Quel système politique pour le Continent noir ?

Il y a 25 ans que  le vent de la démocratie, du multipartisme intégral et du libéralisme économique avait soufflé sur l’Afrique. Cette démocratie avait l’ambition de trouver les solutions les plus justes aux problèmes du Continent noir solidement empêtré dans la dette et le Programme d’Ajustement Structurel imposé par la Banque Mondiale et  le Fonds Monétaire International

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Plus d’un quart de siècle après, est-ce-que les fruits ont tenu la promesse des fleurs ? C’est à cette difficile question que je tente de répondre ici.

J’ai aussi imaginé à travers mon article un système politique adapté à l’Afrique et susceptible de garantir la paix sociale et le progrès.

Ce qu’on devrait savoir

Le 17 Novembre 1970, l’éminent chercheur Jean-Claude Froelich, Directeur du Centre des Hautes Etudes sur l’Afrique et l’Asie Modernes, avait écrit dans le Magazine de référence « Marchés Tropicaux et Méditerranéens » ce qui suit, citations : « pour agir sur le développement économique d’un Continent, l’argent ni la bonne volonté ne suffisent pas, car l’obstacle principal est l’homme, et notre ignorance, ignorance quelque fois voulue des réactions et de la psychologie des peuples, est responsable des échecs constatés.

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L’Afrique a été pétrie par des civilisations humanistes et non économiques, elle est socialement, économiquement et psychologiquement on ne peut plus mal préparée à s’intégrer au monde de la concurrence et du profit comme à celui de la planification autoritaire. Les Occidentaux ont souvent refusé de prendre son originalité en considération et par un assimilationniste hardi, ils ont transposé  leurs règles et leurs techniques sans chercher à les adapter, sans partir d’une connaissance minimale des pays Africains. Le comportement des paysans devant un progrès incompréhensible et qui ne les tente peut – être pas, aurait pu être prévu. Les réactions des sociétés, résistant aux bouleversements de leurs structures et au renversement de leurs valeurs sont sociologiquement normales ». Fin de citations.

A la veille de la Conférence  Nationale des Forces Vives au Bénin du 19 au 28 Février 1990, précisément le 17 Février 1990, j’avais publié un livre aux Editions ABM et qui avait fait l’objet d’un long commentaire à la Radio Nationale par feu, le Doyen Eustache Prudencio. Il est intitulé « Bénin 17 ans après : la grande riposte »

A la page 37 dudit ouvrage « la guerre des partis n’aura pas lieu », j’avais émis mes craintes sur l’adoption du  multipartisme intégral. J’avais préconisé deux partis politiques et un scrutin électoral présidentiel à un seul tour. Deux raisons fondamentales avaient guidé ma démarche. La première, le système électoral présidentiel à deux tours qui met en compétition plus de deux partis  politiques n’est pas toujours crédible et avantageux pour les populations. Toutes les alliances au second tour se constituent souvent par intérêt  et non  par une conviction idéologique  ou  amour pour la Patrie. La deuxième raison est la crainte de la résurgence du régionalisme et ses séquelles.

Mes idées ont été largement développées plus tard dans un très long article publié dans le Journal gouvernemental « La Nation » du 10 Août 1993 et intitulé : « le vertige actuel de la démocratie et du multipartisme intégral en Afrique : ce qu’il faut d’abord savoir ». J’avais mis l’accent sur plusieurs obstacles à l’application efficiente du multipartisme intégral notamment l’analphabétisme et le mal du plurilinguisme en Afrique.

A la même époque, l’ancien Secrétaire Général de l’Organisation de l’Unité Africaine (OUA), Monsieur Salim Ahmed Salim avait déclaré, citations : « la démocratie ne devrait pas être imposée. Mais, il faut qu’elle découle de la volonté des peuples Africains. La démocratie politique seule ne suffit pas. Il faut une démocratie économique » fin de citations.

Au vu du bilan mitigé du processus démocratique où l’Afrique est devenue plus pauvre et surtout plus instable, les idées-forces énumérées plus haut devraient être prévues.

