Lionel Zinsou est ma préférence

Je ne le connais pas, nous ne nous sommes jamais rencontrés ; je me souviens d’avoir lu Le Fer de Lance, son essai préfacé par Laurent Fabius ; à l’occasion d’une visite de l’ex-Premier ministre du Président François Mitterrand dans le Gard où je réside, je me suis amusé à l’interroger, voici notre dialogue:

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– « Comment va Lionel Zinsou ?

– « Vous le connaissez ?

– « Non, je connais son père, nous sommes de la même génération.

– « Lionel fait son chemin. »

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Une information sur Yoplait au Bénin devait me faire mieux connaître son cursus via Internet ; ma lettre au sujet de ce produit n’a pas eu de réponse ; pour en avoir vu bien d’autres dans ma longue vie, j’ai souri ; des années plus tard, sa nomination aux fonctions de Premier ministre eut droit à ma réaction sans ambages : Lionel Zinsou, Premier ministre d’un failli, en précisant que le Franco-Béninois, propriétaire de la Fondation Zinsou n’a point besoin de mécène, ni d’être chaperonné s’il veut être candidat à l’élection présidentielle de 2016 ; même son propre père le désapprouva ; j’ai beaucoup aimé le mâle courage de l’ex-Associé-gérant de Rothschild & Cie qui déclara : « j’ai fait mon devoir ».

Ma compréhension de cette riposte d’homme libre était : « ayant vu de près celui dont j’ai été le conseiller économique, je veux faire mon devoir dans le pays de mon père. » On a vu en lui un Blanc ! La ruade de Rosine Vieyra Soglo traitant Lionel Zinsou de Blanc m’a beaucoup peiné ; le terme yovo ne tirerait pas à conséquence ; c’est néanmoins outrageant de traiter ainsi un métis petit-fils de feu Zinsou Emile Bodé ; l’intéressé est aussi le fils du Professeur René Zinsou et neveu du Docteur Emile Derlin Zinsou, ancien président de la République du Bénin. Connaissant Rosine depuis son adolescence, je peux affirmer qu’elle n’a absolument rien d’une raciste, mais ses emportements, c’est parfois Xanthippe.

Abikou pachyderme, j’entre dans l’arène : en me référant au vieux Siméon disant : « Nunc dimitis » lors de la Présentation de l’Enfant Jésus au Temple, on a sollicité avec acharnement mon soutien pour un candidat qui figure parmi les 48 retenus par la CENA ; ma réponse comme pour d’autres était celle d’un homme d’une parole : « […] je ne soutiendrai aucun candidat, n’appellerai à voter pour aucun dont le programme ne comportera pas de données culturelles convaincantes ; c’est de carences culturelles aussi que souffre notre pays ; je ne vais pas y collaborer ». Siméon attendait le Messie ; il n’y en aura jamais au Bénin ; qu’à cela ne tienne, je souhaite ne pas me tromper en disant : « Allons, brisons leurs entraves, faisons sauter leur joug ! »

De nature à ne jamais demeurer indifférent aux préoccupations majeures de la terre natale, ni à m’aligner sur les rangs de qui que ce soit, je déclare d’emblée : le candidat Lionel Zinsou est mon choix, le seul que je soutiens et soutiendrai avec l’énergie caractéristique de mes combats politiques; ainsi, de plain pied sur le ring de la Présidentielle 2016 sur lequel tombent beaucoup de baves, je n’ai cure des glapissements, aboiements, hurlements, barrissements et des anathèmes : un des devoirs de cet homme me semblait la célèbre Fondation Zinsou ; à Ouidah, ville historique, creuset de la culture et du culte vodún, une belle création d’art nègre dénommée Hommes debout (tout un symbole) campée sur la Route des Esclaves en était un don ; la Fondation déploie son envergure dans cette ville où, restaurée, la Villa Ajavon est baptisée Musée d’art contemporain de l’Afrique ; fait unique au monde, c’est dans cette cité antique aussi mystérieuse que « poreuse à tous les souffles du monde » que Dangbé xwè est érigé face à la Basilique Immaculée Conception ; le régime des crimes politiques impunis y assassina Hommes debout et un communiqué de presse informa sobrement : « Hommes debout ». L’œuvre a été détruite par un bulldozer, le mardi 15 janvier 2013, à 11h30, sur instruction du ministre de la Culture de la République du Bénin. Cette œuvre monumentale a été conçue par l’artiste d’origine sud africaine, Bruce Clarke, et érigée sur la route des esclaves à Ouidah, à proximité de la Porte du Non Retour, mi décembre. Elle a été financée et produite par la Fondation Zinsou.»

C’est le lieu de le souligner : à l’instar de la Fête du Vodún, initiative extraordinairement audacieuse de la Présidence de Nicéphore Dieudonné Soglo, homme politique, homme d’Etat et de culture, la Fondation Zinsou draine des milliers de touristes au Bénin ; alliance de l’antique et du moderne, le Béninois ne rejette jamais ses racines : son pays est souché dans la tradition et la modernité ; j’avais maintes fois constaté cet ancrage avant de le décrire : après s’être soumis perinde ac cadaver au rituel de leur culte, des monothéistes assistaient à des manifestations vodún, egungún, etc. ; voilà un indice des fondements anthropologiques, culturels et sociaux de ce pays [… ]; Lionel Zinsou apprendra à s’en imprégner s’il veut maîtriser les problèmes du peuple béninois et faire vraiment ce qu’il a appelé « mon devoir ». Quel intellectuel digne de son terroir ne serait pas fier d’une telle couture ? Coudre, c’est assembler ; celui qu’on a traité d’« étranger politique » sait assembler le culturel et l’économique qui participent du développement social de tout pays ; les gérer sans corruption ni détournement de fonds n’est pas le fort du régime des artistes de la politique du ventre, de panier de crabes et de la fosse des vipères.

