Installée vendredi dernier par le Président Patrice Talon, la Commission chargée des réformes politiques et institutionnelles fait grincer des dents. En cause, sa composition.
Elle fait l’actualité depuis vendredi dernier. Par une cérémonie fort simple tenue au Palais de la présidence vendredi 06 mai, le Chef de l’Etat a procédé à l’installation officielle de la Commission chargée des réformes politiques et institutionnelles.
« Sa mission est d’étudier et de proposer au Président de la République les réformes politiques et institutionnelles visant à améliorer le modèle politique béninois conformément aux options fondamentales de la Conférence Nationale de février 1990 », indique le communiqué du Conseil des ministres du 13 avril (lire ici), le tout premier du Gouvernement Talon.
Présidée par le Garde des Sceaux, le professeur Joseph Djogbénou, la Commission compte trente membres (découvrez ici la liste des membres). Des cadres aux profils professionnels variés, appartenant à diverses obédiences politiques. L’on y retrouve les représentants des grandes tendances politiques actuelles au Bénin.
Le Président Patrice Talon a placé son mandat sous le sceau de la « rupture » et du « nouveau départ ». Ce qui passe par une batterie de réformes politiques et institutionnelles énumérées dans son projet de société. Dans son discours du vendredi, le président s’est engagé à implémenter ces réformes dans une démarche de consensus national. En associant les principales forces politiques à la commission des réformes, le chef de l’Etat veut, sans doute, montrer des preuves de son engagement. Mais en fait, sur la question du consensus autour des réformes, Patrice Talon a-t-il vraiment le choix ? Ses projets de réformes impliquent une révision de la Constitution béninoise. Pourtant, une jurisprudence de la Cour constitutionnelle établit que pour être valide, toute initiative de réforme constitutionnelle doit faire l’objet d’un large consensus national. Et même si elle traduit une certaine volonté de recherche du consensus, la Commission Djogbénou ne fait pas l’unanimité.
« Nous pas d’accord! »
Les réserves sur la Commission Djogbénou sont nombreuses. Elles portent sur l’effectif, la qualité de certains membres et la formation de son bureau. La première personnalité à monter au créneau est l’ancien Président de la république et ancien maire de Cotonou, Nicéphore Soglo. « Il faut faire très attention à la composition de cette commission», a-t-il prévenu vendredi dernier à la Marina, tout juste à la fin de la cérémonie d’installation. Le premier chef d’Etat du Bénin du renouveau démocratique craint qu’elle propose «certains organes qui ne se trouvent dans aucune Constitution du monde.»
« Nous pas d’accord! », a lancé Céphis Béo Aguiar sur sa page Facebook dans la matinée de ce lundi.
Le président du mouvement Les Potiers de la République et du parti école les Républicains estime que «ceux qui ont construit ce Bénin devenu mécanique et désertique ne peuvent s’asseoir à nouveau dans une commission pour projeter l’avenir. Aucun nouveau départ ne peut se prendre avec des muscles sclérosés et à bout de souffle! » Son appel au chef de l’Etat : «Monsieur le Président, cette copie est à revoir. On ne doit pas voler aux générations montantes leur rupture et leur alternance!»
La présence de certaines personnalités au sein de cette commission suscite quelques interrogations. On peut citer le juge d’instruction des affaires « empoisonnement » et « coup d’Etat », Angelo Houssou l’expert-comptable et conseiller spécial du chef de l’Etat, Johannes Dagnon. Rien à reprocher à leurs profils professionnels. Seulement, l’on peut se demander s’ils ont leur place dans cette commission, au regard de sa mission. Par contre, l’on peut regretter l’absence de personnalités comme Célestine Zanou et Me Sadikou Alao. La présidente du mouvement Dynamique des changements pour un Bénin débout est l’une des rares personnalités politiques béninoises à avoir produit ces dernières années de la réflexion (diagnostic et propositions de solutions) sur la réforme du système partisan. Observateur très averti de la vie publique béninoise, Me Sadikou Alao, a lui, publié un ouvrage sur les révisions constitutionnelles en Afrique francophones. Dans son livre « De la nécessaire relecture de nos constitutions en Afrique francophone », il plaide pour la promotion des constitutions de développement.
Un autre grief porte sur la formation du bureau de la Commission. Des sources indiquent que le bureau présidé par le professeur Joseph Djogbénou a été imposé par le Chef de l’Etat. D’ailleurs, des voix se demandent si en mettant plusieurs de ses hommes dans la Commission et en la faisant présider par Joseph Djogbénou, le Président Patrice Talon laisse vraiment le choix aux membres de lui faire d’autres propositions de réformes que celles de son projet de société
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