Présidentielle : les exclus de l’élection

Tournant majeur dans la vie de la nation : les Béninois désignent, ce 6 mars, le premier d’entre eux. Il s’agit de celui qui aura le privilège, pour les cinq prochaines années, de conduire les destinées de leur pays.

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Cette élection a ainsi valeur, pour chaque Béninois, d’une épreuve de citoyenneté. On s’éprouve, en effet, par l’expression de son suffrage. On s’affirme comme membre à part entière d’une communauté humaine. On s’engage en acteur majeur sur la scène de son pays, comptable du présent et du futur.

Malheureusement, pour diverses raisons, tous les Béninois ne bénéficieront pas de cette prérogative. Soit qu’ils sont exclus, soit qu’ils se sont exclus de l’heureuse et avantageuse position de jouir d’un tel droit. Rappelons-les, malgré tout, à la mémoire de chacun de nous. Qui qu’ils soient, quoi qu’ils aient fait, ils sont et demeurent nos concitoyens. Ils ne seront pas   dans les bureaux de vote. Mais ne les excluons pas totalement de la grande fête de l’élection présidentielle du 6 mars.

Il y a d’abord les prisonniers. Ce sont ceux-là qui sont confinés dans les différentes maisons d’arrêt du pays. Parmi eux, certains ont été jugés, reconnus coupables, condamnés à diverses peines. Le délit qu’ils ont commis les tient éloignés des bureaux de vote. C’est la loi. Mais ils ne sont moins intéressés par l’élection présidentielle. Parce qu’il y a une vie après la prison.

Il y a ceux qui sont en détention préventive. Leur dossier est en instruction. Ils sont attente d’être jugés. Comme tels, ils sont présumés innocents. Les conditions dans lesquelles ils se trouvent leur ferment les portes des bureaux de vote. D’être ainsi tenus à l’écart pourrait s’interpréter comme une manière de les juger par anticipation, de les condamner avant la lettre.

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En dehors des prisonniers, il y a les grands malades. Leur cas est si grave, si désespéré qu’on ne pense pas, dans leur entourage, à une quelconque procuration pour porter leur suffrage. Ce qui est pourtant autorisé par la loi. Tenus pour des morts en sursis, ces grands malades sont exclus de la communauté de leurs frères et sœurs. On s’est fait à l’idée que seuls les vivants sont acceptés à la table du banquet de l’élection présidentielle. Dehors donc tous ceux dont on doute qu’ils soient encore du bon côté de la vie. Que nous sachions, la maladie n’éteint pas la citoyenneté, la citoyenneté ne s’éteint pas au pied de la maladie.

Il y a les handicapés à divers titres et à divers degrés. Hors les périodes électorales, ils ont déjà tout le mal du monde pour exister, pour se faire valoir dans leur société. Discriminés, ici, ostracisés, là, ils sont partout abandonnés à leur sort, ils sont oubliés par tous. Les élections se suivent, mais rien ne semble changer pour eux. Ils continuent d’être tenus pour quantités négligeables. Quel candidat s’intéresse-t-il tout particulièrement à leur cas ? Dans le projet de société de quel candidat prend-on en compte leur situation sociale ? De qui tiendront-ils l’heureuse insertion qu’ils appellent de tous leurs vœux ? Celle qui leur confère la dignité qu’ils méritent. Celle qui leur restitue la fierté d’appartenir à une communauté humaine, à une communauté nationale.

Enfin, il y a la grande masse des analphabètes de notre pays. Beaucoup d’entre eux se tireront d’affaire. Ils échapperont à la nasse des manipulateurs de tout poil. La période électorale en secrète à la pelle. Quant aux autres, ne jouons pas à cache-cache avec notre conscience, ne fermons pas les yeux sur leur situation. On les contraindra à vendre leur carte d’électeur, à vendre leur suffrage. « Ventre affamé, dit-on, n’a point d’oreilles ». Quelques piécettes, dans bien des cas, suffisent à calmer la faim et à redonner des oreilles au ventre. Certains seront brutalisés, violentés. On les pliera, de gré ou de force, à l’autorité et à la volonté de leurs seigneurs et maîtres.

La presse nationale s’intéresse peu à ces cas estimés périphériques. La grosse actualité de l’élection présidentielle écrase tout. Quant aux observateurs, ils se tiennent loin du théâtre de ces vilaines choses. La conclusion de leur rapport, souvent écrit à l’avance, tient du balbutiement d’un vieux disque rayé : « les quelques ratés notés ici et là ne sont pas de nature à affecter le bon déroulement du scrutin ». La messe est dite.

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