Découpage territorial au Bénin : La décision du gouvernement ne règle pas le problème (PCB)

Le Conseil des ministres en date du 22 juin 2016 a décidé la mise en œuvre de la loi portant découpage départemental de 1999. Il a ainsi désigné les chefs-lieux des nouveaux départements et nommé les préfets. Passant outre les protestations ouvertes ou sourdes aux choix des nouveaux chefs-lieux, notamment ceux des départements des Collines ou de l’Atlantique.

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Appréciant ces manifestations de protestations des populations, le Parti Communiste avait, dans un communiqué en date du 20 juin 2016, publié sa position face à la question récurrente du découpage territorial. (Voir ci-dessous). S’appuyant sur le principe du découpage administratif sur la base de « l’unité historique, linguistique et culturelle des peuples à rassembler dans une même région », le PCB a rappelé sa proposition que le Bénin soit découpé en quarante-deux départements. Cette position a soulevé de la part de certains thuriféraires inconditionnels du nouveau pouvoir des commentaires hystériques et des cris d’agacement contre ces communistes qui empêcheraient de tourner en rond. On les entend dire, à travers ces cris, que par ces propositions, le PCB veut « ethniciser » le pays ; que « quarante-deux départements, c’est irréaliste »,  » c’est, trop » ;  que  » les finances du pays ne peuvent soutenir de telles propositions ». Etc.

Notre peuple, après le rejet de la recolonisation, est une fois encore face à son destin. Sachant que les hauts cris des pouvoirs qui se sont succédé dans notre pays ont souvent servi à couvrir des choix qui se révèlent préjudiciables au peuple, il s’avère plus que jamais indispensable d’éclairer les débats face à ces choix.

Lire Découpage territorial : Luc ATROKPO et l’ANCB félicitent le président TALON

1-  A propos du procès de l »ethnicisation » du pays par le Parti Communiste

Que le Dahomey, aujourd’hui Bénin, territoire taillé par la conquête coloniale soit un pays pluri-ethnique, et qu’il le demeure, cela est un fait indépendant de la volonté de qui que ce soit. Il est par conséquent aberrant de taxer quelqu’un de vouloir ethniciser le pays. Le Bénin est pluriethnique. Tous les sociologues, linguistes, démographes le rabâchent dans chacune de leurs publications. Soit, on feint ou on décide de l’ignorer et alors on prend des décisions arbitraires qui étouffent et créent des conflits inutiles entre les communautés comme l’ont fait les administrateurs coloniaux et leurs soutiens, soit on en prend acte et l’on cherche des solutions dans ce cadre pour l’émancipation des hommes. C’est cette dernière position que les communistes ont choisie. Ailleurs, des pays comme le Nigéria n’ont même pas craint de donner des noms des ethnies à des Etats fédérés ou à des gouvernements locaux. On peut ainsi trouver Ogun state, Oyo state, Edo state, sans que cela nuise à leur politique administrative.

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2- Le réalisme des propositions du PCB

Des contradicteurs clament que les propositions du PCB sont irréalistes. En quoi consisterait le réalisme, ils ne nous le disent pas. Or, le réalisme d’une solution doit s’apprécier par son adéquation à la réalité vivante. Dans le cas présent, il s’agit d’adopter le meilleur cadre de l’administration des hommes pour leur émancipation. Le découpage qui tient compte des contours dessinés par la communauté d’histoire, de langue et de culture, dans un pays pluriethnique apparaît nettement le meilleur.

3- « Quarante-deux départements, ce serait trop ! »

Ainsi, hurlent les hérauts défenseurs du choix du pouvoir. En quoi et par rapport à quoi ce serait trop, on ne nous le dit pas clairement. Est-ce par rapport au nombre retenu par le pouvoir ? Si c’est le cas, cela revient tout simplement à la soumission sans analyse critique aux décisions du nouveau pouvoir en place. Et on sait là où conduit cette attitude d’encensement injustifié des autorités : l’instauration du pouvoir clanique et dictatorial.

Ou alors « quarante-deux départements, c’est trop » au vu des ressources financières du pays ? Cet argument, qui apparaît massue et décisif pour certains, conduit toujours au conservatisme néocolonial et à la régression. Ce qui est juste et progressif devant une question arrivée à maturité consiste à la démarche suivante : on adopte d’abord et d’emblée le principe ; et ensuite on planifie la mise en œuvre. Il y a des foules d’exemples du genre, comme la gratuité de l’Ecole, l’égalité entre l’homme et la femme, etc.

Le principe admis, le Bénin manquerait-il de ressources financières pour décider de quarante-deux départements ? Non. Car les quarante-deux chefs-lieux de régions font partie des communes actuelles ; et un plan d’équipement et de développement équilibré devrait déjà prendre en compte ces communes. Dans l’équipe gouvernementale actuelle de Talon, il y a des gens comme Pascal I. Koupaki qui, lors de la campagne présidentielle, avait promis consacrer, chaque année, 25% du budget national, soit au moins 280 milliards par an, au développement des communes. Une fois la proposition du PCB adoptée, il y aurait donc suffisamment de ressources pour sa mise en œuvre planifiée. Voilà un exemple concret.

4- Des exemples autour de nous.

Bien sûr, comparaison n’est pas toujours raison. Mais lorsque les contextes sont semblables, la comparaison des solutions vaut raison. A côté de nous, le Togo, 56000 km2 (soit deux fois moins que le Bénin) et qui compte beaucoup d’ethnies dont certaines communes avec le Bénin, est découpé en 35 départements. La Côte d’Ivoire, 322 000 km2 (environ trois fois plus que le Bénin) est découpé en 108 départements. Alors les dirigeants togolais et ivoiriens sont-ils irréalistes comme les communistes du PCB ?

5- A titre de conclusion

La décision du Conseil des ministres du gouvernement Talon en date du 22 juin qui a consacré le découpage en 12 départements ne règle pas le problème du découpage territorial. Tant les réalités historiques et socio-culturelles sont têtues et remontent à chaque pas.

Des journaux se sont lancés dans des louanges dithyrambiques au Chef de l’Etat, à son courage pour avoir décidé des chefs-lieux des départements contrairement à ces prédécesseurs. Mais le courage n’aurait-il pas été d’aller dans le sens des propositions du PCB, à l’exemple de ce qui est déjà réalité au Togo de Faure Gnassingbé ou en Côte-d’Ivoire de Alassane Ouattara ? Le courage n’aurait-il pas été mieux mérité si l’on renonçait aux nominations remerciements-placements au profit de ce qui est réclamé par les travailleurs et citoyens, l’élection des DG, à l’exemple de ce qui se fait déjà dans les universités publiques du Bénin ? Et puis, à côté et en dehors de cela, le véritable courage n’est-il pas demandé et attendu dans l’éclaircissement des dossiers de pillage économique, Maria-gléta, PPEA2, machines agricoles, Icc-services, Cen-sad, Lépi, Fadec, etc., dans  les dossiers de crimes de sang, Dangnivo, Sohoudji, El hadj Fawaz, caporal Dangou ?  Mettre fin au système d’impunité et du pacte colonial, c’est le contenu de la rupture que le peuple attend du courage du Président qu’il a élu.

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