Rapatriement des trésors royaux d’Abomey : Marie-Cécile Zinsou en parle (vidéo)

Marie-Cécile Zinsou, Photo : DR

Au Bénin les autorités politiques viennent de prendre la décision de faire rapatrier sur leur sol, les trésors royaux emportés en France pendant la période coloniale. A la tête de la célèbre Fondation Zinsou au Bénin, la franco-béninoise Marie-Cécile Zinsou a livré à la Nouvelle Tribune ses impressions sur le sujet. Elle approuve la décision du gouvernement béninois mais estime que c’est un « chantier colossal ». Comment et pourquoi ?, Suivez, plutôt la vidéo.

Au premier plan parmi les acteurs culturels béninois, présidente de la grande fondation Zinsou au Bénin, Marie-Cécile Zinsou est particulièrement intéressée par la récente décision prise par les nouvelles autorités politiques à savoir : rapatrier les trésors d’Abomey emportés pendant la conquête coloniale. Rencontrée à ce propos, la franco-béninoise, sans langue de bois, estime que la France doit rendre les biens patrimoniaux du Bénin. Mais a-t-elle constaté, il y a  des préalables pour le gouvernement béninois.

Publicité

L’actualité dans le milieu du tourisme et de la culture au Bénin, c’est la décision du gouvernement de faire rapatrier au  pays, les trésors royaux d’Abomey emportés en France. Comment appréciez-vous cette décision ?

La question de la conquête coloniale et du rapatriement des objets est une question qui est présente depuis longtemps. Ce n’est pas une question qui est spécifiquement béninoise. On connait les demandes qu’a formulées la Grèce pour récupérer des objets au British muséum à Londres. Il y a beaucoup de pays qui sont soumis à ça puisque le monde a été fait  de guerres et de conquêtes coloniales dans toute son histoire. C’est une situation qui est assez classique et qui n’est pas une situation que nous sommes les premiers à connaître. Aujourd’hui en Afrique de l’ouest, nous sommes les premiers à entamer une demande de restitution aussi importante. Je pense qu’il était temps que cette demande arrive, c’est une demande logique. Ça fait longtemps qu’on aurait pu le faire  et ça a même été proposé plusieurs fois. Il y a déjà eu des débats, des discussions. Les objets du musée du Quai Branly sont venus au Bénin en 2006 et ils ont été présentés en exposition  à la demande du  Président Boni Yayi  et du Président Chirac. Donc il y avait  déjà eu des initiatives autour des questions de patrimoine. C’est une initiative logique dans notre histoire et qui arrive au bon moment.

https://www.dailymotion.com/video/x7l9oav

 On parle des objets volés pendant la période coloniale. N’y a-t-il que ça ? Il y a plusieurs autres trésors non ?

Chaque oeuvre a son histoire propre et il ne faut pas les confondre. Tous les objets du Dahomey dans le monde ne sont pas pris en 1892. Il y a deux types d’objets. Les objets concernés par la demande du gouvernement sont uniquement les biens pris en 1892 pendant la conquête coloniale par le général Dodds et exposés au musée du Trocadéro qui plus tard vont se retrouver dans les réserves du musée du Quai Branly. On parle d’une quarantaine d’objets. Ensuite on a les objets des soldats de la conquête. Les soldats de la colonne Dodds ont reçu chacun des objets après cette conquête coloniale en rentrant en France. Donc, il y a aussi du patrimoine qui est détenu en main privée. Alors, quand ont dit qu’il y a des milliers d’objets du Dahomey, il y en a qui ont été légalement acquis au 20ème siècle. Il faut faire l’inventaire des œuvres qui ont été prises en 1892.

Publicité

On ne peut donc pas récupérer les objets du Dahomey dans le monde ?

C’est une question qui a énormément  d’implications. On ne peut pas dire qu’on va récupérer le patrimoine dahoméen dans le monde.  Ça ne marche pas parce qu’il y a du patrimoine qui a été acquis de façon parfaitement légale. Notre problème, c’est de questionner la légalité de ce qui est parti pendant la conquête coloniale. Et  quand ce n’est pas légal,  il faut qu’on le récupère parce que c’est notre histoire.

Une chose est de faire revenir les trésors royaux emportés. Autre chose est de les conserver. Qu’en pensez-vous ? 

