Bénin : l’introuvable classe politique

Looser. Cela signifie en anglais « perdant ». A voir la marche en zigzag de la classe politique béninoise, depuis l’avènement du Renouveau démocratique en 1990 à ce jour, on peut se donner   des raisons de penser que ses membres sont des loosers.

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De 1991 à 2011, le Bénin a organisé cinq scrutins présidentiels. N’a émergé, en pôle position, sur ces cinq scrutins, aucun membre de cette classe. En 1991, l’an I du Renouveau démocratique, ce fut avec un technocrate, en la personne de Nicéphore Dieudonné Soglo, que le pays aborda cette phase nouvelle de son évolution.

En 1996, une frange significative de la classe politique,   contre toute attente, rappela aux affaires un militaire. Il s’agit du général Mathieu Kérékou défait cinq ans plus tôt par Nicéphore Dieudonné Soglo.

En 2001, la classe politique se déchira entre le pôle Nicéphore Soglo/Adrien Houngbédji et le pôle Mathieu Kérékou/ Bruno Amoussou. L’aventure fut conclue par la victoire du militaire.

En 2006, la classe politique travailla d’arrache pied pour un technocrate en la personne de Boni Yayi derrière qui elle se mobilisa. Les ambitions de l’un des membres de cette classe, Adrien Houngbédji, étaient réduites en cendres.

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En 2011, une première sous le Renouveau démocratique : la classe politique réussit à se regrouper derrière l’un de ses ténors, Adrien Houngbédji. L’Union fait la nation était née. Mais ce fut aussi la première fois, de mémoire de Béninois, qu’une élection se gagnait au premier tour. Boni Yayi venait   de mettre KO une des têtes d’affiche de la classe politique.

En 2015, dans la perspective de 2016, la classe politique continue de danser un coupé-décalé incompréhensible. Alors que des candidats milliardaires se ruent sur le gâteau présidentiel, la classe politique se tait. Comment expliquer cette étrange posture de la classe politique béninoise ?

D’une part, la classe politique béninoise a mal à sa tête à travers ses dirigeants. Problème de leadership. D’autre part, la classe politique béninoise a mal à son corps à travers sa vision, son organisation, son mode de fonctionnement. Problème de gouvernance politique. Reconnaissons cependant que notre classe politique ne manque pas de grands leaders, de vrais chefs. Certains d’entre eux ont l’avantage d’être des stratèges hors pair. Et pourtant, comme dirait l’autre, çà ne marche pas. Pourquoi ?

Si le poisson pourrit par la tête, le tout premier handicap de notre classe politique est à chercher et à trouver au niveau de ses dirigeants. Les qualités intrinsèques, voire l’expérience de la plupart de ceux-ci ne sont pas en cause. Mais les uns et les autres sont pris en charge par des facteurs lourds qui déterminent le destin de toute action politique.

Pour dire que nos leaders politiques n’ont pas toujours adopté l’AMP, à comprendre comme « L’attitude mentale positive ». Quand la politique, étymologiquement « la construction de la cité », est réduite aux tristes dimensions d’une partie de dribbles ou d’une série ciblée de mensonges ou de coups bas, on n’en sort rien de bon. Les leaders qui s’enferment dans cette vision courte de la politique sont contreproductifs. Parce qu’ils se sont cadenassés à trois contre-valeurs aussi stériles que les terres du Sahara. Par le secret, ils fonctionnent comme des chefs de couvent. Par le calcul, ils passent pour des maîtres en manigance. Par l’opportunisme, ils subordonnent les principes à leur intérêt momentané, la fin justifiant les moyens.

Quant à la gouvernance politique en général, cantonnons-nous à l’affirmation d’un principe intangible : les mêmes causes produisent les mêmes effets. Pour dire que si la tête est bancale, qu’on ne demande pas au reste du corps d’avoir un profil autre. De ce fait, la tare première de notre classe politique, c’est la division ou l’union de façade pour encore mieux creuser sa division. Conséquence : au plan idéologique, nous sommes dans un vaste désert d’idées et d’idéaux. Au plan fonctionnel et organisationnel, nos partis sont des coquilles vides, de simples groupements d’intérêts. Au plan financier, la classe politique a lâché les commandes à des commanditaires armés de leurs « télécommandes ».

Ayons le courage de regarder la réalité en face : la classe politique béninoise est encore un concept à rendre opératoire et opérationnel, un chantier à ouvrir, un champ en friche à mettre en valeur. Quelle honte y-a-t-il à le reconnaître ? Si nombreux que soient les travaux finis, selon les sages bambara, ceux qui restent à faire sont plus nombreux »

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