Bénin : « silence, on gère ! »

La gestion est une science. La chose publique est-elle scientifiquement gérée au Bénin ? La question mérite d’être posée eu égard à l’état de la gouvernance en général dans notre pays, à la manière dont nous gérons, au quotidien, les êtres et les choses. L’expérience pratique révèle, chez nous, un mode singulier de gestion.

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A n’enseigner sous aucun prétexte dans nos écoles. A combattre plutôt avec la dernière énergie, comme le clamaient jadis nos tracts. La gestion à la béninoise est comparable à une musique à trois temps : l’émotion sans   réflexion, le bavardage sans décisions, l’oubli sans leçons ni résolutions. Du drame récent à Dantokpa, faisons un cas pratique pour illustrer notre propos.

L’émotion sans réflexion. Dès qu’est survenu l’incendie qui a ravagé un secteur du marché international de Dantokpa, le plus grand marché de notre pays, l’émotion a été le mode premier d’accueil du sinistre. Quoi de plus normal. Un incendie, en un tel lieu, est forcément spectaculaire. Il frappe les esprits. Si des pertes en vies humaines ne sont pas à déplorer, des dégâts matériels sont énormes. Nombre de nos compatriotes ont tout perdu. Le malheur nous a effectivement visité et nous ne comprenons que bien l’émotion des uns et des autres. Il reste que s’il y a un temps pour pleurer, il faut s’engager à se donner un autre temps pour se ressaisir, pour faire face à l’adversité. Les larmes ne suffiront point à éteindre un incendie. Malheureusement, la gestion à la béninoise s’arrête à l’émotion, s’enkyste dans l’émotion. Et Dieu sait que, à trop durer, l’émotion embrume l’esprit, émousse les capacités imaginatives, diffère la prise en charge de soi par soi. Voilà comment la gestion à la béninoise s’ampute, dans un premier temps fort, d’une dimension essentielle : la réflexion.

Le bavardage sans décision. Nous sommes des hommes et des femmes de la parole. C’est sûr. Nous sommes culturellement moulés dans la tradition orale. C’est certain. Une tradition qui fait aussi bien notre bonheur que notre malheur. Le bavardage en tout et pour rien, cela nous connaît. Nous sommes des champions toutes catégories en verbiage, caquetage, babillage et autre papotage. Les bavards, ces oiseaux de mauvais augure, et c’est connu, opèrent sous différents plumages. Aussi, le drame de Dantokpa décline-t-il plusieurs   catégories de bavards.

Il y a ceux qui se payent de mots. Ils ont ouvert leur compteur parole dès les premières heures du drame. Ils n’auront de cesse de l’accompagner tous les jours d’un torrent de mots. Des mots pour dire n’importe quoi. Des mots pour ne rien dire. Des mots pour dire tout et rien. Comme si les mots étaient synonymes d’actes, pouvaient tenir lieu d’une manifestation de volonté qui produit des effets.

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Il y a ceux qui se gargarisent de fausses promesses. Ils en ont plein les poches. Et çà ne leur coûte rien d’y puiser à pleines mains pour une distribution tous azimuts. Tout le monde est servi. Personne n’est oublié. Ici, on promet monts et merveille. Là, on promet la lune. Mais partout on doute de la bonne foi de ces marchands d’illusions. Ils semblent jouer avec les sentiments des sinistrés.

Il y a enfin ceux qui s’éprennent de Dame rumeur FM. Ce sont de fieffés diffuseurs de fausses nouvelles. Le sensationnel domine les programmes de leur radio de malheur. Ce sont des spécialistes de scoops tranchants et tranchés. Ils tirent plaisir à « chauffer le coin », comme on dit. Et ils en disent trop. Et ils ont tout faux. Voilà comment la gestion à la béninoise s’ampute, dans un second temps fort, d’une dimension essentielle : la décision.

L’oubli sans leçons ni résolutions. Tout se passe comme si nous ne savons pas tirer des enseignements de nos malheurs. Nous remuons ciel et terre. Nous nous agitons dans tous les sens. Mais, soudain, tout fait flop. Comme si les héros étaient fatigués, nous désertons le front et nous rendons les armes. Il ne nous reste plus qu’à fermer boutique et qu’à étendre sur tout le voile vitreux de l’oubli. Tout s’arrête comme si de rien n’avait été. La page est tournée. Le compte est bon. Tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes. Voilà comment la gestion à la béninoise s’ampute, dans un troisième temps fort, d’une dimension essentielle : leçons et résolutions.

Que Dieu protège le Bénin

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