Bénin : Des compétences ignorées ou qui s’ignorent

Le Président Patrice Talon n’a pas besoin de cela pour faire l’actualité. Sa déclaration, à l’Elysée, la semaine dernière, selon laquelle le Bénin serait « un désert de compétences » a fait le buzz.

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Une déclaration à l’emporte pièce. Une déclaration au mauvais endroit. Il reste que le temps des défoulements, individuels et collectifs est désormais derrière nous. L »huile renversée ne se ramasse plus. Mais la parenthèse ouverte peut se fermer. Concentrons-nous, à présent, sur « Le nouveau départ ». Nous nous éviterons, sûrement, un nouveau retard.

Avant toutes choses, rétablissons l’ordre des choses. Le Bénin compte des cadres compétents. Il aurait pu en compter davantage s’il ne s’était pas compromis dans une gestion abracadabrantesque de ses ressources humaines. De ce point de vue, l’école béninoise n’est pas sans reproche. Elle est, pourtant, la solution. Elle a la solution. Mais en attendant de réformer en profondeur l’Ecole, allons à la rencontre de nos compétences laissées en rade. Elles sont sur les marges oubliées du Bénin. Elles se concentrent dans des zones qui n’accrochent plus nos regards. Elles croupissent dans des ghettos pour lesquels nous n’avons plus que mépris et indifférence. Le Bénin peut compter avec de vrais bassins, d’incommensurables gisements de compétences. Des compétences jusqu’ici ignorées ou qui s’ignorent.

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Dans la médiocrité de notre administration, que de cadres compétents cachés. Au lieu de pleurer, adoptons, ici, la stratégie de l’orpailleur, du chercheur d’or. C’est dans la profondeur de la masse boueuse que celui-ci cherche et trouve les pépites d’or. Le paysan sait séparer le bon grain de l’ivraie. La vendeuse du marché Dantokpa sait séparer le son de la farine de maïs. Dehors, donc, les brebis galeuses de notre administration. Et le mammouth, pour parler comme l’autre, sera dégraissé. Pour une plus grande visibilité des meilleurs.

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Que de compétences qui n’attendent que d’être activées et déployées dans la foule anonyme de nos jeunes gens et de nos jeunes filles en attente ou à la recherche d’un premier emploi. Ayant appris un métier, ces jeunes sont immédiatement opérationnels. Encadrés, orientés, ils gagneront en assurance. Aussi vrai que c’est en forgeant qu’on devient forgeron, l’expérience fera le reste.

Dans le vaste marigot de l’informel que de compétences ! Elles sont contraintes et forcées de s’y planquer. C’est une question de survie. C’est une question de vie et de mort. Car derrière ce conducteur de taxi moto, « Zémidjan », se cache un ingénieur. Derrière ce vendeur de bric et de broc au marché de Dantokpa, c’est un administrateur civil qui se débrouille, c’est un gestionnaire qui trompe sa faim d’être, en se trompant d’activité, faute de mieux.

Dans nos prisons, il y a des compétences. Les Chinois qui ne s’y sont pas trompés, déploient systématiquement sur les chantiers internationaux leurs cadres, ingénieurs en bâtiments, génie civil, ponts et chaussées…, frappés d’une peine de prison. Ils y sont plus utiles. Ils y servent la coopération entre la Chine et les autres pays du monde. Question : que faisons-nous, au Bénin, de nos cadres prisonniers ?

Dans la masse de nos concitoyens handicapés que de compétences. Mais malheureusement, nous les avons mentalement exclus de tous champs d’utilité sociale, d’utilité publique. Un handicapé, dans l’entendement du plus grand nombre, est un majeur incapable. Qu’il exhibe les preuves de ses capacités professionnelles ou qu’il donne des gages sur ses aptitudes intellectuelles, c’est peine perdue. Il est prié de revenir demain. Son dossier est classé sans suite. Une autre question : quelle politique mettons-nous en œuvre, au Bénin, pour tirer le meilleur des compétences de nos frères et de nos sœurs handicapés ?

Des compétences, il y en a, à la pelle, dans l’univers de nos retraités. Il ne s’agit pas de maintenir en place des personnes en fin de parcours, alors que des jeunes, sous l’aiguillon du chômage, se bousculent au portillon. Il s’agit plutôt et surtout, dans des secteurs qui peuvent bénéficier de leur expertise et de leurs expériences, d’utiliser ponctuellement nos retraités à initier, à encadrer, à recycler. Aussi vrai « qu’un vieillard assis voit plus loin qu’un jeune homme debout », la solidarité intergénérationnelle pour des synergies gagnantes est gage de progrès. Pour sûr, le Bénin n’est pas un désert de compétences. Ni auto-flagellation. Ni autoglorification. Il importe plutôt de se mettre en mouvement. Et c’est cela aussi le nouveau départ.

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