À Londres et à Berlin, en Grèce et en Israël, entendre parler de la Fête du Vodoun ou de Fondation Zinsou me rend fier malgré la « régression préjudiciable » stigmatisée par feu R P Codjo Benoît Alphonse Quenum. Dans les caracolades et galops vers la Marina, lequel des tocards ont déjà doté le Bénin d’une structure artistique, culturelle qui y attire des touristes? Philosophe personnaliste, Emmanuel Mounier n’avait pas qualifié ce pays de Quartier latin d’Afrique, mais de Quartier latin de l’A O F; dans Lettre à un ami africain, il cloua au pilori les Africains «ennemis de leur propre pays » traités de «renégats »; il n’en manque point au Bénin: prébendés, soudoyés, mécènes, ils ont collaboré à la déchéance absolue de leur pays. Ouvriers du mal, dévoyés, pervertis, il faut faire sauter leur joug ; le Bénin a besoin d’un homme d’audace qui ne soit ni l’otage du fossoyeur, ni celui de ses semblables.

Faire grief au «Blanc» en écrivant: « le nouveau Premier ministre n’a jamais eu de mandat électif en France où il est né et réside » est déloyal, lâche, indigne. Le locataire de la Marina en avait-il exercé avant son élection de 2006 ? Lionel Zinsou aura-t-il acheté les consciences, prébendé des Marches de soutien afin de faire ce qu’il a nommé « mon devoir »? Son intelligence, ses formations, ses compétences d’économiste de haut rang reconnu internationalement, ses incontestables activités dans des cabinets ministériels et à la direction de Fonds d’investissement PAI Partners font de lui quelqu’un d’autre que le Docteur […]. « Homme nouveau? » Certes, pour le Béninois lambda mais pas pour celui dont il a été le conseiller économique.

Si les intérêts du Bénin sont primordiaux dans le tréfonds de Lionel Zinsou, l’économiste ne doit avoir cure des faits du prince du Failli national à qui une coalition ou simple collusion a fait mordre la poussière ; on a pu lire dans Le Monde diplomatique (janvier 2016) à propos de kpayo : « En réalité, le trafic ne profite pas qu’aux détaillants. Parmi les grossistes, on trouve aussi des personnalités du monde des affaires ou de la politique. Ces opérateurs, parfois connus et ayant pignon sur rue, ont des moyens d’acheter le kpayo en grandes quantités et de le stocker. Ils l’écoulent ensuite auprès des vendeurs de rue, en prélevant leur marge au passage »; le mensuel rapporte: « L’enrichissement par tous les moyens est largement perçu comme légitime », révèle un homme d’affaires sous couvert d’anonymat. Et pour cause : lors des émeutes de Sèmè-Kpodji, « le gouvernement du président Boni Yayi a dû renoncer à toute lutte contre le commerce illégal d’essence », quand les vendeurs affrontaient la police et l’armée. Qui ne reconnaîtrait pas qu’il a battu en retraite en cédant aux pressions des «opérateurs, parfois connus et ayant pignon sur rue »?

Le Premier ministre aurait promis de régler les problèmes de l’eau potable et de l’électricité s’il est élu ; c’est mon souhait, le désir même des peuples de notre pays ; aussi devrait-il en faire son fer de lance ; le chômage endémique, la corruption tous azimuts […], la santé, la sécurité, l’éducation nationale, fortement préoccupants sont aussi l’enseignement scolaire des jeunes ainsi que les cas qui ont fait du Bénin un pays à plat ventre. C’est parce que je veux que son élection ne soit pas le « troisième mandat de Yayi Boni » que je le soutiens et me battrai pour lui.

On a déterré un vieux cas en évoquant la défaite de l’ex-président Emile Derlin Zinsou, qui, à l’époque de ce qu’on appelait le Biafra, s’était aligné sur la politique française du Général de Gaulle ; depuis quand, au Dahomey devenu le Bénin, un enfant est-il comptable des méfaits de ses parents, de son oncle ou de sa tante ? On ne cesse guère de postillonner; hormis les jacassements démagogiques qu’il dégorge depuis des lustres, un Monsieur qui doit tout à son pays natal sans y avoir rien apporté a fait grief au fils du Professeur René Zinsou de sa méconnaissance de certaines langues du pays. D’accord, mais depuis 1960, laquelle de ces langues les gouvernements du Dahomey ou du Bénin ont-ils osé choisir pour l’Enseignement primaire ou secondaire ? […] Qu’on me le dise : à l’Assemblée nationale, qui comprendrait quoi que ce soit si un député du Septentrion déversait une logorrhée en dendi, ou si un des ses homologues de l’Atlantique lui emboîtait le pas en fongbé ou avec les pesanteurs royales d’Abomey? Nugor! Aurait raillé Plaute.

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