Aujourd’hui tueurs de voleurs, demain tueurs de « voleurs de la république »

Beaucoup parmi nous ont pu assister  ces jours-ci aux séances de vindicte populaire. A défaut, on s’est fait raconter ces évènements si fréquents dans notre cité et friands pour certains.

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 Occasion rêvée pour eux de montrer leurs bravoures et d’extérioriser la fibre barbare qui secoue leur tréfonds. Les vindictes populaires deviennent de plus en plus des spectacles aussi appréciés que ceux des Egoun goun, des zangbétos, qui intéressent et occupent assez de gens. On marche parfois pour des dizaines de kilomètres pour assister ou même participer à l’exécution de prétendus voleurs. Pour ne rien rater du spectacle macabre, on prend parfois le zémidjan ou solliciter les services d’un ami qui a une moto. C’est ainsi qu’il y a quelques jours, Sinoutin, petit quartier coincé entre Agla et Aibatin a connu son spectacle de vindicte populaire. Combien ne sont-ils pas à se déplacer des quartiers périphériques pour assister à l’holocauste. Dans le lac hier,  deux présumés voleurs de moto « dream ». Traqués depuis un quartier inconnu, ils ont fini par laisser leur butin pour se cacher dans un buisson marécageux. Des jeunes décidés à en finir avec eux ont investi leur cachette et ont réussi à mettre la main sur les deux malfaiteurs. Une fois pris, ils savent ce qui les attend. Jugés de manière expéditive, sans attendre la moindre décision d’un tribunal, ils sont condamnés à mort par la justice populaire. Ils n’auront aucune possibilité de se défendre et ne pourront pas faire appel. Jamais on ne saura les raisons de leur supposé « crime ». Entre la décision et l’exécution, il n’y a que quelques minutes. La première étape du spectacle a été de les ligoter. Puis, avec des bois récupérés dans les parages, la meute de jeunes vindicatifs dressés contre eux, ont conçu des croix de fortune sur lesquels ils ont été immobilisés et crucifiés tel Jésus-Christ à Golgotha. Et bonjour la cérémonie de leur exécution. Machettes, grosses pierres et bâtons parfois hérissés de clous s’abattaient sur eux sans  pitié. Chacun y va de sa manière, l’essentiel est de contribuer à l’exécution des deux parias du jour. Quelques minutes après, les deux individus complètement dénudés, ont le visage tuméfié et méconnaissable, le corps ensanglanté.  Avec des smartphones et des androïdes, on photographie ou filme le spectacle qu’on savoure à cœur joie. Touchés par la cruauté de leurs mises à mort, les plus sensibles quittent leurs lieux et laissent la proie aux téméraires qui jurent qu’il ne faut jamais les laisser vivants pour perpétuer leurs forfaits. Le spectacle dura plus d’une heure. Voilà les deux prétendus voleurs enfin groggy et mourants. Pour être rassurés qu’ils ne vivent plus, la meute des exécuteurs décide de les brûler. Il faut vite trouver de l’allumette et un peu d’essence. C’est en ce moment, que la sirène annonce l’irruption des sapeurs pompiers. Avant leur intervention, un courageux réussit à mettre le feu aux deux individus avant de prendre la fuite.

Depuis le matin, ‘’l’exploit’’ des populations de Sinoutin, Aïbatin et environs est sur toutes les lèvres à Cotonou. Il n’y a presque personne pour regretter la barbarie. Tous profèrent des jurons à l’endroit des deux voleurs immolés et se réjouissent du fait qu’il y a deux de moins. Sans s’en apercevoir, on laisse germer en chacun de nous la violence, la cruauté, l’esprit de vengeance. De plus en plus, j’ai l’impression que nous perdons une partie de notre humanité. Nous devenons plus impitoyables, plus intolérants et on sait que l’intolérance a conduit à la plupart des conflits de ces dernières années. On ne mesure pas souvent l’ampleur du drame psychologique.

Mais à quelque chose, malheur est bon, dit-on. Il n’est plus trop loin l’époque où le peuple choisira de rendre sa justice et de punir elle-même la prévarication. Les voleurs de milliards qui roulent carrosse et se la coulent douce ne  pourront plus perpétuer leurs forfaits pendant des décennies. Je sens gronder la tempête de la justice populaire. N’attendez  pas d’ici dix ans que ceux- là qui se ruent sur les voleurs de moto et de portables et les exécutent sans aucune gêne n’auront une quelconque excuse ou une indulgence vis-à-vis des « voleurs de la république » qui pillent les ressources publiques ; l’argent de l’eau, des routes, des écoles, des hôpitaux. Demain, grâce à whatsApp et facebook, lorsqu’on les aurait identifiés comme pilleurs de l’économie nationale, attendez-vous à voir des voitures cabossées, leurs maisons incendiées et eux-mêmes molestés et abattus de sang froid. Barthélémy Kassa n’oserait pas me démentir. Lui qui a échappé à un lynchage le jour de l’installation solennelle des députés de la 7è législature. Malgré la présence des militaires et de son garde-corps, il a sauvé sa peau en fuyant par une  issue dérobée de l’Assemblée nationale pour évider la meute de citoyens révoltés par sa gestion scandaleuse du Ppea2. Demain, pour des populations de plus en plus rongées par la pauvreté et la misère, la « vindicte des cols blancs » pourraient bien devenir une solution de se rendre justice. Ce n’est forcément la bonne solution mais en l’absence d’une justice des institutions trop lentes qui punit et fait rendre gorge à ceux- là, la rue constituerait  une bonne alternative

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