2006-2016. En dix ans, le Bénin a été le théâtre d’un palpitant combat socio-politique ayant opposé le Président Boni Yayi à des ténors de la classe politique béninoise, des organisations syndicales, des opérateurs économiques et d’autres Béninois tenant à la bonne gouvernance du pays.
Dans «Ceux qui ont résisté, la biométrie enchantée», un Essai qu’il vient de publier à IRG Editions, l’éminent professionnel des médias béninois qui a démissionné de la télévision publique prise en otage pendant cette décennie, Fritzell Sintondji en donne un compte rendu édifiant.
De 1991 à 2016, la dernière décennie aura été plus palpitante dans l’histoire du renouveau démocratique du Bénin. Pour cause, de 2006 à mars 2016, d’intenses combats entre le Président Boni Yayi et des ténors de la classe politique ainsi que des organisations syndicales, des citoyens défenseurs de la bonne gouvernance. C’est ce que l’ancien journaliste à la télévision nationale Ortb et activiste-idéaliste, Fritzell Sintondji rappelle dans «Ceux qui ont résisté, la biométrie enchantée», un Essai qu’il vient de publier à IRG Editions.
Le blanc-seing des Béninois à Boni Yayi
Au début de l’épique dernière décennie, en 2006, rien ne se présageait d'un avenir tumultueux.
Election présidentielle du printemps 2006, Elu au 2nd tour « à plus de 74% des suffrages, pour la première fois au Bénin, exceptée la période marxiste-léniniste…, le candidat Boni Yayi élu Président de la République pouvait se prévaloir d’un plébiscite et d’une légitimité évidente pour gouverner » rappelle Fritzell Sintondji dans la première partie de son livre intitulée « Le blanc-seing des Béninois à Boni Yayi ». Il indique qu’« il y eut surtout les mouvements grégaires épouvantables de beaucoup de Béninois qui voyaient en Boni Yayi, un homme providentiel qui avait remède à tous les maux auxquels ils étaient confrontés ».
Pour eux, « Banquier de profession, le nouveau président devait inonder le Bénin d’argent frais, d’assez de billets de banque qui feraient redémarrer toutes leurs affaires, mêmes les plus hasardeuses ». Mais erreur, la désillusion est trop vite arrivée : « Sous les oripeaux de l’expression et de la manifestation d’une relation directe entre le pouvoir et le peuple, le nouveau Président a progressivement glissé semaine après semaine dans une situation de campagne électorale permanente ». L’essayiste constate à demi-mot, un populisme sauvage d’un « Président qui ne manquait aucune occasion pour s’offrir des bains de foules » avec une « hyper médiatisation assurée par une grappe de journalistes toujours embarqués ». La désillusion selon l’essayiste n’a pas épargné les ténors de la classe politique béninoise condamnés à résister pour subsister.
Les premiers châtiments
Ce ne fut pas la joie pour les acteurs politiques qui devront résister face au banquier Boni Yayi venu au pouvoir avec l’intention de les écraser pour régner, omniprésent, omnipuissant. Le combat sera sans merci. Fritzell Sintondji raconte que « Tétanisés par les méthodes maximalistes de Boni Yayi qui laisse entrevoir son inclination aux pleins pouvoirs, les députés unanimement à l’Assemblée nationale vont tenter une prorogation unilatérale de leur mandat, passant de quatre à cinq ans ». Objectif, rappelle l’essayiste, « faire coïncider leur mandat parlementaire avec le quinquennat du Président ». L’initiative cousue de fil blanc, souligne l’auteur, est prise parce que « les députés redoutaient la popularité de Boni Yayi ». Ce fut un échec. La cour dit « non ». Fritzell Sintondji note que « La prorogation du mandat législatif finissant se révèlera un échec annonciateur de biens d’autres pour ces parlementaires ». Sur ce, « Boni Yayi est le premier à se frotter les mains ». Ce n’est pas tout. « Au soir des législatives de mars 2007, beaucoup de locataires du Palais des Gouverneurs n’y ont plus retrouvé leurs places.» rappelle l’essayiste expliquant que « Boni Yayi a triomphé de nouveau et pouvait maintenant se targuer de sa propre majorité à l’Assemblée nationale ». Seulement relève l’auteur, avec « cette main basse sur la représentation nationale » et une irruption brutale dans l’espace vitale des honorables députés, « Boni Yayi franchit le seuil de trop ». Comme une bête politique, le nouvel homme fort du Bénin, raconte-t-il dans ce livre, dictera sa loi au parlement à qui il a donné un chef acquis à sa cause. C’est inédit au Bénin souligne Fritzell Sintondji selon qui, depuis 1991 « jamais aucun Président ne s’est autant immiscé dans le fonctionnement de l’institution parlementaire ».
