Avant propos « Rupturien » est un néologisme consacré depuis peu par le langage populaire, un terme tout droit sorti de l’imagination féconde de nos compatriotes.
Il est utilisé ici avec toute la charge émotionnelle de ce registre de langue, en attendant de refaire la place en cas de besoin à la chronique des temps qui tanguent, lorsque la rupture en aura d’emblée franchi le cap de la continuité sans changement)
Editorial
Voici bientôt trois semaines que le régime dit de la rupture est installé et déjà la polémique enfle sur les médias conventionnels et les réseaux sociaux sur les premiers actes posés par le gouvernement et son chef. Au cœur de la polémique, deux sujets semblent tenir le haut du pavé : l’affaire des concours présumés frauduleux, et la rencontre dite de réconciliation d’Abidjan entre l’ancien et le nouveau Président. Ces deux sujets ne sont que la face cachée du péché originel qui plombe le chantre de la rupture.
En procédant aux recoupements systématiques de toutes les déclarations entendues sur les médias ces derniers jours, celles du député Rachidi Gbadamassi sur SikkaTv notamment, on peut dire sans risque de se tromper que la rupture est encore plombée par les relations exécrables qu’entretiennent le Président Talon et son prédécesseur Boni Yayi. Et si on n’y prend garde, c’est tout le mandat de cinq ans du Président qui risquerait d’être empoisonné par cette guerre de tranchée entre les deux hommes. Au regard des déclarations à l’emporte-pièce du Président sorti sur son ennemi intime au cours de la campagne électorale et celles autrement plus tendancieuses sur la supposée opposition nord/ sud, après la formation du gouvernement, on peut craindre que la rencontre d’Abidjan ne soit que la première d’un cycle sans fin au rythme des dossiers sensibles que le gouvernement de la rupture aura à gérer. Et comme il y aura toujours des gens pour écouter les discours de Yayi débités sur le ton faussement évangélique de la victimisation, il faut croire qu’il ne manquera pas de faire feu de tout bois pour entretenir un climat vicié de tension artificielle dans le pays, histoire de faire oublier les turpitudes de son régime.
Il a manqué un Signal fort
C’est pourquoi, nous sommes de ceux qui pensent que le Président élu a eu tort d’avoir choisi d’organiser une investiture à huis clos en l’absence des chefs d’Etat étrangers, contrairement à la tradition des vingt dernières années. Quelques jours après la proclamation des résultats définitifs en effet, le Président élu était allé lui-même porter la « bonne nouvelle », pour ainsi dire, à ses pairs de la sous-région. A en croire nos sources, il ne voulait pas humilier » davantage son prédécesseur complètement « sonné » par la nouvelle même de la victoire de son pire ennemi. Et il faut croire le député Gbadamassi quand il a levé un coin de voile sur les intentions réelles de son ancienne idole. Boni Yayi est encore dans une bulle, incapable d’intégrer qu’il a définitivement quitté le pouvoir. C’est cette cérémonie d’investiture en son absence et en présence de tous les chefs d’États à qui il aimait donner des tapes amicales sur le dos qui aurait dû donner le top départ de cette rupture. Boni Yayi qui adore les cérémonies fastueuses et les bains de foule aurait effectivement mal vécu son absence à une cérémonie où tous ses anciens pairs seraient présents. Mais Il aurait compris que la page de sa longue parenthèse de dix ans est définitivement tournée, en attendant de répondre de toutes ces années de gabegie de concussion enrobée par des discours mirifiques sur la miséricorde divine. Le peuple béninois qui venait de sortir d’une des élections les plus transparentes de ces vingt dernières années de notre pays et de la sous région avait là une occasion en or (la seule d’un mandat de cinq ans) de manifester bruyamment sa soif d’indépendance et de liberté pour marquer de manière indélébile une certaine opinion publique africaine encore sous la férule des Présidents à vie. Car le Bénin et son peuple ont fait envie partout en Afrique et de par le monde, au regard de ce qui s’est passé au même moment au Niger et au Congo. Et ce n’est pas l’écrivain Alain Mabanckou qui nous démentira, lui qui a dit à l’dresse de ses compatriotes : « Les Béninois nous avaient appris autrefois la pêche sur l’océan Atlantique, à Pointe-Noire, je les supplie de nous apprendre aussi les règles de la démocratie ». Nous venons ainsi de rater l’occasion d’un cours de science politique en direct sur la manière subtile de s’opposer au choix imposé par nos dirigeants.
Au travail, Monsieur Le Président!
Vus sous cet angle, les débats interminables sur la suspension des concours dits frauduleux et la rencontre d’Abidjan seront ramenés à leur juste proportion d’épiphénomènes sans lendemain. Les défenseurs du maintien du statu quo des concours auraient compris que la récréation est définitivement terminée pour les organisateurs des concours frauduleux. Le conseil des ministres auquel tout ce monde se réfère n’a pas encore parlé d’annulation mais de suspension. Une décision de suspension que le régime défunt aurait dû prendre, lorsque les premières clameurs se sont levées contre les organisateurs de ce concours. Au lieu de cela, le ministre Yaya a préféré un passage en force en s’opposant à toutes les initiatives visant à faire les choses autrement et pour affirmer à cor et à cri que « les lauréats prendront service envers et contre tout et feront 30 ans de carrière ». Ils n’ont qu’une seule chose à faire : attendre calmement les résultats de la commission d’enquête. Toute autre démarche venant des défenseurs à la gomme ne ferait que prolonger leur calvaire.
Quant à la rencontre d’Abidjan, elle n’aurait même pas dû avoir lieu. Car le Président élu aurait dû dire à ses pairs « merci de votre invitation mais je suis désolé, ce Monsieur n’a pas de parole; et il n’a jamais respecté aucun de ses engagements ». Le peuple béninois a autre chose à faire que de revivre les scénarios puérils et mal ficelés des accusations d’empoisonnement et de coup d’état.
Il attend de pied ferme le Président élu sur ses promesses électorales de réformes des institutions et sur la gouvernance transparente du pays, à l’abri des conflits d’intérêt d’un Président qui a visiblement de la peine à sortir de sa peau d’homme d’affaire rompu aux intrigues de coulisse
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