Le secteur de la culture est un secteur qui est un peu traumatisé. Le dernier dirigeant dahoméen à avoir porté un véritable intérêt à la question du patrimoine est probablement le roi Agoli-Agbo.

Quand les objets  sont partis avec le Général Dodds, le roi Agoli-Agbo avait fait faire des copies. Ce qui explique qu’il y a aujourd’hui des copies d’époques au musée, dans les palais royaux  d’Abomey. Les gouvernements successifs n’en ont jamais fait une priorité. Quelques ministres ont soutenu des questions ponctuelles. Seulement, il n’y a pas eu de véritable réflexion nationale sur l’importance de la culture au niveau de l’État. On le voit bien avec l’entretien des musées qui souffrent énormément. Quand on voit cette situation, on se dit que le  gouvernement  a un chantier gigantesque. D’abord il faut refaire les musées nationaux. Ça, c’est un travail simple parce qu’on a les compétences qu’il faut. On peut trouver des financements. Donc, il est envisageable de réaliser ce projet  mais par contre ça va demander de l’implication et du travail. En somme, il y a la question de la rénovation des musées, la question de la préservation des collections.  Les réserves nationales sont dans un état catastrophique. On n’a pas d’inventaire photographique, ce qui est bien pratique pour certaines personnes mal intentionnées. Puisque nos objets ne sont pas répertoriés photographiquement, on peut facilement faire disparaître un objet et le faire remplacer. Quand on prend spécifiquement le musée d’Abomey, il y a des problèmes sur tous les sujets. Récemment, les incendies qui ont ravagé une partie des palais, les systèmes électriques complètement défaillants, les vitrines hors d’âge. J’imagine que le gouvernement va refaire l’intégralité des musées. Ce qui serait une première en Afrique pour accueillir les objets qui arrivent. Si non, on sait bien ce qui va se passer.  On va définitivement perdre notre histoire.

Quand on sait que ces objets suscitent des attractions en France, est-ce que Paris sera favorable à leur retour  au Bénin ?  

Je ne peux pas parler au nom de la France. Je peux regarder ce qui a été dit  et les différentes démarches qui ont été faites. Le Président Chirac a initié un retour des objets vers l’Afrique. C’est pour ça qu’on a fait l’exposition concernant le Dahomey en 2006 à Cotonou. Le Musée du Quai Branly est né pour mettre en valeur les cultures extra occidentales. Je pense qu’aujourd’hui la France est prête à se poser la question sur son rôle dans la colonisation qui est une question compliquée. Enfin, je pense qu’on va sûrement trouver un terrain favorable effectivement si de l’autre côté on montre que ce n’est pas juste un coup de publicité, qu’il s’agit  vraiment d’un effort qu’on veut faire au niveau de la culture.

A propos des trésors emportés vous avez parlé de spoliation  et de réparation sur radio France-info.

Quand il y a eu une guerre il y a des réparations. L’Allemagne a payé des réparations à la France. L’Allemagne n’a pas conservé le  patrimoine de la France en disant ‘’trop tard ! C’était la guerre, on ne vous rend pas les oeuvres. Il y a eu des réparations. En occurrence dans notre cas, il n’y a pas eu de réparations. La France doit  rendre au Bénin, son patrimoine.

La réparation se limite-t-elle à retourner les œuvres emportées ?

Non, ça c’est un autre débat. Ce que je remarque, c’est qu’on a une question de restitution de patrimoine. Notre patrimoine, notre histoire est conservée à cinq milles kilomètres de  nous. Est-ce qu’il est normal que cette histoire, ce patrimoine revienne chez nous ? Oui ! Est-ce qu’on va prendre toutes les mesures pour traiter cette question avec l’importance qu’elle mérite ? Je l’espère.

Beaucoup de Béninois à Cotonou avaient l’habitude de venir visiter les expositions de la Fondation dans vos locaux à Cadjèhoun non loin de la place des Martyrs. Aujourd’hui, ce lieu est fermé. Où venir désormais ?

A Cotonou les mini-bibliothèques sont ouvertes partout. A Ouidah, le musée est ouvert. A Cotonou, on a fait un transfert de bâtiment. Les nouveaux locaux rouvriront début novembre. C’est notre habitude de déménager quand on trouve des espaces plus grands. En l’occurrence, on a trouvé un espace plus grand qu’on est en train d’aménager.

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Publicité