Kérékou : les secrets dans sa tombe

Plusieurs fois annoncée et toujours démentie, la nouvelle de la mort de Mathieu Kérékou a pris tout le monde de court, en ces temps de précampagne électorale. On l’avait un peu oublié,  le caméléon national, claquemuré dans sa résidence des trois banques depuis  sa retraite du pouvoir  en avril 2006.

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On le savait gravement malade- d’aucuns parlaient de cancer de la gorge ou de la prostate -, sans que personne ne l’ait jamais confirmé. L’heure annoncée de sa mort-1 h 30  de l’après midi d’hier-  a précédé sinon coïncidé de peu avec cette pluie drue et  subite  de quelques minutes qui s’est abattue sur Cotonou  par endroits. Un signe que  certains –y compris notre président- ont pu   interpréter comme   annonciateur d’un  évènement insolite comme à l’époque de la mort de Mgr Isidore de Souza où une bourrasque d’une rare violence  a soufflé sur la ville de Cotonou et environs. En attendant d’en  savoir plus les jours prochains sur les circonstances et conditions de sa mort, on peut  déjà conjecturer que toute la presse en fera ses choux gras les jours, voire  mois prochains.  Cependant, en ces heures de grandes  incertitudes sur l’avenir de notre pays dans les prochains mois, l’occasion nous est donnée de revisiter la vie de cet homme controversé qui aura marqué l’histoire du Bénin ces cinquante dernières années.

Parce que la vie de cet homme que l’historien Félix Iroko a qualifié de « hors du commun », se confond avec l’histoire de notre pays, le Bénin. Sur les 55 ans d’indépendance en effet, Kérékou, le sous- officier affecté à la garde de Hubert Maga, premier président du Dahomey indépendant  aura régné presque sans partage près de 30 ans, inaugurant  une tradition qui ne s’est jamais démentie à la tête   de notre pays : celle des ‘’hommes  providentiels’’  que personne n’attend. L’histoire retiendra que le trait principal de cet homme est sa capacité d’adaptation,  voire  de rebondissement. C’est quand on le croit définitivement enterré que cet homme sait rebondir. Lorsqu’il a pris la tête de cette junte militaire qui a ramassé le pouvoir qui traînait par terre en octobre 1972, cet ancien enfant de troupe ne  connaissait  du marxisme que très peu de choses. Il a dû trancher entre les caciques des pouvoirs anciens et les ’’jeunes turcs ‘’ issus des mouvements démocratiques des années 60. En grand stratège, il n’a jamais laissé rien transparaître de son  choix, avant la date et le moment fatidiques. Ainsi en a t-il été le 30 novembre 1972. Jusqu’au prononcé de la phrase mémorable ‘’la caractéristique principale et la source première de l’arriération de notre pays, c’est la domination étrangère ‘’, personne dans son entourage ne savait de quel côté balançait son cœur. Les témoins  de l’époque ont pu affirmer qu’il avait les deux discours dans sa poche : celui préparé par la vieille ‘’garde pro- impérialiste’’ et celui inspiré par les ‘’révolutionnaires’’ d’alors. Plus tard, en février 1990, à  la clôture de la conférence nationale, c’est encore à la dernière minute  que le Grand Camarade de lutte a tranché entre les tenants du maintien de l’ordre révolutionnaire et ceux du Renouveau démocratique. A chaque fois,  le même scénario se répète : un  silence de plusieurs jours qui laisse l’impression d’un homme hésitant, suivi de la décision  qui libère tout le monde. C’est qu’en bon général, il sait évaluer les rapports de force et sait toujours jusqu’où il ne peut  aller plus loin.

Mathieu Kérékou a tiré sa révérence, en emportant intacts dans sa tombe tous ses secrets : d’abord les secrets de ses origines, telles que l’a révélé le professeur Félix Iroko  dans sa mémorable biographie. Il emporte avec lui aussi, les secrets des  vraies circonstances de la prise de pouvoir en 1972, de celles de l’assassinat de son ami le capitaine Michel Aïkpé. Les secrets de l’élection du président  Nicéphore Soglo en 1991. Ceux enfin   de ses velléités de tripatouillage de la loi fondamentale  aux encablures de l’année 2005, pour ne citer que  les plus  significatifs.

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