Présidentielle 2016 : Eric Houndété, la grande déception

Alors qu’il s’est présenté comme l’une des figures montantes de l’opposition politique au Bénin, Eric Houndeté a effectué une volte-face en faisant allégeance à Lionel Zinsou, le candidat d’un système qu’il a toujours combattu.  Après le Prd et dans une moindre mesure la Rb, le porteur du « Croyons en nous » devient l’un des transferts les plus illogiques du mercato politique de 2016.

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L’on peut comprendre que la Renaissance du Bénin ait fait le choix de Lionel Zinsou. Depuis 2011, l’inconstant parti de Rosine Soglo n’est jamais véritablement resté dans l’opposition. Bien que un des partis géniteurs de l’Union fait la Nation, la Renaissance du Bénin a été la première à claquer la porte au lendemain du mémorable K.O de 2011 pour aller convoler en noce avec l’adversaire de l’Union, Boni Yayi. Quatre ans après, lorsque le vent de l’opinion a commencé à souffler en défaveur du régime Yayi, c’est avec empressement que le parti devenu visiblement jouisseur a rompu le mariage ; refusant avec un argumentaire très alambiqué d’assumer le mandat de Boni Yayi 2. Entre opportunisme et réal politique, les leaders Houézèhouè, ces piliticards ne se font pas prier pour cumuler les deux, pourvu que leur-«dabali» soit assuré.

On pourrait  se résigner à admettre avec amertume que le Prd ait décidé de faire du Lionel Zinsou pour la présidentielle 2016. 25 ans d’opposition, Adrien Houngbédji estime qu’il est temps pour lui de changer de camp, peu importe la qualité et la valeur de son nouveau partenaire. Et ce, même si le prix à payer est qu’il ravale ses vomissures en adulant le dauphin  d’un président dont il a qualifié le gouvernement de « ventilateur ».

Pseudo rupture

Mais quand on s’appelle Eric Houndété, qu’on a passé dix ans à bâtir son discours politique autour de la rupture avec un régime, l’on ne finit pas par rejoindre le candidat de ce système à une élection présidentielle ; alors même que ce dernier s’inscrit dans une logique de continuité. L’on ne vient pas déclarer dare-dare et sans sourciller «si Boni Yayi construit des ponts, je vais refuser de passer là-dessus ?». Car, en construisant des ponts, Boni Yayi n’a fait que ce pourquoi il a été élu président de la République. Ce dont il est question ici, c’est la fidélité d’un homme, Eric Houndété, a ses principes, de sa constance dans son discours politique.

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Quand on a passé dix ans à se faire apôtre de la bonne gouvernance depuis le  Parlement, à multiplier à l’endroit du gouvernement les interpellations, parfois sans réponses, l’on ne finit pas par aller renforcer le candidat dudit régime ; alors même que depuis l’avènement de ce dernier au gouvernement, les pratiques que l’on a tout le temps dénoncées n’ont pas cessé. L’impunité règne, la gabegie bat son plein, les règles de bonne gouvernance et d’équité du jeu électoral sont foulées au pied avec l’usage des moyens de l’Etat à des fins de campagne électorale ; sous le regard complice et consentant du candidat que l’on va renforcer.

Quand on a passé du temps à faire campagne contre le mythe de l’oiseau rare et de l’homme providentiel, avec la conviction que la fonction présidentielle doit être la consécration d’une longue carrière de militantisme politico-social, et qu’on est soi-même nanti d’un parcours politique presque sans faute, l’on ne se désiste pas d’une course présidentielle pour soutenir un candidat qui a tout d’un oiseau rare. Autrement dit, on détruit la prime au militantisme.

Lorsqu’on était candidat à la candidature unique de l’Union fait la Nation (plus grande alliance politique de l’opposition) et qu’on a parcouru le Bénin pour chanter qu’on pouvait porter les idéaux de l’Union, l’on ne se précipite pas dans le camp opposé, moins d’un mois après que l’alliance dont on voulait être le porte-étendard a officiellement annoncé sa décision de ne présenter aucun candidat, à la fois pour des raisons stratégiques et financières ; même si elles sont sujet à controverses. A moins que tout le discours politique tenu jusque-là n’était qu’un bluff, de la masturbation intellectuelle sans conviction, sans un brin de sincérité.À moins qu’elle n’était pas l’expression de véritables vision et conviction politiques ; mais plutôt un pseudo-discours de rupture teinté de fausses publicité politique, juste pour appâter l’opinion publique.

Entre opportunisme et éthique politique, il danse du ZinLi

Il est vrai qu’au Bénin, la classe politique a habitué l’opinion publique à des retournements de veste spectaculaires; faisant du nomadisme politique l’une des règles d’or du jeu démocratique. Il est plus qu’évident (malheureusement) qu’au Bénin, berceau du renouveau démocratique en Afrique, la finalité du jeu politique ne se limite pas qu’à la conquête du pouvoir pour implémenter sa vision et son rêve pour son pays. Elle concerne aussi et surtout l’accès au gros cadeau qu’est l’Etat pour en couper sa part. Le tout se résumant à la dupérie et  la fourberie sur fond de calculs politiciens. Et voilà qu’Eric Houndété, considéré comme prototype d’une nouvelle génération de politiques exemplaires, se retrouve dans cette posture pernicieuse qui enlève à l’engagement public toute sa vertu.

On dira certainement que face à une opposition fortement émiettée et après l’échec de l’Un à désigner un candidat unique interne, le porteur du « croyons en nous » a fait preuve de réalisme politique en regagnant la barque Zinsou. Quelle est la limite entre réalisme politique et éthique politique? Peut-être que le tout se résume à l’opportunisme? Questions aux politologues !

Un quart de siècle après la conférence nationale, toutes les chapelles politiques s’accordent sur le fait que le Bénin a besoin de redonner du souffle à son renouveau démocratique, en le dépoussiérant des pratiques qui le conduisent à l’abattoir. Les alliances contre nature auxquelles l’on assiste dans le cadre de la présidentielle 2016 confirment cette thèse et donne à réfléchir. L’on ne cesse de déplorer l’arrivée fracassante de gros bonnets du monde des affaires béninoises dans la course à la magistrature suprême. Mais à quelque chose, malheur est bon. Les candidatures de Patrice Talon et Sébastien Ajavon permettent aux Béninois de découvrir le vrai visage de leur classe politique ; la capacité de résilience des acteurs politiques aux bouleversements. Finalement, l’on dira avec l’écrivain ghanéen AyiKwei Armah que «The Beautyful Ones Are Not Yet Born». L’âge d’or n’est pas pour demain! Espérons que l’histoire nous donne tort

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