Portrait de Paul Essè Iko : engagement politique et parcours syndical

L’observateur attentif de la société béninoise, aura sans doute remarqué que le troisième Secrétaire général de la Cstb, Paul Essé Iko, associe étroitement engagement syndical et lutte politique. Un bref regard sur son parcours de vie permet d’éclairer cette conception syndicalo-politique singulière. Eléments d’explications

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25 Juillet 2015. A la Bourse du Travail à Cotonou se tient la Conférence syndicale des confédérations et centrales syndicales des pays francophones de l’Afrique de l’Ouest. Paul Essé Iko, vêtu d’une tenue traditionnelle évoquant son amour pour le continent africain ;  son écharpe rouge habituelle au cou, une casquette de la même couleur sur la tête, symbole de son attachement aux idéaux communistes, est chaleureusement applaudi par l’assistance. L’enthousiasme est de mise. Le calme rétabli, le troisième secrétaire général de la Confédération syndicale des travailleurs du Bénin (Cstb) prononce un long discours où s’enchevêtrent pêle-mêle des propos sur la lutte des classes, le néo-colonialisme, les privatisations d’entreprises publiques, la solidarité internationale,  la précarité des travailleurs, l’accaparement des richesses par une minorité de nantis, la dénonciation des politiques d’austérité imposées à la Grèce par le Fmi(Fonds monétaire international) et la Bce (Banque centrale de l’Europe) , un réquisitoire contre le groupe Bolloré et le projet de l’axe de chemin de fer Cotonou-Niamey. Les applaudissements redoublent. Le propos, à l’image de son auteur, est large et revêt une dimension politique certaine.

Un fervent catholique

Né à Dassa-Zoumé en 1953, en pleine période de lutte contre la colonisation, dans une famille catholique, Paul Essé Iko semble durablement imprégné par son éducation religieuse. Son père, feu Robert Iko est même rentré au séminaire avant de fonder une famille. «Mon père m’a formé à défendre les vertus d’équité, de justice, de piété et d’amour du prochain», témoigne-t-il. Il insiste beaucoup sur l’importance de la foi dans sa vie. Il prétend que les valeurs  chrétiennes, qu’il a héritées de son éducation religieuse, constituent le socle de son engagement politique et syndical. «L’intégrité de mon père et l’éducation chrétienne qu’il m’a dispensée sont encore aujourd’hui au centre de ma vie et de mon engagement syndical», insiste-t-il. Quand Paul Essé Iko parle de lui-même, il se définit comme un « combattant de la liberté », ayant fréquenté depuis son plus jeune âge une flopée de cadres s’étant opposés à la colonisation, un adversaire du régime kérékouiste, un défenseur des droits des travailleurs, un communiste convaincu. Quand il parle de sa vie, événements politiques et engagements syndicaux s’entremêlent dans un même récit. Curieusement, il parle de choses abstraites, d’événements historiques, de convictions politiques, mais n’évoque que très peu d’événements plus personnels.

Des accointances politiques avec le PCB

Le Béninois est habitué à apercevoir Paul Essé Iko par le biais des médias. Orateur hors pair, dont le verbe fait mouche, Il ne manque jamais une occasion d’être sous le feu des projecteurs pour défendre les intérêts des travailleurs.  Réunions, manifestations, meetings, marches contre les politiques gouvernementales sont son lot quotidien. Le Secrétaire général de la Cstb n’est pas un syndicaliste apolitique. Il possède de nombreuses accointances avec le Parti Communiste Béninois. Dès le collège, à Dassa-Zoumé, il milite auprès de l’Union Générale des étudiants du Dahomey. Il explique ainsi s’être engagé «pour que le Bénin puisse connaître une indépendance effective, afin de sortir le pays des griffes de l’ex- puissance colonisatrice». Pour compléter sa formation politique, il assiste  pendant les vacances scolaires aux formations dispensées par la Fédération des Etudiants d’Afrique Noire en France. Il soutient que ces formations ont contribué activement à la formation de sa conscience politique. « Ces formations progressistes m’ont enseigné qu’un homme se doit d’aimer son pays, son village, sa localité… », déclare Paul Essè Iko. Dans la deuxième moitié des années 1970, il s’inscrit au collège Père Aupiais de Cotonou avant d’entamer des études de droit à l’Université Nationale du Bénin. En 1974, lorsque Mathieu Kérékou décide de s’aligner sur le bloc de l’Est, et de faire du Bénin un régime marxiste-léniniste, Paul Essé Iko ne tarde pas à s’engager dans la dissidence. Il qualifie le ralliement des élites ayant lutté contre la colonisation de trahison. Il parle d’un « prétendu régime marxiste-léniniste, qui n’était en réalité qu’une vaste supercherie ».  En 1977, le Parti Communiste du Dahomey est créé dans la clandestinité. Paul Essé Iko  adhère au mouvement et rentre ainsi dans la lutte clandestine.

En 1979, Paul Essé Iko, militant du Parti Communiste  du Dahomey, est arrêté par le régime kérékouiste, pour avoir défendu ses idéaux et critiqué le régime en place. Il s’en suivra 5 ans d’emprisonnement. En 1984, à sa sortie de prison, il reprend contact avec le PCB et intègre la lutte légale par l’entremise du syndicalisme. Il participe ainsi à la création du Syndicat des Instituteurs du Bénin  (SIB) et s’engage dans le combat pour la suppression de la taxe civique. Lorsqu’il évoque cette période de sa vie, il le fait en ces termes : « Avec les camarades du syndicat, on s’est battu pour la suppression de la taxe civique. Nous voulions le pain et la liberté ». En 1990, il prend part à la Conférence Nationale en tant que président du bureau du Zou du SIB (Syndicat des Instituteurs du Bénin).  

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Trop sûr de lui

Ex-prisonnier politique, homme habitué à se battre pour défendre ses idées, il affiche une force de caractère et une confiance en lui qui impressionnent. Homme de conviction et de détermination, prêt à aucun compromis,  Paul Essé Iko est rompu aux rapports de force. Militant politique et syndiqué depuis le collègue, le secrétaire général de la CSTB peut être présenté comme un agitateur du débat public, un homme qui n’a pas peur de s’opposer, qui n’hésite pas à lever la voix s’il le juge nécessaire. C’est sans doute ce pourquoi, certains de ses pairs du monde syndical béninois voient en Iko un homme  trop sûr de lui, caractériel, rigide, qui a du mal avec la contradiction. Si Dieudonné Lokossou ( Sg/Csa-Bénin), lui reconnaît une certaine compétence, il critique sa virulence, son jusqu’au-boutisme. Nul doute qu’entre la défense des intérêts des travailleurs, la lutte pour la liberté et l’engagement pour une meilleure gouvernance publique de son pays,  Paul Essé Iko ne fait pas dans la dentelle !!!

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