Présidentielle : ce que Dieu n’est pas

Nous sommes un peuple de croyants. Et nous sommes viscéralement attachés à Dieu. Au point de lui en demander trop. Au point de tout lui déléguer, de nous décharger de tout. C’est cet attachement hors normes à Dieu qui fonde la certitude selon laquelle « Dieu aime les Béninois ». Et nous allons le répétant comme une profession de foi. C’est le fin mot de notre catéchisme individuel et collectif.

Pour l’élection présidentielle prochaine, tout se passe comme si nous avons fait l’option de nous en remettre à Dieu pour tout et en tout. C’est à se demander si une aussi plate délégation de nos devoirs et obligations ne nous enfonce pas dans les profondeurs d’une irresponsabilité sans nom. Comme si chaque Béninois devait s’asseoir tranquillement pour que Dieu le pousse gentiment.

Par les temps qui courent, la sécurité des personnes et des biens doit être au cœur de nos préoccupations. En dépend, une élection propre et apaisée. Cela appelle, par anticipation, des tâches précises, la mise en place d’un dispositif déterminé. La carte sécuritaire du pays doit être revue, corrigée, adaptée aux circonstances et aux réalités du terrain. Des hommes de métier doivent être entraînés et déployés, avec des moyens conséquents. Pour que le Bénin vote en toute sérénité, le 6 mars prochain, il faut que les Béninois mettent la main à la pâte. Il faut que les Béninois se mettent, dès aujourd’hui, en devoir d’assurer eux-mêmes leur sécurité. Dieu ne descendra pas du ciel pour ce faire. Dieu aime les Béninois, certes, mais Dieu n’est pas un gendarme.

Les Béninois, à l’image du chat échaudé qui craint l’eau froide, savent qu’un « premier tour KO » est vite arrivé. Du reste, certains politiciens, publiquement, ostensiblement ne manquent pas de l’envisager. Les Béninois ont donc de réelles raisons d’être sur le qui-vive. Des cartes d’électeurs pourraient être mal distribuées. Des étrangers, voire des morts, pourraient être invités à prendre part à notre banquet électoral national. Des délestages « stratégiques » pourraient bien être orchestrés aux heures cruciales du dépouillement des bulletins de vote. Des urnes pourraient s’égarer et se retrouver bourrées par des mains invisibles. Des nervis et des voyous pourraient susciter désordre et créer le climat propice à toutes les manipulations. L’achat de conscience pourrait se révéler, selon une technologie électorale de fraude éprouvée, la plus belle transaction marchande de l’année en cours.

Sachant tout ceci, les Béninois doivent-ils attendre passivement que le malheur vienne les visiter, vienne frapper à leur porte et les emporter dans ses flots de larmes et de sang ? Les Béninois auraient tout faux s’ils pensaient que Dieu, parce qu’il les aime, leur épargnerait tout souci et toute peine. Faux : Dieu n’assurerait pas automatiquement aux Béninois un taux de croissance à deux chiffres. Faux : Dieu ne qualifierait pas les Béninois, sans qu’ils ne le méritent, pour la phase finale de la prochaine coupe du monde de football. Faux : Dieu ne décrèterait pas que soit ramené à Cotonou le trophée planétaire.  Dieu aime les Béninois, certes, mais Dieu n’est pas un magicien.

Il va sans dire que qui joue avec le feu, court le risque de prendre feu lui-même, de mettre le feu à tout autour de lui. Parce qu’un feu qui se déclare est impersonnel, en ce qu’il confond dans la même tragédie l’auteur et la victime de l’incendie. Les épreuves qui ont semé ruine, désolation et mort dans maints pays d’Afrique et du monde sont, la plupart du temps, l’œuvre des fils et des filles de ces différents pays. Ils n’ont certainement pris la juste mesure des conséquences de leurs actes. Ils n’ont pas fait preuve de discernement pour contenir leur folie d’un instant, ce feu de malheur qui finit par tout consumer. C’est comme s’ils avaient déclenché une sévère épidémie. Une épidémie qui frapperait violemment, indistinctement, aveuglément. Une épidémie qui combinerait les effets aggravés du sida, de la fièvre Ebola et de la fièvre Zita. En somme, un cocktail plus que détonnant !

Quand on pose des actes aussi graves et aux conséquences aussi destructrices, quand on met le feu à sa propre maison et de ses propres mains, pourquoi voudrait-on faire porter à Dieu la charge de son irresponsabilité ? Dieu aime les Béninois, certes, mais, de grâce, Dieu n’est pas un sapeur-pompier. Il faut se le tenir pour dit

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