Bénin n’est mue que par la volonté de consolider l’amitié franco-béninoise.

Les questions commencent seulement à s’entasser sur la langue des Béninois. Certes, il ne se trouvera personne dans un camp ou dans l’autre pour leur expliquer les choses. Seules les réalités, plus imposantes, leur dicteront leurs lois. Le fait accompli ne laissera aux naïfs, non pas le sentiment d’avoir été floués, mais la certitude d’être les idiots qui regardent le doigt du sage alors que celui-ci, modestement, leur montre la lune. Exactement comme les « béninoiseries ».

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