Présidentielle : si la presse savait

C’est une tradition établie : la presse nord-américaine, à la veille d’un scrutin majeur, se donne la liberté d’afficher sa sympathie en faveur de tel ou tel candidat. Cela s’entend comme une exigence de sincérité, un devoir de vérité envers le public.

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La presse française comprendrait difficilement cette prise de position publique. Au nom de l’équilibre de l’information, tous les candidats en compétition bénéficient d’une chance plus ou moins égale d’accès à la plate forme médiatique. Le contraire   sortirait la presse de ses cadres professionnels et déontologiques. Il aurait valeur d’une consigne de vote.

Qu’en est-il chez nous, au Bénin ? La presse de service public continue de faire la part belle au pouvoir. Comme au bon vieux temps des médias d’Etat. Elle ne se prive pas, cependant, de faire semblant d’être en accord avec le principe de l’égal accès de tous à son offre de communication. Quant à la presse privée, elle est à l’image, en période électorale, d’un bateau ivre battant pavillon aux couleurs d’un candidat commanditaire, propriétaire et bailleur de fonds. La plupart de nos organes de presse, en période électorale, prennent position. Ils se vendent alors à celui ou à ceux des candidats les plus capables au jeu du plus offrant et dernier enchérisseur. Alors, entre une pratique, à tout le moins détestable et des normes qu’on gagnerait à rappeler, que faire ?

La conscience de la spécificité du contexte béninois doit nous habiter. D’abord, la culture politique est encore à un niveau médiocre. Les populations, de ce fait, manquent de références et de repères pour apprécier les candidats : parcours, idées, projets de société. Ensuite, tarde à prendre corps et forme la formation politique des populations. Une tâche constitutionnelle dévolue aux partis politiques qui devraient participer à l’expression du suffrage. Enfin, la pauvreté. Elle fragilise un nombre important d’électeurs, permettant à l’argent roi de dicter sa loi. De ces quelques éléments du contexte béninois, trois directions d’action semblent s’imposer à la presse béninoise en période électorale.

1- Donner la priorité à l’information. Il s’agit, pour la presse,   déployant large l’éventail du professionnalisme, d’aller à la pêche aux faits. Des faits à sélectionner, à recouper, à confronter, à vérifier, à présenter en des formes simples, claires, digestes. Voilà l’information. Le journaliste l’élabore à partir des faits et disparaît derrière ces mêmes faits.  L’objectif est d’amener le public à savoir et à comprendre. Pour que l’électeur béninois sorte de sa condition de simple objet d’information sur qui tombe chaque jour une pluie de faits. Pour que l’électeur béninois accède au statut d’un sujet d’information qui montre la capacité de choisir par lui-même et pour lui-même.

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2 – Participer à la formation d’une opinion publique informée, critique et responsable. L’électeur majeur est celui-là à qui personne, ni le candidat le plus brillant, ni le plus éloquent ni le plus fortuné, ne peut venir tranquillement vendre sa salade ou ne peut faire prendre innocemment des vessies pour des lanternes. Quand un électorat se hisse à un tel degré de conscience, c’est que la presse a bien travaillé. Elle a rempli au mieux son contrat avec le public. Le débat d’idées prend tous ses droits. L’échange intense et fructueux entre les différents acteurs devient la règle. Le choix des électeurs bénéficie d’un éclairage conséquent. La liberté de l’électeur est respectée. Il est le seul maître à bord, l’unique pilote aux commandes, dans le secret de l’isoloir, au moment de glisser son bulletin dans l’urne.

3- Tenir une position plutôt que de prendre position. De tout ce qui précède, dans un pays comme le Bénin, la presse gagnerait, en période électorale notamment, à tenir une position, la position médiane. Autrement dit, la position du centre. Celle qui la situe au cœur et parmi les acteurs en présence.  Les Latins, gens sages, disaient « In medio stat virtus », à savoir que la sagesse est au milieu. Cela tire à conséquence. La presse ne doit être l’obligée de personne. La presse gagnerait à s’imposer comme une plate-forme ouverte à tous. Aussi appelons-nous de tous nos vœux une presse professionnelle qui privilégie les règles d’un métier. Une presse indépendante, en marge de toutes les chapelles politiques, au-dessus de toutes les querelles politiciennes. Une presse qui ne prend que le parti du public : s’informer, jouir de son droit d’être informé. Une telle presse ne perd rien au change. Une telle presse a tout à gagner

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