Présidentielle 2016 : Les deux ennemis de Lionel Zinsou

Depuis 1960, le Bénin expérimente sans grand succès, les « oiseaux rares ». Tous des hauts cadres venus de l’extérieur et sans aucun ancrage politique, ils ont souvent pion sur rue ici.

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De Maga à Yayi en passant par  Nicéphore Soglo, ils ont réussi à briguer la magistrature suprême sans grande difficulté. Sera-t-il le sort de l’ex-étudiant du la rue d’Ulm ? Lionel Zinsou, a, quant à lui, deux gros plomb dans l’aile. Il s’agit de son promoteur, Boni Yayi et de lui-même Lionel Zinsou.

Quel Dahoméen d’hier, Béninois d’aujourd’hui ne rêve-t-il pas de voir son pays bien dirigé par un de ses meilleurs fils ayant connu la réussite à l’extérieur et qui, par sa compétence, son carnet d’adresses, son charisme pourrait faire rejaillir sur le Bénin la manne financière internationale capable de relancer son développement ? Il (le Béninois) est si exigeant dans le choix de son Chef d’Etat qu’il trouve rarement un parmi ceux qui ont traîné leur bosse par ici capable de remplir cette noble responsabilité. Très souvent et presque à chaque scrutin présidentiel, il fait recours à un oiseau rare. Dans l’histoire politique du Bénin, ce concept est têtu. De Hubert Maga à Boni Yayi en passant Basile Adjou Moumouni, Emile Derlin Zinsou, Mathieu Kérékou et Nicéphore Soglo, tous ont répondu  à cette volonté du Dahoméen et du Béninois de confier son pays à un homme neuf, immaculé, resté éloigné des turpitudes politiciennes qui étouffent le pays. Hubert Maga travaillait à Paris lorsqu’il fut appelé au bercail, pour occuper la plus haute responsabilité de l’Etat et pour mettre fin à la guéguerre Apithy-Ahomadégbé, les deux hommes politiques en vue à l’époque. Basile Adjou Moumouni exerçait tranquillement son métier de médecin à l’Organisation mondiale de la santé(Oms) à Brazzaville quand on lui fit appel pour être candidat  à la magistrature suprême. Mais son expérience n’a pas été aussi heureuse que cela puisque l’élection qu’il a gagnée en  mai 1968 sera annulée et le pouvoir remis à l’autre médecin, Emile Derlin Zinsou connu pour sa témérité et sa rigueur. Mathieu Kérékou était en réserve lorsque les hommes du sous-groupement d’appui de Ouidah sous la direction du Capitaine Assogba Janvier balaya le triumvirat et lui remit le pouvoir le 26 octobre 1972. Eux-aussi étaient à la recherche d’un oiseau rare trouvé en la personne du Commandant intègre Mathieu Kérékou. Les banquiers Nicéphore Soglo et Boni Yayi ont bénéficié de cette grâce accordée ici aux venus d’ailleurs qui ne sont pas mêlés dans les dossiers de prévarication et qui n’ont pas pris part à la politicaillerie ambiante. En 1991 et 2006, Nicéphore Soglo et Boni Yayi ont respectivement pris le pouvoir parce qu’ils passaient pour des messies venus de l’extérieur afin de sauver le Bénin. Lionel Zinsou est aussi sur la même lancée sauf qu’avec lui, la mission apparaît de plus en plus compliquée et pour cause.

Premier ennemi : Boni Yayi

Pour beaucoup d’analystes, Boni Yayi est le talon d’Achille de Lionel Zinsou. A plusieurs reprises, on a ouï dire que le premier ministre ferait plus bon candidat s’il n’était pas coopté par le Chef de l’Etat. En mal de popularité et décrié pour une gouvernance brouillonne, génératrice de scandales et qui viole sans vergogne les textes de la République, Boni Yayi n’était pas trop indiqué pour porter sa candidature. En le présentant comme « l’homme de Yayi », Lionel Zinsou devrait être vu comme celui qu’il a désigné pour perpétuer sa politique et qui devrait assumer les actifs et les passifs de ces deux quinquennats. Ce soutien et cet arrimage de l’image du premier ministre à celui de Yayi risque de lui faire perdre des points surtout dans le sud du pays où ce dernier est très critiqué. C’est normalement dans le nord, fief des Fcbe et de Boni Yayi que Lionel Zinsou devrait avoir le maximum d’électeurs. Mais là, Yayi devrait lui-même faire un travail psychologique énorme pour gommer des mémoires, tout le discours régionaliste qui s’est sédimenté au fil des ans. Boni Yayi c’est l’homme du discours du 1er août 2012 qui incite à la partition du pays. C’est aussi l’initiateur du conclave de Bassila en 2010 au cours duquel tous les cadres du septentrion ont ouvertement exprimé leurs volontés d’œuvrer par tous les moyens pour que le pouvoir ne tombe jamais dans les mains des « hommes du sud » qui sont plus nombreux et lettrés qu’eux. Comment donc pourra-t-il les convaincre, lui Yayi,  de voter pour un métis du sud alors qu’il les a toujours amenés à ne voter que pour « leur sang » ? On peut craindre que le poulain de Yayi soit victime du discours régionaliste de son mentor. La preuve, bien qu’il se démène au nord pour lancer à droite et à gauche des bitumages de route, la fronde anti-Zinsou persiste. La commune de Sinendé  vient encore de se désolidariser de l’option Zinsou. Tout ceci n’arrange rien pour Lionel Zinsou dans ce fief du septentrion qui accueille pour la première fois depuis le début de notre démocratique  pas moins de six candidats.

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Deuxième ennemi : Lionel Zinsou

L’autre grand handicap de Lionel Zinsou c’est lui-même. En dépit de son Cv et de son carnet d’adresses impressionnants qui font de lui un des meilleurs « oiseaux rares » que le Bénin ait jamais connus, Lionel Zinsou fait toujours objet de méfiance de la part de certaines populations béninoises. Non pas forcément en raison de la ‘’blancheur’’ de sa peau qui lui vaut d’ailleurs le surnom de « Yovo » mais parce que de loin, il dégage l’image du blanc, se comporte différemment des Béninois dont il fait la promotion de la culture sans s’en approprier. Après  sa naissance en France et y avoir grandi, étudié ,travaillé et servi longuement le gouvernement français jusqu’à l’âge de soixante ans, Lionel Zinsou n’apparaît toujours pas comme un Béninois aux yeux de beaucoup de personnes. A son opposée, il y a des milliers d’autres Béninois qui, bien qu’ayant la nationalité française sont bien ancrés dans la culture béninoise, parle couramment une ou plusieurs langues d’ici. Cette option est renforcée par le discours tenu par Lionel Zinsou lui-même dans le passé. Les  boutades « je suis un tout petit peu Béninois », « L’Afrique n’appartient pas aux africains »  ou «  …je suis le candidat de la continuité’  »’résonnent encore dans maintes oreilles comme les cantiques du néo-colonialiste envoyé en mission pour recoloniser l’Afrique à partir du Bénin. Et quand en plus, on devrait apprendre qu’il est cité dans tous les rapports Vedrine  dont la finalité est de perpétuer la Françafrique, on a du mal à croire à la sincérité de sa candidature. Le soutien des grands partis pour le porter au pouvoir conforte la thèse d’un complot de la France. Dans tous les cas, Lionel Zinsou aura du mal à se défaire de cette étiquette du « grand colon blanc » qu’on lui colle et son rejet, contrairement à ce qu’il dit lui-même dans Jeune Afrique pourrait durer plus de six mois et pourrait compromettre son quinquennat au cas où il réussirait à se faire élire président de la République.

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