Omar Arouna : l’alternance au pouvoir n’est pas synonyme de rupture

Il a donné un rayonnement particulier à la diplomatie bénino-américaine. Depuis qu’il est nommé ambassadeur du Bénin aux Etats- Unis Omar Arouna travaille inlassablement pour vendre la destination Bénin.

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Dans une interview accordée à notre rédaction, il revient sur les efforts faits par le président Boni Yayi et lui- même pour rendre les relations entre les deux pays assez exceptionnels.

Excellence Monsieur l’Ambassadeur, merci de vous présenter à nos lecteurs.

Merci Monsieur le journaliste pour votre déplacement ici à Washington DC. Je me nomme Omar AROUNA, Ambassadeur Extraordinaire et Plénipotentiaire du Bénin auprès des Etats-Unis d’Amérique, le Mexique, le Bahamas et la Barbade. Mes attributions couvrent aussi les institutions de Brettons Woods, à savoir la Banque Mondiale, le Fonds Monétaire International et la Société Financière Internationale. Je suis aussi Observateur du Bénin à l’Organisation des Etats Américains.

Jusqu’à ma nomination à ce poste, pendant plus d’une décennie, j’étais Vice-président Exécutif d’une multinationale Américaine qui assiste les gouvernements africains dans l’amélioration de leurs relations avec les Etats-Unis d’Amérique et offre aux entreprises américaines opérant en Afrique des services en conseils stratégiques.

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Faites-nous un bilan à mi-parcours de vos activités qui ont permis au Bénin d’avoir plus de visibilité sur la scène internationale ?

Depuis quelque temps, les mots qui reviennent assez souvent quant il s’agit de qualifier les relations entre le Bénin et les Etats-Unis d’Amérique sont généralement «EXECEPTIONNELS», «AMICALES», «PARTENAIRES», «SOUDES», «EXEMPLAIRES»… Et ceci grâce à la volonté de notre Président de la République et de la qualité de la relation personnelle qu’il entretient avec le Président Barack OBAMA et le Vice-président Joe BIDEN. Ce qui, naturellement, se répercute sur la politique diplomatique des deux Etats.

Dans ce contexte, ma feuille de route telle qu’elle a été conçue par la Haute Autorité était claire, simple et concise : mettre en œuvre sa vision d’une «diplomatie au service du développement» en transformant notre représentation aux Etats-Unis en avant-poste pour le développement du Bénin, afin de renforcer davantage les relations bilatérales et multinationales sous ma juridiction.

Etant donner que les ressources humaines sont à la base de toute action humaine, je me suis mis d’abord à expliquer au personnel de l’Ambassade, ma conception d’une mission qui somme toute est une agence de marketing du Bénin aux Etats-Unis et aussi fait un redéploiement du personnel local dans des rôles qui leur permet d’agir au maximum de leur potentiel pour s’adapter à cette nouvelle vision. Toujours dans cette approche, j’ai fait quelques transformations physiques de la chancellerie en agrandissant le hall d’entrée et la réception pour les rendre plus appropriés. L’intérieur du bâtiment annexe qui sert de consulat a été réaménagé pour être plus fonctionnel et des systèmes de sécurité ont été installés pour sécuriser l’Ambassade.

Dans la foulée, le visa qui n’était qu’un tampon a été numérisé et désormais incorpore la photo du détenteur. Nous avons adopté le système «Office 365» comme outil de travail qui nous permet maintenant d’avoir une approche plus intégrée du traitement de nos dossiers.  Après avoir mis tous ces outils en place, j’ai revu les délais de nos prestations de service et réduis au minimum les délais de traitement. En somme, de profondes réformes engagées.

C’est après cette étape que nous nous sommes mis au travail pour atteindre nos objectifs. Une approche vers les décideurs américains, le Congrès, le Sénat… a été définie et mise en œuvre pour soyer l’image du Bénin et mettre en lumière les efforts de développement qui se font au quotidien. De la promotion de l’art culinaire béninois à notre culture en passant par nos valeurs intrinsèques, la destination Bénin est valorisée. Ceci a permis d’expliquer aux uns et aux autres les progrès remarquables entrepris au Bénin et les réformes en cours dans le domaine de la lutte contre la corruption, le climat des affaires, la démocratie, l’Etat de droit, le développement des infrastructures…

Parallèlement, certains de nos compatriotes qui, pour des raisons inavouées, tentaient de détruire l’image du Bénin à l’étranger en payant des lobbies ont eu la réponse adéquate à leurs tentatives devenues infructueuses. Ils ont été démasqués.

Dès lors, le travail qui se faisait au Bénin et les résultats enregistrés sont devenus une évidence pour nos partenaires Américains qui ne pouvaient que nous accompagner dans notre progrès. Le passage du Chef de l’Etat à Washington pour le sommet des affaires entre les Etats-Unis et l’Afrique a été l’élément catalyseur qui a permis d’atteindre beaucoup d’objectifs. En effet, il a mis à contribution ses relations personnelles au plus haut niveau pour nous permettre d’aller plus loin et de façon plus efficace sur certains dossiers parmi lesquels le renouvellement du deuxième compact du Millenium Challenge Account.

Evidement, ce que les Béninois retiennent de vous actuellement, c’est le renouvellement de ce second compact du MCA par le Gouvernement et le Congrès Américains. C’était dur, mais le Bénin l’a finalement obtenu, grâce au leadership du Chef de l’Etat. Vous l’avez souligné. Parlez-nous un peu de ce programme.

