Brèves leçons d’un scrutin

La CENA a donné les grandes tendances, en attendant la proclamation par la Cour Constitutionnelle des résultats de l’élection présidentielle de mars 2016. Ce fut la seule élection présidentielle à l’issue incertaine avant le premier tour et la deuxième au second tour.

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Les deux candidats arrivés au second tour n’ont pu recueillir ensemble que 52% ; le troisième a presque le même score que le deuxième (23 contre 24%). En 1991, Nicéphore Soglo avait engrangé 35% des suffrages; idem en 1996 où il fut quand même battu au second tour. En 2001, Mathieu Kérékou avait eu 42% des voix contraignant le principal candidat de l’opposition, Nicéphore Soglo, a jeté l’éponge. En 2006, Boni Yayi avait obtenu au premier tour 35% des voix. Comme on le voit, sauf en 1996 où Mathieu Kérékou bénéficiant du soutien d’une bonne partie de la classe politique avait obtenu 34% quand le président de la République en exercice avait quant à lui 35% mais fut cependant battu, le candidat au second tour qui pour la plupart des Béninois est presque sûr d’être élu doit cependant distancer largement son challenger rendant tout renversement de situation improbable. Ce n’est pas le cas actuellement avec Lionel Zinsou (28% des voix) par rapport à Talon (24%). Cette situation nous rappelle le cas de 1996 : Nicéphore Soglo et Mathieu Kérékou avaient eu respectivement 35%  et 34% au premier tour, mais ce fut le Général Mathieu Kérékou qui l’emporta à cause du report des voix des faiseurs de roi Adrien Houngbédji et Bruno Amoussou. Dans le cas de la présente élection présidentielle, le principal faiseur de roi, c’est Sébastien Germain Ajavon qui contre toute attente fut devancé par Patrice Talon qui a fait faire par sa redoutable cellule de communication une campagne méthodique de destruction de ces adversaires, surtout de Lionel Zinsou, le yovo et surtout l’étranger parachuté par la France par le biais du Président Boni Yayi; arguments qui ont porté dans l’électorat fon traditionnellement raciste, régionaliste, xénophobe, en un mot nationaliste ! J’ai pour ma part trouvé l’argumentaire de l’Alliance Républicaine fade, atone et même inexistant face à ces attaques terribles ; aucune riposte ferme et rationnelle contre ces méthodes d’un autre âge ; même le candidat était trop doux et trop civilisé, avant de comprendre presqu’à la fin de la campagne qu’il faut se montrer tonique dans la bagarre en ce que les Fons, Romains ou Japonais d’Afrique, n’aiment que les affrontements virils et méprisent les adversaires « mous » ; il a jugé utile de monter une autre façade –la vraie, peut-être – de son caractère. Il est pourtant facile de démonter point par point ces arguments agressifs; mieux arriver à avoir le monopole de la raison face à des gens stupides. Voyons donc !

1) Le sophisme de la FranAfrique. Elle existe bel et bien, mais son choix concerne toujours les Nègres et bougnouls facilement malléables et non des gens cultivés, éclairés et au fait des données de la société et de la culture fançaises comme Nicéphore Soglo et Lionel Zinsou. En l’occurrence, l’intervention impromptue et de déplacée de l’ambassadeur Jean-Claude Monchou nous montre bien vers où tourner nos regards si nous cherchons le candidat de la France-Afrique. Le fantasme d’une recolonisation par la France est une idée fixe pathologique : un seul individu ne peut pas coloniser à nouveau plus de 10 millions d’âmes ;

2) Un yovo ne saurait nous diriger ! D’abord, ce n’est qu’un métis perçu comme un Noir en France. Or, dans notre histoire politique, des métis ont occupé des postes de premier plan, comme Emile Poisson, René Déroux et les autres ;

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3) Il ne connaît pas le pays pour n’y avoir pas vécu. Ce n’est pas un handicap rédhibitoire. La famille Soglo n’est pas réputée pour sa connaissance du Bénin, parce qu’ayant vécu pendant trop longtemps en France et aux Etats-Unis ! Pourtant, le père a été Président de la république, le fils aîné adjoint au maire puis maire de la plus grande métropole du Bénin quand  le fils cadet fut ministre de la culture et de la promotion des langues nationales dont il ne parle aucune !

4) Il est une passerelle pour un troisième mandat de Boni Yayi. Son interview dans le magazine L’express paru au Bénin vendredi 04 mars, montre que l’homme est loin d’être un pantin et un mollusque.             

5) Les ancêtres seraient outrés ? Toutes les dynasties d’Abomey ont des métis dans leur descendance et il est particulièrement remarquable que les Béhanzin comptent de très nombreux métis parmi eux !

Il s’agit d’affirmer ces idées-forces avec détermination et énergie et ne pas laisser les idées rétrogrades et obscurantistes l’emporter parmi les masses populaires. En effet, Lionel Zinsou aurait eu les 35% fatidiques si avec le plein des voix dans le Septentrion et les Collines comme Boni Yayi en 2006, il avait bénéficié en plus de 7% des voix des populations gbé dont les Fons notamment. Que fera Sébastien Ajavon ? Les pressions agressives actuelles risquent de l’empêcher de faire le seul choix possible, stratégiquement porteur pour lui-même et nécessaire pour la paix et la stabilité du pays. Comment sera-t-il perçu un président des Fons à l’heure actuelle ? C’était le cas de 1991 à 1996 avec Nicéphore Soglo ! Le pays dut faire appel au candidat des candidats, le Général Mathieu Kérékou qui réussit brillamment son rôle de pacificateur. Faute d’un président issu du Septentrion, Lionel Zinsou est comme un chargeur universel des téléphones portables: il convient parfaitement au Nord et au Sud si les violentes intoxications contre le « yovo » cessent !

Pr Denis Amoussou-Yéyé (UAC)

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