Mine de rien, notre confrère Le Matinal entame sa deuxième semaine de suspension, dans l’indifférence quasi générale et, si aucune initiative significative n’est prise, il ya fort à parier qu’au regard du contexte politique actuel, on peut tout simplement craindre le pire, d’autant que les conseillers qui, selon nos sources, n’en ont même pas été informés au préalable, ont d’autres chats à fouetter .
Car, en dehors de la protestation de quelques confrères qu’on peut citer sur les doigts d’une seule main et de la réaction mitigée des responsables des associations professionnelles, tout se passe comme si la disparition des kiosques et des revues de presse radio télévisées de ce qui apparaît , sans hypocrisie aucune, comme le plus grand quotidien d’information de notre pays(presse de service public et presse privée confondues) était un non-évènement .De toute évidence, tout a été fait pour présenter Le Matinal comme un récidiviste, coutumier de la publication d’articles injurieux et diffamatoires ,comme le” Béninois libéré” hier. Et, comme dans notre pays on mélange tout, tous ceux qui en veulent à Charles Toko, applaudissent des deux mains et des deux pieds avec en prime cette fameuse exclamation révélatrice de toutes nos béninoiseries:”c’est bien fait pour lui!”,en occultant la question fondamentale de la légalité de la décision, c’est-à-dire de sa conformité aux textes qui régissent notre profession.
Une décision nulle et non avenue
Or, la lecture croisée du corpus de textes relatifs aux médias(le nouveau code de la presse, la loi organique et le règlement intérieur de la Haac) révèle au grand jour, les insuffisances de forme et de fond de la décision, insuffisances qui cachent mal son caractère arbitraire. Tenez! Il n’a échappé à personne que la décision de suspension prise à l’encontre de notre confrère porte la seule signature du seul président de la Haac. La question qui vient à l’esprit est celle-ci :le président de la Haac est –il fondé à prendre seul une décision’- fût -elle à titre conservatoire- contre un organe de presse écrite ? A la lecture de cette décision en effet, on constate qu’après les accusations de violation du code de déontologie, le lecteur doit attendre le dernier des cinq (05)“considérant” pour comprendre pourquoi le président Adam Boni Tessi a pris un tel acte qui a valeur de sanction. Ce dernier « considérant » évoque opportunément la notion d’urgence nécessitée par les expressions outrageantes contenues dans les articles querellés et s’appuie sur l’article 55 de la loi organique de la Haac.:Article qui se décline comme suit;: “en cas d’urgence et de manquement aux obligations résultant des dispositions de la présente loi, le Président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication peut ordonner à la personne qui en est responsable de se conformer à ces dispositions, de mettre fin à l’irrégularité ou d’en supprimer les effets. Sa décision est immédiatement exécutoire. Il peut prendre même d’office toute mesure conservatoire .En insérant cette disposition plutôt vague dans la loi organique qui donne des pouvoirs étendus au président de la Haac,le législateur n’a certainement pas pensé à la presse écrite .Son application à la presse audiovisuelle est parfaitement concevable ;.( cas de;violation du cahier de charges ou d’émision illégale sur une autre fréquence) ; Par le passé, l’ancien Président Nata n’a utilisé qu’une seule fois cette notion équivoque et foncièrement inique de « mesure conservatoire » pour mettre fin à une émission d’un prédicateur qui a versé dans le dénigrement du chef de l’Etat .Et même dans ce cas, le président Nata, avant de signer la décision, à en croire les témoignages des anciens conseillers a tenu à en informer chacun d’eux au téléphone. Il y avait urgence parce qu’il s’agissait de la radio dont les propriétaires ont signé un cahier de charges.
Dans le cas de la presse écrite, quelle signification donner au membre de phrase « le Président de la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication peut ordonner à la personne qui en est responsable de se conformer à ces dispositions, de mettre fin à l’irrégularité ou d’en supprimer les effet »Comment peut-on supprimer les effets d’un article de presse écrite dont le contenu est diffamatoire ou/et injurieux ? Et quelle mesure conservatoire peut-on prendre en dehors de la plénière de la Haac ?L’article 47 de la loi organique donne déjà le droit à cette plénière de prendre des sanctions. PourquoiAdam Boni Tessi s’est arrogé le droit de se substituer à la plénière pour prendre un acte qui relève de la seule plénière?
Nous disons ici haut et fort qu’aucune mesure conservatoire prise par le président de la Haac tout seul n’est nécessaire en matière de presse écrite ;Aplus forte raison quand la décision de suspension intervient plusieurs jours après la publication de l’article comme dans le cas de notre confrère ‘’Le Matinal ‘’. Mais on est où là ?Nous sommes dans un Etat de droit et les citoyens incriminés par un article de presse ont toujours le droit d’ester en justice en cas de diffamation ou d’injure.QUE PESE LA SANCTION ADMINISTRATIVE , d’un organe politico-administratif comme la Haac devant la sanction pénale d’un tribunal qui sait respecter le principe démocratique du contradictoire ?
Nécessité de lever la mesure de suspension illico presto
. Le président Adam Tessi n’a d’autre choix que de rapporter purement et simplement sa décision, quitte à convoquer l’ensemble des conseillers en séance plénière conformément à l’article 40 de la loi organique qui stipule que “la haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication statue comme conseil de discipline en matière de presse et de communication…”Et c’est l’ensemble des conseillers qui, dans le respect du principe sacro-saint du contradictoire, peuvent prendre la décision de suspendre ou non le journal, conformément à l’article 47 de la même loi organique renforcée par les dispositions pertinentes des articles 88 à 92 du règlement intérieur.Si cette plénière devrait se tenir dans ces conditions , elle n’a d’autre choix que de lever la mesure de suspension illégale (le confrère ayant déjà été indûment sanctionné) .Au tribunal de jouer plus tard sa partition en toute sérénité. .
Les professionnels des médias se doivent de comprendre la nécessité de s’organiser à l’instar de la corporation des magistrats de ce pays pour défendre bec et ongles les principes sacrosaints de notre noble profession. Quitte à se saisir de l’opportunité de cette énième sortie calamiteuse du président non élu de la Haac pour opérer ce que le regretté Guy Landry Hazoumé a appelé « le suicide au niveau jouisseur » de nos petites mesquineries et de nos intérêts égoïstes et provoquer le changement radical qui consiste à faire systématiquement la police en notre propre sein pour en extirper les ripoux et autres mercenaires de la plume , de la caméra et du micro, sans complaisance ni hypocrisie. De sorte à empêcher la faune politicienne « non vertueuse » de venir nous imposer la loi inique de leur jungle politico-financière..
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