Humeur du temps : Bénin, pays importateur de « présidentiables »

Jadis on était « quartier latin de l’Afrique ». La qualité des cadres d’ici, surtout des enseignants sollicités de part le continent a fait dire à Emmanuel Mounier cette citation, certes tronquée mais restée célèbre. Ca c’est dans les années 60.

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Depuis, nous recherchons notre première goutte de pétrole. De nombreuses compagnies explorent depuis quelques années nos côtes sans avoir réussi à extraire le pétrole. L’or, l’argent, le diamant, l’uranium, on n’en produit aucun karat. Alors, beaucoup ont pensé qu’on pouvait tirer une plus value de notre richesse culturelle. Là aussi une mine d’opportunités qu’on n’a jamais pu profiter à bon escient même en dépit du festival « Ouidah 92 » qui en 1993 donna un coup de pouce au rayonnement international de notre pays. Depuis 1990, on vent la démocratie, denrée rare sur un continent infesté par les guerres civiles et où poussent  de plus en plus des dictateurs cupides et cruels. On peut s’enorgueillir d’avoir en vingt cinq ans connu bonne fortune dans le domaine. Une Constitution sacrée dans le marbre, des élections libres et pluralistes régulièrement organisées, deux alternances démocratiques réussies sans heurt et une liberté illimitée retrouvée par les Béninois d’agir. Une liberté parfois peu encadrée mais qui va néanmoins permettre à notre pays de revenir dans le concert des nations. La démocratie béninoise produit une exubérance de politiciens.

Le Bénin importe désormais une autre matière première. Il s’agit des « présidentiables ». Il en importe autant qu’il en exporte. L’un communicant auprès d’un dictateur d’Afrique centrale claironne sur tous les médias qu’il est le prochain président de la république. Un autre, pétrolier en Afrique du sud, prototype du cadre qui a réussi dans les affaires, fait ses navettes Cotonou-Johannesbourg via Accra en jet privé et vient au pays pour vendre son exemple à la jeunesse. Un professeur de droit londonien est aussi intéressé par le maroquin. A l’instar des autres présidentiables, il se sert des réseaux sociaux pour se faire connaître. Un grand bonhomme abandonne, dit-il, son poste de fonctionnaire international pour se mettre au service du développement du Bénin. On le verra d’abord dans les actions sociales avant de muer son simulacre d’Ong en parti politique et de déclarer sa candidature à l’élection présidentielle. Un ancien banquier, ayant traîné sa bosse dans les institutions financières internationales est dans le lot.

Ayant goutté à l’expérience en 2011, il s’apprête à la répéter. Et d’ailleurs il ne s’en cache pas. A le voir pleurnicher sur le sort d’une petite commune que la Cena, par erreur matérielle, l’a fait perdre pour les élections communales, on put bien appréhender la modestie de son poids politique. Un autre banquier est revenu au pays en 2005 pour faire la politique. Après un poste éphémère de ministre dans le gouvernement de Yayi et qui lui confère le titre ronflant d’homme politique, il rêve de diriger le Bénin et se bat pour avoir la confiance d’un parti politique crédible. Qui d’autres ? On parle d’un autre cadre travaillant dans une institution financière internationale ayant son siège à Lomé qui pourra tenter sa chance en 2016. D’un autre cadre béninois travaillant dans une institution internationale à Ouagadougou et d’un jeune médecin toxicologue d’à peine quadragénaire vivant à Paris. Lui aussi croit à ses chances et a même organisé des foras à l’intention des étudiants ici à Cotonou. Qu’ils sont bien nombreux ces candidats « venus de France », appellation triviale et générique pour désigner tous ces cadres travaillant à l’extérieur qui descendent au pays chaque cinq ans pour battre campagne et briguer la magistrature. Mais ils ne se trompent pas pour autant. Tous presque savent que le Bénin est encore le seul pays au monde où le concept d’oiseau rare fait encore recette. De Basile Adjou Moumouni à Boni Yayi en passant par Nicéphore Soglo et même Adrien Houngbédji, tous ont quitté l’extérieur pour venir soit pour gagner le pouvoir ou pour accéder à de hautes fonctions politiques. A coté de ceux- là il y a les « venus du Bénin ». Ils sont pour la plupart des hommes politiques. On pourrait en dénombrer une bonne trentaine pour la présidentielle de 2016. Une bonne trentaine parmi laquelle on trouve des anciens ministres, des députés,  des anciens Dg et Généraux d’armée. En plusieurs reprises, il a été même  ronflant  ce qui est son poids politique actuel. Deux autres candidats font le buzz ici depuis des semaines. Il s’agit d’un richissime magnat du coton exilé à Paris et d’un haut cadre de la finance internationale ayant ses accointances dans les milieux politiques français. Les présidentiables, autant le Bénin en importe, autant il en exporte. Au total, on devrait s’attendre à une bonne quarantaine de « présidentiables » aux poids politiques, aux ambitions et objectifs bien divergents. Tandis que certains postulent juste pour mettre sur leurs cartes de visite « ancien candidat à l’élection présidentielle », d’autres rêvent de s’en servir comme tremplin de réussite personnelle et d’autres encore pour régler des comptes. C’est que ici, la fonction présidentielle est bien dévaluée. Faute à notre système démocratique qui fait de l’argent le seul moyen de réussite politique. Faute également à notre Constitution. Pour être président au Bénin, il suffit d’être de « nationalité béninoise, d’avoir entre 40 et 70 ans et d’être en bon état physique et mental… ». C’est le seul pays au monde où il est si facile d’être président. A cette allure, ne soyons pas surpris d’en compter une centaine.

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