Présidentielle : si la société civile pouvait

Présidentielle 2016 : les organisations de la société civile seront au rendez-vous. Elles observeront le scrutin. Elles en dénonceront les ratés et les insuffisances. Elles traqueront diverses tentatives de fraude. Il y a tout lieu de croire que la société civile, comme on le dit couramment, restera fidèle à sa réputation de « Chien de garde » de notre démocratie.

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Mais l’arbre ne doit pas cacher la forêt. La société civile béninoise, pour être saisie en elle-même, doit être vue et appréciée au-delà du mur des apparences. Une simple et plate comptabilité de ses actions, en vingt-cinq ans de renouveau démocratique, ne peut suffire à rendre compte de sa contribution à la marche en avant de notre pays. Autant s’en remettre, pour cela, aux divers changements et mutations qui n’ont pas peu modifié, en vingt-cinq ans, sa physionomie.   En d’autres mots, la société civile béninoise est à saisir non de manière statistique et statique, mais en plein mouvement d’évolution. Dans ses avancées comme dans ses reculs. A travers ses audaces et ses doutes. A partir de ses élans créateurs et de ses incroyables et surprenants retours en zone. Une telle approche dynamique révèle quatre étapes d’évolution de la société civile béninoise, ceci sur vingt-cinq ans.

1- Le temps glorieux des actions d’éclat. Cette toute première phase accompagne le second quinquennat de Mathieu Kérékou (2001-2006). Elle s’éclaire et s’illumine avec le mémorable et courageux engagement de la société civile sur le terrain de la légalité constitutionnelle. Il fallait, en effet, faire échec à tout tripatouillage de la Constitution. L’appétit du pouvoir était dans l’air et l’on s’affairait pour jouer les prolongations au pouvoir.  Un seul mot d’ordre a jailli des bouches et des cœurs. Il a, aussitôt, fleuri les principales artères de Cotonou : « Ne touche pas à ma Constitution ». Il témoignera pour toujours de l’admirable combat de la société civile pour défendre les acquis de la Conférence des forces vives de la nation.

2 – Le temps des transhumants et des transfuges. C’est la période d’une complicité douteuse entre une fraction de la société civile et la société politique. C’est également le temps de quelques ruptures individuelles lestées d’une forte dose d’opportunisme. Des personnalités de la société civile troquaient leur tablier d’observateurs d’une élection contre un fauteuil ministériel. D’autres se cachaient sous le masque porté de la société civile pour justifier leur collusion secrète et leurs rapports adultérins avec le pouvoir. D’autres encore s’engageaient à vivre une double vie : brouter, en catimini, l’herbe tendre des pâturages de la société politique et continuer de se faire, sur la place publique, les porte-voix de la société civile. Les bonbons et les petits pains sucrés des régimes politiques qui se succédaient avaient ramolli et entamé la force de conviction de plus d’un.

3- Le temps des mutants. Des personnalités de la société civile disent, urbi et orbi, vouloir faire une expérience nouvelle. Ils sont habités par l’idée d’aller chercher ailleurs, dans la société politique, plus précisément, de nouvelles raisons de croire et d’espérer. Une frange de la société civile exprimait ainsi sa volonté de changer son fusil d’épaule. Elle veut poursuivre, par d’autres voies, le combat pour la construction nationale. Elle veut s’illustrer sur les terres de la société politique. En un mot comme en dix, elle rêve de conquérir le pouvoir d’Etat.

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C’est la toute première grande mue de la société civile béninoise, pour une expérience inédite que nous suivons avec intérêt. Nous en évaluerons, le moment venu, les résultats.

4 – Le temps de la quête d’un nouvel âge d’or. La société civile béninoise peut légitimement prétendre être devenue adulte après vingt-cinq ans d’une présence active sur la scène nationale. Avec en sus, une solide expérience des êtres et des choses. Les phases diverses qu’elle a eu à connaître, alternant bonheur et malheur, progrès et reculs, l’ont aguerrie. Une nouvelle génération de militants potentiels de la société civile, constituée essentiellement de jeunes, fait irruption sur la scène publique. Nous avons affaire à une jeunesse plus exigeante, plus critique. Les ratés de la politique et des politiciens la poussent tout naturellement dans les bras de la société civile. Une jeunesse plus interactive, plus « branchée », parce que maîtrisant mieux les arcanes des réseaux sociaux. Une jeunesse qui a faim d’actions et d’innovations. Que faire de cette jeunesse ? La réponse des sages bambara du Mali est sans appel : « On travaille l’argile avant qu’elle ne soit sèche »

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