Bénin : Leçons D’une Élection

On attendait le chaos et il était possible vu les statistiques électorales avec trois grands partis soutenant le candidat Lionel Zinsou au sein d’une grande coalition : l’Alliance Républicaine.

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Mais des facteurs collatéraux ont faussé le libre jeu des forces sociopolitiques et ce candidat favori pour cette élection n’a recueilli au premier tour que 28% des suffrages, largement en-deçà des performances habituelles des seules FCBCE. Cependant au second tour, il réalisa un score plus qu’honorable : près de 35%, le tiers de l’électorat, le même score que le Général Mathieu Kérékou en 1991. Cela veut dire qu’il ne fut pas écrasé comme on le croyait avec uns score humiliant (par exemple 80% contre 20%). Patrice Talon doit décoder le vote du peuple béninois et faire une politique d’ouverture contrairement à la mentalité absolutiste des Fons qui avaient conduit le régime de Nicéphore Soglo à l’exclusion ; au risque de rejeter un tiers des Béninois dans une opposition stérile. Il doit savoir interpréter les causes du succès relatif de Lionel Zinsou. En effet, il a été le seul parmi la trentaine de candidats à essuyer des attaques malveillantes multidirectionnelles dont la formulation finale est que ce yovo franco-béninois n’a pas la légitimité nécessaire pour diriger le Bénin. Parmi les raisons avancées, il y en a qui sont apparemment régulières, d’autres tiennent franchement de délires racistes et fascistes. Voyons-en quelques-unes de ces critiques des plus régulières aux plus fangeuses.     

Critiques qui entrent dans la dynamique régulière d’une compétition politico-électorale

C’est un étranger qui a été parachuté par le Président Boni Yayi et imposé aux FCBE pour continuer à diriger par son intermédiaire ! C’est un troisième mandat en fait ;  c’est un intrus imposé aux FCBE alors que des candidats tout aussi valables abondent au sein de cette alliance; ce faisant, Boni Yayi n’a eu aucune considération pour ceux qui habituellement travaillent avec lui ;

il ne connaît pas nos réalités pour n’avoir pas vécu au Bénin, ne parle aucune de nos langues nationales; nous ne le connaissons pas et il ne nous connait pas ; aussi un diable qu’on connaît vaut-il mieux qu’un ange qu’on ne connait pas ;

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depuis qu’il a été nommé  Premier ministre, il ne reste pas un mois entier au Bénin.

Critiques malveillantes, bêtes et méchantes

C’est un yovo, un Blanc qui profanerait la terre sacrée de Houégbadja, de Béhanzin et Bio-Guerra s’il est notre Président de a République ;
c’est un agent de la Françafrique dépêché par la France pour nous recoloniser ;
il ne pourra que nous apporter des malheurs comme  les attentats terroristes de Boko Haram ;
le monde entier et surtout les pays africains se gausseront de nous d’avoir à la tête du Bénin un couple de « Blancs » !

Ces attaques cumulées lui ont fait perdre près 10% des voix que normalement l’Alliance République aurait pu engranger. Mais même à 38%, on est encore loin du compte car faute de chaos, on espérait de lui au moins un score de près de 40% ! Les autres raisons de la contreperformance de Lionel Zinsou sont :

Une mauvaise  organisation de la campagne tant dans sa structuration que dans son fonctionnement sur le terrain ; comme il arrive souvent, des activistes ont su très tôt verrouiller l’accès aux structures de campagne qui s’est révélée elle-même insipide et atone avec l’absence totale d’un argumentaire de campagne idoine et vigoureux face aux attaques malveillantes multidirectionnelles : le sectarisme et l’exclusion sont les tares rédhibitoires des populations de la région Littoral-Atlantique-Zou habitée en majorité par les Fons et leurs congénères aïzo ; on jouit déjà du pouvoir avant de l’avoir déjà conquis, comme en 1991, 1996 et 2001 ;  

il y a eu une mauvaise synergie entre les trois composantes de l’Alliance Républicaine ;

le candidat lui-même semble ne pas prendre au sérieux dans ses interventions les attaques de dénigrement dont il est l’objet se contentant de hausser les épaules en signe de mépris ; d’où l’impression d’un manque de pugnacité et de motivation !

Le stratège chinois Sun TZE dans L’art de la guerre disait que ce sont souvent vos propres fautes qui font gagner l’adversaire. Les vieux briscards de l’UN ont perçu tout de suite que « ceux d’en face »  courent à la défaite et ont astucieusement mis sur pied une coalition dite de la rupture, en fait le regroupement des quatre  poids lourds  de cette élection, à savoir outre Lionel Zinsou, Patrice talon, Sébastien Germain Ajavon, Abdoulaye Bio Tchané et Pascal Irénée Koupaki dont l’alliance contre le yovo fut arithmétiquement imparable. Le phénomène politiquement incongru est qu’à la fin, ce sont 24 candidats qui ont constitué la Coalition de la rupture avec tous les anciens les ministres de Boni Yayi, soit une bonne dizaine ! Même avant le second tour, il y avait déjà des alliés autrefois fidèles de Boni Yayi qui ont tourné casaque d’une manière indigne !  

La rupture va s’avérer très vite un produit de consommation courante, un slogan passe-partout comme le changement et la refondation : tous les Béninois vont y adhérer et personne ne pourra lever la tête pour en contredire le bien-fondé. Une démarche de bon sens du nouveau Président de la République est d’abandonner ce concept controversé pour son slogan propre de campagne : un nouveau départ, plus sobre et plus humble !

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