Essence Kpayo: Igolo, plaque tournante d’une activité lucrative (vidéo)

Reportage – Dans la petite bourgade d’Igolo, la proximité avec le Nigéria a favorisé le trafic frontalier d’essence frelatée. Les ouvriers de la besogne profitent de la proximité de la forêt d’igolo et de ses pistes isolées pour aller s’approvisionner en carburant dans le pays voisin. Une activité très organisée qui nourrit une chaîne d’acteurs et une certaine corporation connue pour son activité à nos frontières.

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Igolo, Commune d’Ifangni, il est 09 heures. A quelques encablures de la frontière bénino-nigériane se dresse baigné de poussière, le seul parc automobile de la localité. Dans le concert des klaxons, les voyageurs se pressent autour des taxis en partance pour Cotonou. Filibert cure-dent végétal au travers des dents, adresse une salutation gutturale à une poignée de taxi moto stationné sur l’aile gauche du parc. Derrière sa moto made in china, une douzaine de bidons d’essence. Il projette un crachat visqueux sur le sol et saute sur l’engin qu’il démarre aussitôt, direction BB.

BB : Porte d’entrée du « Kpayo » dans la bourgade d’Igolo

Principal point d’acheminement de l’essence frelatée dans la commune d’Ifangni.BB se perd dans l’ombre de la grande forêt d’Igolo. Loin des regards indiscrets. Les bidons d’essence et leur haleine piquante  règnent avec empire sur tout le périmètre. Les trafiquants comme Filibert viennent s’y approvisionner. Itaèguè, un autre point d’approvisionnement, reçoit aussi un flux impressionnant de trafiquant à certaines heures de la journée. Surtout entre le chien et le loup.

Toutefois, tous les trafiquants ne fréquentent pas ses postes secrets comme l’indique  Honoré un contrebandier influent de la localité venu superviser l’arrivée de son cargot d’essence. « Certains vont directement s’approvisionnez dans les stations frontalières du Nigéria. Ils y vont le jour avec leurs motocyclettes ou la nuit avec des voitures ou des tricycles »

Ces trafiquants  qui vont s’approvisionner dans les stations nigérianes frontalières du Bénin, achètent le  litre d’essence  à 185 nairas soit 325 Fr en raison de la hausse du naira. Un prix presque identique pour les habitués de BB ou d’Itaguè.

L’essence est ensuite livrée aux revendeurs de nos autoroutes à  375Fcfa.

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Une activité lucrative

A en croire Célestin, un ancien tailleur, le trafic est lucratif. Selon lui, ceux qui mettent de grands camions dans le trafic sont généralement les plus riches parce qu’ils transportent des milliers  de bidons d’essence par jour. 

« Moi, je n’ai mis que quatre motos  dans le trafic. Ces engins peuvent faire tous les deux jours sept ou huit voyages. Alors que chaque engin peut garder jusqu’à douze bidons d’essence. Sur 10 bidons, j’ai un bénéfice allant de 10 à 15000 FCFA. Imaginez si je possédais un camion capable de transporter tous les  deux jours des milliers de bidons. Déjà si mes quatre collaborateurs font sept voyages par jour. Je me retrouve avec un bénéfice de 280 000 FCFA  en une journée  »

Cependant, les dépenses sont tout aussi importantes. Les clients pour la plupart ne les payent pas Rubis sur l’ongle. Ils doivent attendre trois jours au minimum avant de rentrer dans leurs fonds. De plus ils doivent aussi payés leurs employés.

A cela s’ajoute les taxes mensuelles que prélèvent les syndicats de brousse qui veillent sur le trafic

 « Tout trafiquant doit payer chaque fin du mois un ticket de 5000 FCFA. Si vous ne vous acquittez pas de cette dette votre marchandise sera arrêtée. » Explique Honoré.

Par ailleurs, les contrebandiers du Kpayo doivent graisser les pattes aux agents de la douane, du  commissariat et de la  brigade frontalière.

Le deal

Tayo , un autre trafiquant venu faire le plein de ses bidons d’essence dans l’une des stations nigérianes, dévoile le secret de polichinelle le mieux gardé de la profession.

« La douane nigériane visite très souvent ses propriétaires de stations transfrontaliers qui leur graissent les pattes avec de l’argent. Nous aussi, payons aux agents des douanes aussi bien  béninoises que nigérianes un tribut d’essence chaque mois. C’est le deal pour que le commerce prospère. Si quelqu’un ne respecte pas ce contrat tacite, sa marchandise est bloquée » dit-il.

Si le deal est bien organisé, ces champions de la course à moto ne peuvent malheureusement pas prévoir les accidents de motos qui leur sont souvent fatals sur ces routes que Dieu à abandonner. Ils ne peuvent donc que se fier à leur habileté au guidon et à leur bonne étoile.

A  défaut de perdre la vie, ils se font souvent cambrioler par des sans foi ni loi tapis dans la forêt d’Igolo et qui n’hésitent pas à brandir leur glaive pour dire le droit de la jungle. Ces hardis contrebandiers sont en effet astreints à leur céder quelque bidon d’essence pour avoir la vie sauve.

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