Bénin : Le jour des comptes et des décomptes

Mercredi, jour du conseil des ministres au Bénin. L’événement est sanctionné par un communiqué. La majorité de nos compatriotes n’en retiennent que les « nominations et les limogeages ».

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Nous sommes sous un nouveau régime politique. Un régime qui cherche à se pourvoir d’hommes et de femmes de confiance. Un régime qui veut se soulager des vers tapis dans le fruit.

Le mercredi est ainsi et désormais un jour en bonne place dans l’agenda des Béninois. Comme le vendredi pour les Musulmans. Comme le dimanche pour les Chrétiens. La grande messe du mercredi divise le Bénin en au moins six grandes chapelles. Chacune d’elles, selon sa vision et ses intérêts, étale ses sentiments et ses ressentiments. Six Bénin cohabitent donc tous les mercredis, le temps de savoir qui, dans la semaine, prend son envol ou qui est contraint à un atterrissage forcé.

Le Bénin de ceux qui ont mouillé le maillot. Il s’agit de ceux   qui ont pris une part notable à la victoire du candidat Patrice Talon. Ils avaient été de tous les meetings. Ils étaient allés par monts et par vaux, sur toute l’étendue du   territoire national. Maintenant que la table de la victoire est dressée, ils attendent leur carte d’invitation. Ne dit-on pas que le réconfort est au bout de l’effort ? Une équipe de nos équipes de football, « Alliance » de Cotonou, avait pour devise : Dodji, gamêlé » Patience, donnons du temps au temps. Notre tour viendra.

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Le Bénin de ceux qui ne comptent que sur leurs compétences. Il s’agit de ceux qui n’ont pas d’accointances particulières avec le nouveau régime. Soit qu’ils ont été du camp d’en face pendant les joutes électorales. Soit qu’ils sont de la race de ces cadres qui ne font point de la politique leur tasse de thé. Comptant avant tout sur leurs compétences, ces cadres ne s’affolent guère. Le Bénin, se convainquent-ils, ne peut se construire qu’avec ses enfants. Et si nominations il devait y avoir, ils se comptent, par avance, au nombre des hommes qu’il faut à la place qu’il faut.

Le Bénin de ceux qui sont du clan des amis, parents et alliés. Un proverbe béninois assure qu’il peut s’interdire de manger des pommes non mûres celui-là qui compte sur l’un des siens haut posté sur l’une des branches du pommier. C’était la vérité d’hier. A-t-elle changé depuis ? Nombre des membres du clan des amis, parents et alliés se sentent ainsi des droits. Aussi attendent-ils d’être honorés d’un devoir légitime de reconnaissance. Pendant que nous y sommes, c’est nous.

Le Bénin de ceux qui ne se sentent plus que sur un siège éjectable. Soit qu’ils ont pactisé avec le régime défunt au-delà du raisonnable. Soit qu’ils ne se sentent pas à l’aise sous le soleil du nouveau régime. Soit qu’ils traînent de grosses casseroles, le bruit de celles-ci les rappelant constamment à l’attention universelle. « Qui craint de souffrir, dit l’adage,   souffre déjà de ce qu’il craint ».

Le Bénin des acrobates et des experts en retournement de veste. Le vent du nouveau départ ne peut pas leur être favorable. Ils ont tant et tant de choses à se reprocher. Mais ils ont un atout-maître : ils savent ramper, ils savent s’agenouiller, ils sont prêts à ravaler leurs vomissures, ils sont prêts à adorer   ce qu’ils avaient rejeté hier. Nous avons affaire à des girouettes à la merci de tous les vents dominants. Sans direction, sans destination, sans vision, ils se livrent en aveugles, pour parodier Racine, à la météo du ciel politique qui les entraine.

Le Bénin, enfin, de ceux qui n’ont part à rien et dans rien. Dans leurs positions, ils ne sont concernés ni de près ni de loin par cette valse de nominations et de limogeages. Mais ils ne boudent point leur plaisir des mercredis. Ils se délectent à peu de frais du spectacle des départs et des arrivées. Ils comptent les coups. Ils tiennent comptabilité de tout. Quel délice, ces moments uniques d’un défoulement intégral.

Ainsi va le Bénin des mercredis. Sous le choc des sentiments et ressentiments divers. Dans le vacarme des départs et des arrivées.  C’est un peu l’histoire de Sagbo qui rit et de Zinsou qui pleure. Mais l’un et l’autre sont Béninois. Il faut qu’ils s’acceptent tels. Pour le bien du Bénin, leur pays

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