Le Parlement de la rue et les élections

S’enchaînent des séances de jour et de nuit. On ne dort pas au Parlement de la rue, sis derrière la morgue du Centre national hospitalier et universitaire de Cotonou. A l’ordre du jour, l’examen des deux dernières élections, les législatives et les locales.

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Un débat ouvert nimbé de mille et une interrogations. Que retenir de ces deux scrutins ? Quels enseignements en tirer ? Quelle projection sur et pour l’avenir ? Voici le relevé des dix principaux points qui ont retenu l’attention des parlementaires de la rue.

1- Le Code électoral a été violé à répétition sur nombre de ses dispositions. Tout se passe comme s’il y avait des textes qui engagent tout le monde et des habitudes qui ont la vie dure,   des pratiques d’un autre âge qui ne choquent personne. L’Etat de droit, à cette allure, chez nous, risque d’être une fiction.

2 – La commission électorale nationale autonome (CENA), même institutionnalisée et professionnalisée, a largement raté le coche. Retards, dysfonctionnements de toute nature ne permettent pas de le créditer d’un bon point, voire de lui donner un chèque en blanc pour les prochaines échéances électorales.

3 – Le Chef de l’Etat a pris une part trop visible dans ces élections. Le partisan et le chef de parti a éclipsé le président de tous les Béninois. Aucune loi ne le contraint à adopter une posture particulière. Mais ce qui n’est pas expressément prescrit par la lettre des lois peut être explicitement gravé dans l’esprit des lois.

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4 – L’argent roi a fermement gardé son trône. Il a partout imposé son hégémonie. Sa cour continue de refuser du monde et ses libéralités restent légendaires.

5 – Certaines idées simples qu’on fait courir sur le Béninois se sont écroulées comme un château de cartes. En tout cas, est mort, mort de sa plus belle mort, ce Béninois prêt à tous les compromis et à qui l’on fait avaler les couleuvres. Ils en ont été pour leurs frais tous ceux qui s’illusionnaient sur les capacités de résistance, voire de révolte du Béninois.

6 – Les jeunes, au départ, ont donné de la voix. Mais, à l’arrivée, ils ont semblé faire profil bas. Comme quoi, il est plus facile de disserter sur la politique que de s’illustrer sur le terrain de la politique. La copie est à reprendre. Avec plus d’application et de sens des réalités. Courage !

7 – Les femmes traînent, d’une élection à l’autre, la même contre performance. L’espoir, pour elles, d’une meilleure représentativité dans les instances de décision, est chaque fois différé. Malgré une sensibilisation forte et une communication non moins forte sur le genre. Faut-il baisser les bras ?  Que non ! La lutte continue.

8 – Les médias ont globalement joué un rôle appréciable, sous l’angle de l’information du public, pour ces deux élections. Mais nombre de journalistes ont souvent confondu leur mission d’information avec une certaine inclination à tremper leur plume dans l’encre problématique des causes contestables. L’informateur a ainsi disparu derrière le communicateur. Il a choisi de se prêter au jeu partisan, épousant des querelles qui n’auraient dû jamais être les siennes. Les rédactions des médias bruissent alors de voix discordantes qui ressemblent à s’y méprendre à toutes celles qui animent les sièges de campagne des différents partis politiques. Médias et partis politiques : accointance ou connivence ?  

9 – Le rêve d’une bipolarisation de la vie politique à l’anglo-saxonne, avec une mouvance au pouvoir et une opposition qui va à l’assaut du pouvoir, s’est évanoui. La crispation observée autour des enjeux des législatives a entretenu une telle illusion. C’est oublier ou c’est ignorer que la ligne de partage entre la mouvance et l’opposition, avec en point d’orgue la lutte pour le contrôle du perchoir, n’a rien d’idéologique. C’est plutôt le scrutin législatif qui s’est transformé en un référendum. Il a placé d’emblée l’électeur devant un choix crucial : pour ou contre la révision de la constitution.

10 – Les deux dernières élections ont permis de faire une belle moisson d’enseignements. Ils sont à capitaliser et à réinvestir dans la préparation et dans la tenue de la toute prochaine élection présidentielle. Celle-ci, par son format et ses enjeux, doit mériter d’être et de rester « la mère de toutes les élections ».

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