Il faut dire que cette deuxième qualification a eu lieu dans un contexte d’adversité sauvage ou une poignée d’individus qui plus est des compatriotes s’acharnaient pour empêcher la qualification du Bénin, certains se sont attachés des services de lobbyistes pendant que d’autres utilisaient certaine presse américaine pour faire dérailler le processus de qualification et ceci pour leurs intérêts personnels. Il est donc important de saluer le leadership transformationnel dont a fait preuve le Chef de l’Etat pour qu’on arrive à ce résultat reluisant. En effet, il a su identifier les réformes nécessaires, définir la vision devant guider l’exécution des réformes et focaliser les différents acteurs autour de l’objectif final. Tout a d’abord commencé au Bénin avec les réformes entreprises par le Gouvernement, le travail de l’unité de formulation du compact, les efforts louables du Conseil Présidentiel de l’Investissement… A Washington, nous avons servi de relais et «filtré le grésillement» pour que les résultats des réformes et du travail abattu depuis près d’une décennie par le Gouvernement du Président Boni YAYI soient clairement perçus par nos partenaires américains sans interférence.

Le deuxième compact du Bénin est un ensemble intégré d’investissements conçu pour conduire à une disponibilité accrue de l’électricité qui stimulera la production et la productivité des entreprises, offrira de plus grandes possibilités économiques pour les ménages pauvres et améliorera la qualité et la fiabilité des services publics et sociaux de notre pays. 41 millions de dollars seront investis dans les réformes institutionnelles, 136 millions de dollars pour la génération, 110 millions de dollars pour la distribution et 46 millions de dollars pour l’accès hors réseau. C’est un montant total de 375 millions de dollars à laquelle devrait s’ajouter la contribution de 28 millions du budget national qui seront investis en 5 ans dans le secteur de l’énergie.

En réalité, le Chef de l’Etat a une vision prospective. Il fait tout pour que, même après son départ du pouvoir, le Bénin puisse maintenir et renforcer sa marche vers le développement et la prospérité partagée. C’est un homme d’Etat exceptionnel. Le Vice-président américain a reconnu et salué récemment la qualité de son leadership.

Le mandat du Président de la République finit bientôt. Comment voyez-vous l’alternance en 2016 ?

Pour moi, alternance ne rime pas avec rupture, et n’équivaut pas non plus à un perpétuel recommencement. En dix ans, il y a eu de nombreux acquis et des réformes porteuses d’emplois et de croissance que nous devons préserver. La pérennisation des acquis des années YAYI devrait s’inviter dans le débat politique de notre pays. Les candidats qui s’annoncent doivent éclairer le peuple Béninois sur leurs intentions, leurs programmes de société… Ils doivent se prononcer sur les principales réformes engagées par le Chef de l’Etat et sur le sort qu’ils leur réservent après son départ, afin de situer les populations. Mieux, la pérennisation des acquis des années YAYI devrait servir de baromètre pour jauger les prétendants au fauteuil présidentiel.  Ceci est d’autant plus important que certains de ses acquis ont considérablement sorti nos populations les plus vulnérables de la précarité et fait reculer la pauvreté dans notre pays.  Les jeunes et les femmes ne me diront pas le contraire. L’économie se porte aussi très bien. Les signaux sont au vert.

Et quels sont, selon vous, ces acquis ?

Ils sont nombreux : modernisation du Port de Cotonou, amélioration du climat des affaires, démarrage du projet de la boucle ferroviaire, microcrédits aux plus pauvres, Ramu, emploi des jeunes, coton, usines de transformation agricole, autonomisation des femmes, usine de fabrication de machines agricoles, infrastructures routières et aéroportuaires, renouvellement du second compact du Mca, gratuité de la césarienne, gratuité de l’enseignement primaire, lutte contre la corruption, lutte contre le terrorisme, avancement des idéaux démocratiques, diplomatie du développement, économie performante…

Avez-vous peur d’une remise en cause de certaines réformes majeures, notamment concernant les jeunes, les femmes, l’économie ?

Evidement, à écouter la rhétorique de certains prétendants au fauteuil de la Marina, il est à craindre qu’ils ne fassent pas preuve de discernement et qu’ils aient une approche de «la terre brulée». Il faut alors veiller à ce que le travail qui a été abattu en dix ans ne soit pas remis en cause en une journée. La globalisation nous impose un rythme pour maintenir une certaine compétitivité vis-à-vis des autres pays, le respect des engagements internationaux et commerciaux est essentiel dans cette approche d’où la continuité dans l’action gouvernementale. Les Béninois doivent opter pour la continuité au sommet de l’Etat. L’avenir du pays en dépend.

Et vous voyez qui pour assurer cette continuité ?

Je n’ose pas avoir la prétention d’esquisser le portrait robot du prochain locataire de la Marina. Par contre, les actions passées du (ou de la) candidat (e) peuvent présager de son action future. Si durant toute sa vie d’adulte son mode opératoire n’a pas été empreint d’un minimum d’intégrité, de patriotisme et de loyauté, il va s’en dire qu’on ne peut espérer mieux de lui ou d’elle même devenu (e) président (e). D’où l’examen minutieux des candidat (e)s s’impose, leurs expériences, leurs actions dans le passé et comment cela peut être indicatif de leur action et comportement à venir.  Le programme du candidat est important mais son caractère est essentiel. Tout cela pourrait donner une idée de la gestion que fera cette personne du pays : un homme de vision, pragmatique, charismatique, humble, à l’écoute et au service du peuple, comme l’actuel Chef de l’Etat qui a tout donné à son pays pour le mettre à ce niveau de développement encourageant.

Ma prière le plus ardent est que ces élections se déroulent dans la paix, la cohésion, l’unité et la sécurité. Le Bénin est un et indivisible. Que la campagne électorale soit une occasion de fête et de débats d’idées sur les programmes de société et non une occasion d’injures et de violences verbales et physiques. Après tant d’années de pratique démocratique, certains hommes politiques doivent enterrer les comportements qui salissent l’image de notre pays.

Je vous remercie

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