L’éloge de la culture

Tremblement de terre dans l’univers de la culture. Le Président de la République, ce soir du 27ème  jour du mois de mai, en l’an de grâce 2016, fit son apparition sur un lieu de spectacle.

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On y jouait la pièce de théâtre « Kondo le requin ». Auteur : l’immense Jean Pliya d’heureuse mémoire. Metteur en scène : Tola Koukoui, l’illustrateur talentueux, le défenseur infatigable du tout culturel.

Le geste du Chef de l’Etat est exceptionnel. Il est de l’ordre de l’inédit. Capp Fm, votre radio, dix ans durant, sur fonds propres, a organisé, au bénéfice de nos jeunes concitoyens en vacances, « Collège Star », puis « Star Promo ». Aucun des ministres de la République invité à ce Festival de musique et de chorégraphie n’a ni fait le déplacement ni daigné se faire représenter.

C’est sur ce fond d’indifférence, voire de mépris que le geste du chef de l’Etat prend du sens et du relief. Il s’agit, pour la culture, d’un acte majeur d’intérêt, d’attention, de soutien. Il faut y lire le symbole d’un engagement franc pour la culture.  Car la culture, c’est ce qui m’identifie et justifie mes sentiments profonds d’appartenance : qui suis-je ? C’est ce qui me signifie dans la longue chaîne des humains : pourquoi suis-je moi et différent, comme tel, de l’autre ? C’est ce qui me sert de boussole sur mon chemin de vie : où vais-je ? C’est ce qui donne sens et du sens à tout ce que je fais : comment dois-je piloter ma vie, souvent par vents contraires et sous la menace des influences venues d’ailleurs ?  La culture, c’est la vie.   

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C’est quand on perd les repères de la culture qu’on tend à la réduire à un simple appendice de l’essentiel. On la tient alors pour l’accessoire, le secondaire dont on s’occupe après qu’on s’est préoccupé du principal. La culture, dans cette vision étroite et rabougrie, peut se laisser porter par l’expression courante, « Ce qui reste quand on a tout oublié ».

Il faut s’en convaincre, la culture est notre référentiel N°1. On pourrait parfaitement concevoir un gouvernement ramené aux dimensions du seul et unique ministère de la Culture. La culture me convainc de ce que je ne suis pas un être de hasard. Je suis l’un des maillons vivants d’une longue chaîne humaine. La culture me révèle que je suis riche d’un impressionnant patrimoine matériel et immatériel, lui-même riche d’œuvres de beauté, de productions intellectuelles, de sciences diverses, dont, par exemple, celle des plantes et du traitement de nombre d’affections. La culture se moque de nos modes vestimentaires, tout sanglés que nous sommes dans des complets vestons, la cravate au cou, sous le soleil cannibale de nos latitudes tropicales. La culture se moque également de nos habitudes alimentaires actuelles, importatrices de nouvelles maladies, après que nous avons jeté aux oubliettes la riche palette de nos mets, fruit d’un art culinaire consommé, d’une science gastronomique éprouvée.

Comme on le voit, défendre la cause de la culture, ce n’est ni brasser du vent ni agiter des concepts vides. C’est mordre concrètement sur la vie des gens, c’est changer les perspectives de ceux-ci. Car, la culture nourrit le corps, entretient l’esprit, nous réconcilie avec nous-mêmes, conduit la vie vers les eaux apaisées de l’éternelle jouvence. C’est pourquoi, on n’aura jamais assez fait pour la culture. Chez nous, on regarde vers le Fonds d’aide à la Culture (FAC). C’est bien. Bravo. Mais ce Fonds mérite d’être réformé. Aidons-le à révéler notre potentiel de créativité. Orientons-le pour soutenir notre capital de création. Nous devons également regarder et observer ce que font les autres : former des artistes et des personnels d’encadrement, de gestion de la chose culturelle ; faire entrer plus d’auteurs locaux dans les programmes scolaires ; affecter aux artistes, à des fins de décoration et d’embellissement, d’une part des investissements publics dans diverses infrastructures ; décentraliser la culture, pour qu’on la voit et la vive dans chacune des 77 communes de notre pays plutôt que de la confiner entre quatre murs à Cotonou.

Comme on le voit, nous avons du pain sur la planche. Mais nous sommes rassurés depuis que le Président Patrice Talon est monté sur les planches. Non pour jouer « Kondo le requin », mais pour se réclamer « Kondo le requin de la Culture », dans cette « mer de compétences » qu’est le Bénin. Cela a tout l’air d’un nouveau départ, du nouveau départ culturel

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