Bénin : Quand Lionel Zinsou désamorce la bombe Yayi

En reconnaissant très tôt sa défaite, le candidat de l’alliance au pouvoir a favorisé, de par son attitude et son discours, l’issue pacifique d’une élection qualifiée  de celle de toutes les incertitudes, au regard du contexte et de la nature des rapports entre certains acteurs clés.

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La tension était palpable dans le pays. Les risques d’une crise post-électorale étaient aussi présents. Le discours, notamment celui du chef de l’Etat sortant, Boni Yayi, qui a beaucoup mouillé le maillot pour son dauphin Lionel Zinsou, était très guerrier.  Invectives à l’endroit de Patrice Talon et ces partenaires de la coalition de la « rupture », attisement de la rivalité interethnique…Boni Yayi a sorti assez de numéros dommageables à la paix et la stabilité politique lors du processus électoral. La présidentielle 2016 est, en fait, un autre round de la guerre que se livrent les deux hommes (Boni Yayi et Patrice Talon), autrefois amis, depuis 2012. A un moment, l’on s’est même interrogé sur l’attitude qu’auraient les Forces cauris pour un Bénin émergent (Fcbe, famille politique du président sortant), en cas de défaite de leur candidat. Finalement, rien de tout ce que l’on pouvait redouter n’est survenu. Une énième fois, et comme c’est le cas à chaque moment électoral crucial depuis l’historique Conférence nationale de février 1990, le Bénin a encore surpris le monde. Sans heurts, sans soulèvement, sans blessé ni mort, le parti au pouvoir perd les élections alors même que le président sortant est engagé dans une bataille à mort avec l’adversaire de son dauphin. En Afrique, s’il y a un pays où cela peut se produire, c’est bien le Bénin. Pour 2016, la prouesse démocratique béninoise est due non seulement à la maturité du peuple mais aussi au comportement de certains acteurs clés du processus. A ce titre, il faudra féliciter l’attitude de Lionel Zinsou.  Candidat malheureux, le premier ministre et dauphin de Boni Yayi détenait dans une large mesure la clé de l’issue de ce processus électoral. Et l’homme a fait un bon usage de cette clé. Avant même la publication des grandes tendances par  la Cena (Commission électorale),  l’ancien patron de PAI Partners a appelé son adversaire pour le féliciter, reconnaissant implicitement sa défaite. Dans cette nuit même du dimanche, il l’annoncera sur sa page Facebook officielle. Il a coupé ainsi l’herbe sous les pieds de certains jeunes web-activistes acquis à sa cause et à celle de Yayi. Payés en majorité pour faire le job, ceux-ci faisaient déjà circuler sur les réseaux sociaux l’idée d’un vol de la victoire de leur client. Une chose est évidente, tout silence de la part de Lionel Zinsou aurait viciée une atmosphère déjà trop tendue dans le pays. Et malgré le caractère pacifique du peuple béninois, toute contestation de sa part aurait gâché la messe démocratique, compliqué l’issue du processus. Pourtant, comme cela se passe dans les démocraties avancées, Lionel Zinsou se rend disponible pour la transition du pouvoir entre le régime sortant et celui de Patrice Talon.

Elégance démocratique

« Le nouveau président qui prêtera serment le 6 avril, sera bien évidemment le président de tous les Béninois, et j’appelle évidemment tous à respecter le scrutin dans tout notre pays. Le nouveau président peut réussir, il doit réussir, il va réussir », a déclaré le candidat malheureux dans l’après-midi de ce mardi 21 mars après la publication des grandes tendances par la Commission électorale (Talon 65,39% et Zinsou 34,61%). Sur toute la ligne, le comportement et le discours de Lionel Zinsou contrastent avec l’attitude guerrière de Boni Yayi qui avait publiquement affirmé que de « son vivant, il ne remettra jamais le pouvoir à Patrice Talon.» D’ailleurs, depuis quelques jours, le président Boni Yayi a disparu des écrans, se muant dans un silence qui traduit sans doute son amertume de voir son pire ennemi lui succeder. Désormais, intermédiaire entre deux personnalités qui s’en veulent à mort, Lionel Zinsou apparait bien comme la pièce maitresse de l’issue pacifique d’une élection qui avait pour enjeu la stabilité politique du Bénin et le renforcement de son renouveau démocratique. L’on a beau reprocher au candidat de l’alliance républicaine son acceptation à porter les aspirations de longévité au pouvoir d’un système qualifié de « pourri » par Patrice Talon, son attitude post électorale relève de la grandeur et de la classe. Lionel Zinsou a fait preuve de grande culture et d’élégance démocratique. Controversé depuis son entrée dans la course présidentielle, il sort ainsi par la grande porte, sa réputation renforcée. Chapeau au démocrate !

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