L’état actuel de l’Afrique démocratique

La colonisation a été un fait brutal parce qu’elle avait désorganisé net  nos mœurs, nos us et coutumes, nos habitudes etc. L’Afrique avait donc mal négocié le virage de l’indépendance en conservant sans discernement toutes les structures politiques, économiques, administratives et culturelles de l’Occident. Les partis uniques instaurés n’étaient donc pas mauvais s’il avait eu en Afrique à cette époque -là une réelle liberté de presse, le syndicalisme effectif, une alternance bien insérée dans les constitutions des Etats.

La démocratie des années 90 a été aussi très mal négociée parce qu’elle a découlé d’un grand mimétisme idéologique et des faits historiques sensationnels (la chute du Mur de Berlin, la Conférence des Forces Vives au Bénin, le Discours de la Baule etc). Le multipartisme intégral accouché a été très préjudiciable aux Etats. Les replis identitaires ont exacerbé le régionalisme et l’ethnocentrisme. Il y a plus de guerres civiles en Afrique à partir de 1992 qu’à l’époque de la guerre froide. Et si on ne prend pas garde, l’Afrique très fragile et moins équipée militairement connaîtra dans un avenir proche plus de bouleversements avec la montée exponentielle du chômage des jeunes et du terrorisme religieux.

Quel système politique adapté à l’Afrique ?

1- Il faut supprimer le multipartisme intégral.

2- La révision des Constitutions et l’adoption de deux partis politiques dans chaque Etat Africain.

3- A défaut, il faut cinq  partis par région géographique (Nord, Sud , Centre, Est et Ouest).

4- Un programme politique consensuel à améliorer toujours par consensus selon les besoins et l’évolution du temps. Par exemple, le Discours- programme du 30 Novembre 1972  au lendemain de la Révolution salutaire du 26 Octobre 1972 a été le programme le plus unanime et le plus consensuel  du Bénin indépendant.

5- Un mandat présidentiel de 5 ans non renouvelable

6- Une gestion collective avec toutes les compétences nationales.

7– Une présidence tournante : les 5 présidents des 5 partis régionaux se réuniront sous la supervision d’un Conseil Permanent des Anciens, une sorte de Sénat. Ils procéderont au tirage au sort.

Celui qui prend le numéro 1 sera investi premier Président de la République selon le système politique que je préconise ici et qui sera amélioré en collaboration avec les grands constitutionnalistes éclairés.

Il ne s’agira pas d’aligner les chiffres tirés où un potentiel candidat à la Magistrature Suprême verra peut – être que c’est dans 15 ou 20 ans qu’il accèdera à cette haute fonction. Mais, le premier Président gouvernera en collaboration avec les  4 Présidents restants des partis au bout de 5 ans. A la fin de son unique  mandat, il ne participera plus au tirage au sort. Il sera hors jeu. Un nouveau  tirage sera encore fait  jusqu’à la fin  du cycle qui prendra fin dans un délai de 25 ans pour reprendre à nouveau. Ainsi, il y aura moins de frustrations, car chaque région aura la chance d’accéder au pouvoir d’Etat. En République du Bénin, tous les Départements avaient bénéficié au moins d’un Chef d’Etat. Mais, aucun natif du Département Mono-Couffo n’avait accédé à la Magistrature Suprême depuis 1960 malgré tous les efforts

CONCLUSION

Ce système politique à plusieurs avantages à savoir :

– Harmonie entre les ethnies.

– Une justice sociale.

– Une  démocratie moins budgétivore.

–  Une plus grande maîtrise sociale des besoins.

– Un réel et rapide décollage économique de l’Afrique etc.

Le bilan des  25 ans du processus démocratique en Afrique : quel système politique pour le Continent noir ?

Gbèmassè Cyprien
Ecrivain et Chercheur
Président de l’Observatoire d’Analyses de l’Histoire et de la Politique International (O A H P I)

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