Fonds d’aide: vache à lait pour paresseux et intrigants

Bénin – Le Fonds d’Aide à la Culture, invention géniale des Béninois, est un guichet consacré aux initiatives culturelles. Si l’argent qu’il accorde n’est pas une faveur, il n’est pas non plus indispensable aux artistes.

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Pendant longtemps, les opérateurs culturels s’étaient toujours débrouillés pour obtenir de divers partenaires à l’interne comme à l’externe des soutiens financiers pour boucler leurs budgets et exécuter leurs projets. C’était la belle époque où les Européens disposaient de mécanisme de financements de productions artistiques qui impliquaient le plus souvent le recrutement de leurs propres artistes. Aujourd’hui, de telles possibilités, même si elles existent toujours, se sont drastiquement réduites, la crise ayant poussé les Européens à fermer beaucoup de guichets orientés vers le sud.

Dès lors, tout le monde s’est tourné vers le FAC. D’un milliard, il est passé à trois, puis, cette année-ci, à cinq. Yayi Boni a pensé contenter les artistes en augmentant de façon si spectaculaire le fonds, mais la culture de la corruption qui gangrène le milieu a transformé ce guichet en vache à lait pour paresseux et terrain d’expérimentation pour intrigants et apprentis sorciers. Autant la cagnotte s’est considérablement enflée, autant les projets culturels financés par l’institution ont baissé en qualité.

Le mode d’attribution de ces financements est devenue assez permissive et une mafia de pseudo-artistes s’est emparée de la manne. Je suis expert en littérature dans l’institution et tous les projets que j’ai jugés non viables, peu pertinents, pour ne pas dire mauvais, que des collègues experts ont noté de la même façon, ces projets se sont retrouvés régulièrement en haut de l’affiche, sélectionnés et financés. D’ailleurs, lesdits projets, comme tant d’autres, ont rarement connu heureux aboutissement. Pas de suivi, ni évaluation.  Comme dans  presque pour tous les secteurs, les mêmes constats d’échec s’imposent:  des performances sont annoncées, mais jamais réalisées; des résidences de création sont financées, mais jamais organisées; des livres sont soutenus, mais jamais publiés.

Mais il y a pire. Certains projets, introduits par des noms d’emprunt, bénéficient de grosses subventions. Et si le « nom d’emprunt » veut jouer aux grippe-sous, on lui flanque un gardien qui se charge de le marquer à la culotte jusqu’à ce qu’il allonge la monnaie.

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Cette façon de faire est devenue la norme. Beaucoup d’artistes qui bénéficient du soutien du Fonds, sont harcelés, menacés quand ils ne concèdent pas les vingt, trente et même quarante pourcent du financement accordé.  D’ailleurs, pour être sûr que ces pourcentages ne leur échappent, on les fait suivre à la banque par des klébés dévoués corps et biens à leurs commanditaires. Dès encaissement des sous, ils sont aussitôt délestés de ce qu’ils estiment revenir à leurs chefs. Ceci, parfois avec une violence qui frise le braquage. Résultats des courses:  près de quatre-vingt pour cent des projets financés par le FAC ne sont pas menés jusqu’au bout. Ou, quand ils le sont, c’est avec des bouts de ficelles, c’est-à-dire qu’ils sont mal faits avec une qualité médiocre. Au denier FESPACO, si les films béninois ont été si invisibles, c’est en grande partie à cause de ce manque de sérieux qui entourent nos productions artistiques. Comment peut-il en être autrement quand le mode de désignation des administrateurs est si tronqué ?

Car, en matière de tricherie, le Béninois, qu’il soit artiste ou non, dispose d’une ingénierie pouvant dépasser l’entendement. Si les artistes sont censés élire l’un des leurs pour siéger en tant qu’administrateur à ce fonds, c’est celui qui cooptera le plus d’artistes qui remportera la mise. Et si on demandait aux associations d’artistes d’élire leurs représentants, les voilà créant cent, voire mille associations pour les besoins de la cause. Mais si les élections devraient se faire par les fédérations? En moins de temps qu’il ne faut à un humain pour se baisser et se lever, les gars auront créé des centaines de fédérations. Pour moins de cinq mille artistes au Bénin, moins de deux cents écrivains, il faut être sorti de la cuisse de Jupiter pour trouver des fédérations d’auteurs. Car, Jupiter n’est pas un mortel. Tous ceux à qui il donne la vie sont toujours capables d’exploits

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