Projets de société : innover ou périr

Sur quoi débouche la foire aux projets de société ? Déclinés sur tous les tons, clamés à tous les temps, les projets de société ressemblent à s’y méprendre à de jolis boubous qu’arborent tous les candidats.

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Car il s’agit de séduire le citoyen-électeur. Il s’agit de le faire rêver. La foire aux projets de société tourne vite à la foire aux chimères. C’est le bazar de toutes les illusions, le fourre-tout des rêves les plus fous.L’élection présidentielle terminée, un nouveau président élu, qui donc se soucie du projet de société de ce dernier ? Nous mettons au défi quiconque, du citoyen lambda à l’un des plus proches collaborateurs du Chef de l’Etat, de nous rappeler les grandes lignes du projet de société du candidat Boni Yayi. Il s’est pourtant présenté deux fois aux suffrages de ses concitoyens. Il a été élu deux fois pour deux quinquennats, sur la foi d’un projet de société. Il est donc temps d’arrêter la mascarade des projets de société déclinés sur le mode de « qui en veut, en voilà ». Tirant leçons de nos insuffisances, nous devons évoluer vers des approches novatrices. C’est le prix d’une gouvernance efficace et efficiente. Voici trois propositions, tels trois cailloux, jetées dans le jardin Bénin.  

Première proposition. Transformer le projet de société d’un seul en un programme d’action consensuel de toute la nation. On peut estimer, à juste raison, sur la base des règles démocratiques, que le président élu a su convaincre, sur son projet de société, une majorité de ses compatriotes. Mais toutefois à l’exclusion d’une minorité qui s’est reconnue dans les projets de société des autres candidats. L’élection présidentielle terminée, c’est un nouveau jour qui se lève. Et c’est un ticket unique qui fait entrer un homme ou une femme au Palais de la Marina. S’il n’y a pas de place, dans ce saint des saints, pour les autres, on peut parfaitement concevoir qu’il y a une place pour leurs idées. Le consensus le plus large et l’approche la plus inclusive, sous l’angle d’une gouvernance participative et concertée, recommanderaient de réunir, au début de chaque quinquennat, des assises nationales. Mission : transformer le projet de société d’un seul en un programme de développement pour toute la nation.

Deuxième proposition. Faire adopter un plan de développement à long terme (trente ans par exemple), un plan   séquencé en chantiers quinquennaux (cinq ans). Un tel plan doit être modulable, c’est-à-dire qu’il doit être suffisamment flexible pour autoriser, chemin faisant, d’indispensables rectifications,   ajustements et corrections. Par rapport à quoi, aucun projet de société n’est exigé d’aucun candidat. Le président élu sait à quoi s’en tenir. On ne lui demande pas de faire un one man show à la tête de l’Etat. On lui demande de prendre la direction du chantier qui correspond, dans les limites du temps, à son quinquennat. Ceci à l’intérieur du plan général de développement à long terme. Un plan consensuel dont s’est doté le pays. Un plan impératif qui s’impose au président élu. Dans ces conditions, si projet de société il devait y avoir, il porterait essentiellement sur les stratégies de mise en œuvre d’une feuille de route connue à l’avance, sur les capacités intrinsèques d’un candidat à être l’homme de la situation, c’est-à-dire l’homme qu’il faut pour conduire un chantier déterminé.

Troisième proposition. Soumettre chaque candidat à l’obligation de décliner un projet de société. Mais exiger du candidat élu que son projet, grâce à un mécanisme approprié, soit, pour ainsi dire, sous audit permanent toute la durée de son mandat. Cela a l’avantage de ne plus tenir les projets de société pour un leurre de campagne, pour un appât dont on se sert pour aller à la pêche aux voix. Celui qui est élu sur un projet de société doit accepter d’être interpellé, contrôlé, évalué sur ce projet. Il doit en répondre à tout instant, durant son quinquennat. Nous ne soutenons pas l’idée selon laquelle il doit s’enchaîner à ce projet tel un forçat à son boulet attaché. Des marges doivent être aménagées pour qu’il puisse se mouvoir en toute liberté sans trahir toutefois ses intuitions et ses ambitions de départ. Dans un tel système, le rôle de la Société civile est attendu. Il doit en être l’un des piliers majeurs, le métronome suprême.

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Voilà trois propositions, comme trois bouteilles jetées à la mer. Et la mer électorale, chez nous, est fort agitée et charrie tant de contre-valeurs. Dans ces conditions, où échoueront-elles nos trois bouteilles, quel quai accosteront-elles ? Seul Dieu le sait.

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