La première résistance à Yayi
La révolte n’a pas tardé à s’organiser. « Tenant un peu des mêmes fibres souverainistes de la représentation nationale hissée au pinacle par les députés de l’épopée 1991- 1995…, une poignée de députés de la 5ème législature s’engagèrent dans la résistance » explique l’auteur. Ces résistants politiques ont noms « Sacca Fikara, Augustin Ahouanvoebla, Janvier Yahouedehou, Valentin Houdé, Kolawolé Idji, Eric Houndété, Lazare Sehoueto, Issa Salifou épaulé par le seul leader resté dans l’opposition, Adrien Houngbédji » et les artisans de la victoire de Boni Yayi dans l’entre-deux tours désabusés, « Nicéphore Soglo, Bruno Amoussou, Rosine Vieyra Soglo, Lehady Soglo, Séfou Fagbohoun ». Sans occulter biens d’autres éperdus de démocraties n’ayant aucun mandat protecteur comme celui de parlementaire avec son immunité.
Il en cite « Patrice Talon, Abdoulaye Bio Tchané, Gaston Zossou, Guy Ossito-Midiohouan, Célestine Zanou, Vincent Foly, Osias Sounouvou, Wilfried Houngbédji ». A ces individus s’ajoutent les forces progressistes, des organisations syndicales, l’Union nationale des magistrats du Bénin qui a « de bout en bout résisté à la propension du Président Yayi d’étendre son champ d’influence » sur le secteur de la justice. Comme un témoin attentif de l’actualité, Fritzell rend compte des combats de ces hommes, ces organisations au prix de lourds sacrifices allant de châtiments économiques, sabotages à l’exil.
L’ultime résistance
Face à Boni Yayi, la lutte, ce que Fritzell appelle « résistance » a eu lieu en plusieurs phases sur la dernière décennie. S’il a gagné ses premières batailles, Boni Yayi avec le temps, a fini par tomber. L’essayiste parle de l’« ultime résistance » qui a consacré la fin de son régime. Cette ultime résistance a pour point d’ancrage le parlement avec la désignation, dans la nuit du 19 au 20 juin 2015, du chef des députés de la 7ème législature. Il s’agit d’une « élection finalement aux allures de tournant décisif pour la fin du 2ème quinquennat de Boni Yayi ».
Dans ce parlement où il a triomphé en 2007, Yayi est passé à l’échec avec la défaite de son candidat au perchoir, battu à une voix près par l’actuel chef du parlement Me Adrien Houngbédji soutenu par les forces de résistances toutes tendances confondues. L’ultime résistance, c’est aussi le combat autour de l’actualisation de la liste électorale ayant servi à la présidentielle de mars 2016 qui s’est soldée par l’échec à nouveau de Boni Yayi malgré des ralliements spectaculaires de ceux qui l’ont combattu comme Adrien Houngbédji, Léhady Soglo. Fritzell Sintondji parle alors d’une « classe politique aux enchères ». Une chute qui laisse entrevoir d’autres champs de résistances dans un pays miné par des intrigues politiques.