Bénin : Ombres et lumières sur la démocratie

L’élection présidentielle que nous venons de vivre a valeur d’un baromètre démocratique. Nous avons pu apprécier les gains engrangés, évaluer les avancées réalisées, prendre la mesure des contreperformances enregistrées.

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Le scrutin présidentiel qui prend fin nous a placés dans la position d’observateurs privilégiés. Nous avons pu ainsi saisir, en réalité et en vérité, les ombres et les lumières d’une démocratie, de la démocratie au Bénin.

Il y a ce qui va mal. A prendre en compte au titre d’un déficit à combler, au titre d’une insuffisance à corriger. Il y a ce qui va à peu près bien. A comptabiliser comme un acquis. C’est le sol d’un envol toujours plus assuré vers des horizons toujours plus lointains. Commençons par les ombres. Mieux nous nous ouvrirons à la brillance du jour nouveau qui point sur notre expérience démocratique.

Une démocratie sans classe politique doit certainement participer de l’exception béninoise. Le paradoxe, c’est que nous ne faisons pas assez d’effort pour être nous-mêmes. Tout comme nous ne nous engageons pas franchement pour voler aux autres les clés de leur succès et de leur réussite. Les représentants de ce qui pourrait tenir lieu de la classe politique dans notre pays ont disparu corps et bien dans la tourmente électorale. Les uns ont perdu la capacité de désigner un candidat du cru. Les autres se sont livrés à un racolage de bas étage en se scotchant à des candidats improvisés. D’autres encore, telles des girouettes, sont allés de gauche à droite, de l’avant à l’arrière, avant de suivre la piste sinueuse d’un opportunisme puant. Résultat des courses : la classe politique s’est liquéfiée ; les opérateurs économiques émergent et tiennent désormais le haut du pavé ; les idées qui construisent se sont aplaties devant l’argent qui corrompt. Quelle est donc cette démocratie où tout le monde s’active à rallier la mouvance, personne ne voulant s’afficher opposant ?

C’est une situation déplorable. Une situation aggravée par la ribambelle de partis politiques que nous trainons. Une situation rendue préoccupante avec le nombre toujours plus important de candidats que nous alignons d’une élection à l’autre. Une situation rendue plus pénible par l’insoutenable faiblesse de la culture politique. Voilà qui explique l’absence de débats de fond sur les vrais défis et enjeux de notre société. Voilà qui pointe du doigt le silence assourdissant d’une élite. Elle préfère griller tranquillement ses arachides, en se délectant de sa hautaine indifférence.

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Il reste que, malgré ces insuffisances, l’expérience démocratique en cours dans notre pays n’augure pas moins d’un avenir brillant. Nous avons des actifs et des atouts certains. Il faut y voir, tout à la fois, des points d’ancrage et des pistes d’envol. On ne gagne pas, dit-on, avec ses faiblesses, mais avec ses forces.

Le Bénin, du nord au sud, a connu un scrutin présidentiel paisible et pacifique. Comme peuvent en témoigner les caravanes de campagne de divers candidats. Les animateurs de ces caravanes ont parfois sympathisé, démontrant qu’une élection, ce n’est pas la guerre.

Le résultat du scrutin, de l’avis de tous, a mis en relief la grande maturité de notre peuple. C’est vrai, il est courtisé de toutes parts. C’est vrai, il est assommé d’arguments sonnants et trébuchants. Mais dans le secret de l’isoloir, une conscience citoyenne responsable commence à s’affirmer. L’argent a un pouvoir fort, certes. Mais l’argent ne peut tout acheter.

Le vaincu qui décroche son téléphone et félicite le vainqueur, reconnaissant très sportivement sa défaite, ce n’est pas encore, sous nos latitudes, une tradition établie. Mais le Bénin en prend la voie. Hier, avec Adrien Houngbédji. Aujourd’hui, avec Lionel Zinsou. C’est le cas de le dire : « jamais deux sans trois. » Cette manière civilisée de conclure une joute électorale participe d’une élégance démocratique à saluer.

Un code électoral consensuel qui a notablement contribué à limiter la fraude est un acquis. La mobilisation de la société civile, puissamment aidée dans sa veille et dans son rôle de contrôle par les technologies de la communication, c’est un bon point. La presse nationale y prend sa part. Ainsi que les réseaux sociaux, même s’ils ne savent pas toujours séparer le bon grain et l’ivraie. Chapeau bas pour toutes les institutions en charge des élections. Elles ont entonné le requiem pour les tricheurs d’autrefois. Que souhaiter à ceux-ci ? Qu’ils dorment en paix pour le réveil démocratique du peuple souverain.

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