« Grogneurs » assimilés aux journalistes : Les Seniors de la presse écrite interpellent la HAAC

Les « grogneurs » assimilés en bonne et due forme aux journalistes et autres professionnels de l’information et de la communication. C’est ce que dit l’article 22 du Code de l’Information et de la Communication voté par les députés et promulgué par le chef de l’Etat le 20 Mars 2015 sous le numéro 2015-07.

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L’Amicale des Journalistes de la Presse écrite du Bénin (ARPEB) a jugé le cas assez grave pour faire part de ses préoccupations à qui de droit : la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication (HAAC). Le débat n’est pas sans intérêt dans ce contexte de « Nouveau départ. » Lisez plutôt.

Le chapitre III de la Loi 2015-07 portant Code de l’Information et de la Communication en république du Bénin définit en son article 21 la profession de journaliste, et en son article 22 les professions assimilées et auxiliaires à la fonction de journaliste.

1) A l’article 22, il est précisé : « sont considérés comme assimilés et auxiliaires à la fonction de journaliste, les professions suivantes :

– les rédacteurs traducteurs :

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– les sténographes rédacteurs ;

– les documentalistes de presse ;

– les correcteurs de presse ;

– Les reporters-photographes :

– les graphistes et spécialistes de la publication assistée par ordinateur (PAO) ;

– les opérateurs de prises de vues et de sons ;

– les caricaturistes ;

– les assistants de production ;

– les réalisateurs ;

– les scénaristes ;

– les scriptes ;

– les chroniqueurs animateurs ;

– les chroniqueurs animateurs en langues nationales ;

– les animateurs :

-les grogneurs.

La classification des assimilés ou auxiliaires à la fonction de journaliste est précisée par décret pris en Conseil des Ministres. »

2) L’attention du Bureau directeur de l’Amicale des Retraités de la Presse écrite du Bénin (ARPEB) a été attirée par la classification des « grogneurs » comme une profession, au même titre que les quinze (15) autres citées comme assimilées et auxiliaires à la fonction de journaliste.

3) Cette prise en compte nous parait assez grave dans une loi dont l’objectif est de concourir à régler, dans la durée, un certain nombre de questions restées en suspens depuis la démonopolisation du domaine de l’information et de la communication. En effet, si la liste dressée comporte des métiers dont la matérialité et l’existence, aussi bien en journalisme que dans les activités de communication, sont évidentes, le métier ou la profession de « grogneur » appelle des interrogations légitimes qui méritent des réponses claires et sans équivoque. Et c’est parce que l’ Amicale des Retraités de la Presse écrite du Bénin ( ARPEB ) s’est trouvée dans l’incapacité de trouver des explications convaincantes pour ériger la grogne en métier pouvant figurer dans la liste d’une loi pour codifier les pratiques en journalisme et dans la communication, que nous avons jugé indispensable de vous faire part de nos remarques et observations sur les implications de cet article 22 du Code de l’ Information et de la Communication .

A- Des remarques

 1) La grogne consiste à exprimer son mécontentement en protestant de manière sourde ou indistincte face à une situation, contre une décision.

Un grogneur ou une grogneuse est une personne qui réprime sa mauvaise humeur, sa désapprobation par rapport à un fit plus ou moins grave.

La grogne relève donc plus d’un état d’âme, que l’exercice d’une profession apprise et exercée selon les règles de l’art. C’est une disposition d’esprit qui amène une personne à se prononcer à un moment donné, et de manière plus ou moins véhémente, sur des questions par lesquelles elle se sent interpellée en tant que citoyen.

2) Grogner ne demande donc pas une formation particulière comme c’est le cas pour les quatorze(14) autres métiers énumérés dans l’article 22 et dont les praticiens sont formés dans des écoles et centres de formation.

3) Le grogneur qui intervient dans une émission radiophonique ou télévisuelle interactive n’est pas tenu d’avoir une qualification requise en matière d’information et de communication. Il s’agit d’un citoyen qui expose ses préoccupations sous l’éclairage d’un professionnel du domaine qui sert de modérateur avec l’auditoire.

B- Des observations

1) Eriger les « grogneurs » comme des praticiens d’un métier précis , comme les techniciens de prise de vues ou de sons , les caricaturistes ou les documentalistes de presse , pose un problème sérieux dans la mesure où la grogne est une pratique qui ne peut être codifiée.

 Grogner relève plus de la liberté qu’ a un citoyen de faire connaitre son point de vue sur un problème selon son état d’âme , d’émettre des critiques dont le professionnel des médias doit s’assurer du bien fondé et l’honnêteté .

2) La liste des métiers assimilés ou auxiliaires à la fonction de journaliste figurant à l’article 22 doit permettre d’avoir une idée précise sur tous les professionnels des médias pouvant prétendre à la carte nationale de presse. Elle ne doit donc souffrir d’aucune interprétation tendancieuse. Ce qui n’est pas le cas.

3) Il est impératif de faire la démarcation entre les véritables professionnels de l’information et de la communication et les simples utilisateurs des médias –auditeurs et téléspectateurs – dont font partie les « grogneurs » qui ne sont pas tenus d’avoir une formation spécifique dans le domaine.

Conclusion

 Citer dans le Code de l’Information et de la Communication les « grogneurs » comme exerçant un métier assimilé ou auxiliaire à la fonction de journaliste est une dérive qui peut avoir des conséquences fâcheuses pour la clarification nécessaire au sein des travailleurs du monde des médias. A ce rythme, on risque à terme de transformer tous les participants aux émissions interactives en auxiliaires de presse. La profession qui gagnerait à être assainie deviendrait alors très vit un fourre-tout. L’Amicale des Retraités de la Presse écrite du Bénin estime que le fait d’inscrire ainsi les « grogneurs» dans le Code de l’Information et de la Communication pose un sérieux problème dont la résolution interpelle la Haute Autorité de l’Audiovisuel et de la Communication.

La grave question liée à l’article 22 du Code est celle de l’obtention de la carte nationale de presse. Les « grogneurs » peuvent-ils prétendre à cette carte qui est le document essentiel des journalistes et des autres travailleurs des médias ?

En tout état de cause, le débat est indispensable avant que ne soient pris les principaux décrets d’application du Code, en particulier celui sur la classification des assimilés ou auxiliaires à la fonction de journaliste.

Cotonou, le 03 Juin 2016
Pour l’Amicale des Retraités de la Presse écrite du Bénin (ARPEB)
Noël ALLAGBADA

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