Le Bénin sous la loi des trois « D »

Plus de doute : les choses sont désormais claires. Nous pouvons nous targuer d’avoir été, hier, le berceau des conférences nationales souveraines en Afrique. Mais la réalité et la vérité d’aujourd’hui nous rapprochent d’un tombeau, le tombeau de la démocratie.

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Les apparences sont trompeuses et l’on peut prendre des vessies pour des lanternes. Le calendrier électoral est respecté. Le corps électoral est convoqué. Les diverses structures chargées de la gestion des élections sont à pied d’œuvre. Les candidats, à la pelle, répondent à l’appel. L’effervescence de la campagne électorale embrase les villes et les campagnes. L’argent circule à flot. Le Béninois électeur a fermement pris rendez-vous pour le 28 février. Il exprimera son suffrage.

Avec ce décor ainsi déployé, tout semble être pour le mieux dans le meilleur des mondes. On peut en conclure que tout va bien. On peut en déduire que la fête électorale aura lieu. Que chacun s’en retourne donc chez soi. Que chacun dorme du sommeil du juste. La vie est belle, n’est-ce pas ?

Eh bien, si c’est ainsi que nous voyons les choses, si de cette manière que nous projetons notre avenir individuel et collectif, il y a tout lieu de craindre un réveil brutal. Gardons-nous de dormir sur le matelas faussement confortable des trois « D », cette maudite trinité d’évidences.

Premier constat d’évidence : l’effondrement de notre système multi-partisan. Ne parlons plus de la foultitude de coquilles vides de partis qui ont essaimé comme des jacinthes d’eau. Arrêtons-nous à nos soi-disant grandes formations politiques, à compter sur les doigts d’une main. A l’heure du choix des candidats pour la grande épreuve de la présidentielle, elles ont toutes battu en retraite. A quoi a-t-il servi de nous gargariser de démocratie, vingt-cinq ans durant, pour qu’à la fin nous nous éclipsions ainsi ? Et dire que la Constitution dispose que les partis politiques concourent à l’expression du suffrage. La triste réalité, c’est qu’aucune formation politique encore significative sur l’échiquier politique national n’a pu dégager de ses rangs un candidat. Elles se sont mises au garde-à-vous derrière des candidats qui tombent en politique comme un chien dans un jeu de quilles. En rapport avec notre système partisan, ce naufrage collectif s’appelle « déconfiture ». Le mot est défini par le dictionnaire comme « Echec, défaite morale ».

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Deuxième constat d’évidence : l’exploitation éhontée de nos instances de légitimation. Tous les candidats, pour les besoins de leurs meetings, s’autorisent d’aligner nos rois, nos têtes couronnées comme des pots de fleurs. Ils leur font tenir des propos ou des rôles qui les sortent de leur périmètre d’autorité et de responsabilité. On le sait, la caution morale d’un roi est fort recherchée. Mais cela ne donne à quiconque le droit de manipuler, à des fins électoralistes, un certain nombre de nos symboles forts. Ce n’est pas parce que l’argent est devenu roi dans notre société, jetant à terre des frontières naguère inviolables, que nos rois sont morts, qu’on doit fouler au pied toutes nos valeurs. En rapport avec nos cultures, cette banalisation tous azimuts, ce crime de lèse majesté s’appelle « désacralisation ». Le mot est défini par le dictionnaire : « Action de dépouiller quelqu’un ou quelque chose du caractère respectable qu’on lui reconnaissait jusqu’alors »

Troisième constat d’évidence : le silence assourdissant de nos intellectuels. Les avez-vous vus, par les temps critiques qui courent, s’emparer de leur plume ou courir les plateaux des radios et des télévisions pour éclairer l’opinion, pour allumer des balises, pour entrouvrir les portes de l’avenir ? Inquiétant silence radio qui n’augure rien de bon. Quand, dans une société, les « sachant » se taisent, préférant laisser le dernier mot à l’argent, c’est que le ver est dans le fruit, c’est que la pourriture, la gangrène n’est pas loin. Si les porteurs de lumière se cassent, c’est toute une société qui marche vers la casse. En rapport avec ce débat national et d’intérêt général, cette fuite de responsabilité s’appelle « démission ». Le mot est défini par le dictionnaire :  » Acte par lequel on renonce à quelque chose, attitude de fuite devant les difficultés ».

Au total et comme on le voit, la déconfiture de la classe politique, la désacralisation de nos instances et symboles les plus représentatifs, la démission des intellectuels, constitue la trinité maudite ou les trois « D » qui pèse sur le présent et l’avenir de notre pays. Le diagnostic est fait. Sauvons-nous de cette nouvelle fièvre d’Ebola

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