Présidentielle : la filière de la fraude

Vous avez dit fraude ? C’est l’arrière-cuisine de toutes nos élections. Les poubelles s’y retrouvent. Les eaux sales aussi. La fraude a la vertu magique de réunir en une « Entente cordiale » des formations politiques les plus farouchement opposées les unes aux autres.

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La règle est claire : « je triche dans telles localités. Tu en fais de même dans d’autres ». Et la cause est entendue. Voilà le découpage d’arrière-boutique qui s’impose et qui en impose à tous. Il détermine le résultat de nos différents scrutins.

A la vérité, la fraude s’ordonne comme une chaîne. On ne peut l’analyser qu’en prenant en compte chacun de ses cinq chaînons. La chaîne de la fraude a ses spécialistes. Ils sont pétris de savoir et de savoir-faire. Ce sont de véritables accros. Des drogués devrait-on dire, tout à leur vice attachés. Quels sont donc ces cinq chaînons de la chaîne de la fraude ?

Premier chaînon : l’homme ou le fraudeur en chef. La fraude, avant d’être une pratique, est d’abord une idée. Une idée qui germe dans un cerveau, s’alimente des ressources d’une intelligence, se laisse porter par une volonté, celle de dribbler, de tricher, de voler. Tout part donc de la tête. C’est le siège conceptuel de la fraude. L’homme est ainsi le cerveau organisateur de la fraude. Il est donc faux de croire ou de faire accroire qu’avec un système informatique performant, telle la Liste électorale permanente informatisée (Lépi), la fraude reculera ipso facto. La machine n’est qu’un moyen, un canal. A l’image d’un ordinateur, elle n’exécute que les ordres du programmeur en chef : l’homme.

Deuxième chaînon : la machine à frauder. L’homme formule la fraude, en trace l’architecture, en dessine les stratégies de mise en œuvre. La machine à frauder prend le relais. Mais « machine » doit s’entendre au sens large. La machine, ici, c’est   tout à la fois les institutions, les structures, les systèmes impliqués dans le processus électoral. La fraude prend ainsi naissance à l’établissement de la carte électorale, dans les opérations de recensement des populations. Elle se poursuit à travers l’interprétation des données collectées sur le terrain. Elle franchit une étape décisive dans la mise en place du fichier électoral et des cartes d’électeurs. La surveillance des opérations électorales, le décompte des voix, la rédaction des procès verbaux, le convoyage des urnes des sites de vote aux divers centres de compilation des résultats, la proclamation de ceux-ci et la gestion des recours sont autant d’étapes sur la longue route, presque souvent peu catholique, de nos élections.

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Troisième chaînon : l’argent de la fraude. Pour qu’un engin marche bien, il est de règle de lui fournir les ingrédients nécessaires à son bon fonctionnement. L’argent, ici, tient lieu tout à la fois de carburant, d’huile à moteur ou à freins, d’eau de refroidissement etc. Nous avons dit que la machine à frauder ce sont aussi bien les institutions, les structures que les systèmes. Lesquels sont animés par des hommes. Le revoici, l’homme. C’est lui qui met la main à la poche pour actionner le levier de l’argent. Plus on va, plus l’argent-roi dicte sa loi. Il y a trop de zones d’ombres autour de nos élections. Les circuits qu’emprunte l’argent sont nombreux. Tout aussi nombreuses   les télécommandes.

Quatrième chaînon : les complices de la fraude. Ce sont ceux qui ne prennent pas part directement aux élections. Mais sont fort intéressés, pour diverses raisons, par leurs résultats. Ce sont également ces observateurs périphériques. Ils s’arrogent le droit de décider du sort d’un scrutin, alors qu’ils n’ont vu que la partie émergée de l’iceberg. Ce sont encore ces organes de presse corrompus. Ils se dévouent à brouiller les cartes. Ce sont enfin ces marcheurs, ces griots de service. Ils n’attendent pas la fin des opérations électorales avant de proclamer leurs résultats, de désigner leurs élus. Ils sont le peuple tout entier.

Cinquième chaînon : les victimes de la fraude. C’est bien sûr, les populations. Flouées, elles se retrouvent comme le dindon de la farce. On aura fait que détourner et voler leurs suffrages. C’est le pays tout entier. Car la fraude est un facteur de retard. Elle condamne un pays à marcher à reculons sur les chemins de la démocratie. Avec la fraude, personne ne sort grandi de ce qui n’est rien d’autre qu’un vol qualifié, qu’un hold-up parfait. Les bénéficiaires de la fraude peuvent rire de leur triste exploit. Mais,

« rira bien qui rira le dernier »

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