La guerre des Vieux et des Jeunes

La querelle des Anciens et des Modernes a eu lieu. Ce fut celle qui, en Europe, au XVIIe et au XVIIIe siècle, a agité le monde de la littérature. La guerre des « Vieux » et des « jeunes » aura-t-elle lieu au Bénin ?

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Disons qu’elle est en cours. Elle dépasse les dimensions d’un conflit de génération. Comment se manifeste-t-elle ? Comment la comprendre ? Comment la gérer ?

Vous êtes dans la rue. Soudain, fuse de la bouche d’un jeune homme à l’adresse d’une personne du troisième âge la grossière interjection : « Papa yi gbodjè », « Casse-toi, Papa. Vas te reposer ». C’est la guerre des « Vieux » et des « Jeunes » qui fait rage.

Vous êtes dans une administration. Ca grogne fort. Pas la moindre place au sourire, le moindre geste d’amabilité et d’affabilité. Des collègues d’une même administration, au lieu de fraterniser dans le travail, se regardent en chiens de faïence. Pourquoi ? Certains « aînés », en fin de parcours professionnel, admis, par conséquent, à faire valoir leurs droits à la retraite, s’accrochent ferme. Ils refusent de raccrocher les gants. Ils font de l’ombre aux plus jeunes. Ils retardent la promotion ceux-ci. C’est la guerre des « Vieux » et des « Jeunes » qui fait rage.

Vous êtes dans une famille. Les parents se murent dans un silence de cimetière. Leurs enfants qui, visiblement, n’ont rien à leur dire, s’évadent par les mille et un labyrinthes de leurs smartphones. Sous le toit d’une même maison, ce sont des étrangers qui cohabitent. Ils n’ont rien à se dire. Rien à partager. Rien à apprendre des uns des autres. C’est la guerre des « Vieux » et des « Jeunes » qui fait rage.

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Nous qui croyions que le Bénin est un pays en paix, un pays de paix. Désillusions-nous. Prenons l’exacte mesure du danger qui nous menace. Réveillons-nous au risque de disparaître, corps et biens, emportés comme un fétu de paille, par les eaux en colère d’un torrent dévastateur.

La guerre des « Vieux » et des « Jeunes » dans la rue traduit l’affaissement général de nombre de nos valeurs de vie. Le manque de savoir vivre est, ici, l’expression d’une impolitesse sans limite. Le respect dû aux personnes âgées, marque d’une bonne éducation, disparaît. Nous avons franchi, par pur libertinage, la limite fatale. Ceci, depuis que nous nous sommes laissé réduire à traiter nos chers parents de « Camarade papa » ou de « Camarade maman ». Ce libertinage a un coût. Ce libertinage a laissé des traces durables. Ce libertinage se transmet d’une génération à l’autre tel un héritage maudit. Aussi sommes-nous tous interpellés. Une conscience citoyenne nouvelle est à naître. Une conscience civique nouvelle est à promouvoir.

La guerre des « Vieux » et des « Jeunes » dans l’administration met au jour une injustice inqualifiable, souligne le laxisme de l’Etat, atteste du divorce de celui-ci d’avec le droit. Qui choisit d’entrer dans l’administration souscrit à un engagement contractuel. Celui-là se contraint, à date échue, à partir. Comme nous le montre et nous le démontre la nature. En effet, les arbres, à saisons régulières, perdent leurs vielles feuilles au profit de jeunes pousses, symbole de la vie qui se renouvelle, de la vie qui continue. Les « Vieux », au terme de leur parcours, doivent faire place nette. Ils doivent céder leur siège à leurs cadets. C’est un passage de témoin nécessaire pour que la vie, à l’instar d’une flamme, continue d’entretenir la vie.

La guerre des « Vieux » et des « Jeunes » dans les familles n’est que le reflet d’une communication intergénérationnelle difficile. D’un côté, les parents pensent qu’ils ont affaire à des « enfants perdus », pris dans le tourbillon de la mondialisation, pris au piège des mutations en tous genres qui affectent nos sociétés. De l’autre côté, les enfants croient dur comme fer que leurs parents sont dépassés, hors jeu, hors circuit. Comme s’ils avaient affaire à des objets inanimés. Qu’est-ce qu’on a à dire à une table ? Rien. On mange dessus, sans plus. Voilà qui met le doigt, dans sa réalité, dans sa gravité, dans sa vérité, sur une guerre totalement inutile, une guerre dommageable, à tous égards, à la famille. On semble l’oublier : la famille est la première cellule de la société. Une bataille perdue à ce niveau vaut une guerre perdue à l’échelle de la société tout entière. On doit se le tenir pour dit : un homme prévenu en vaut deux.

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